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L’afrobeat infuse jusqu’au Musée des Confluences

L’afrobeat, initié au débuts des années 70 par Fela Kuti et Tony Allen, a irrigué jusqu’à devenir aujourd’hui planétaire. Retour sur un genre éminemment politique à l’heure où un hommage à son créateur se profile au Musée des Confluences.

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L’afrobeat infuse jusqu’au Musée des Confluences

Fela Kuti est décédé le 2 août 1997, à Lagos, des suites du sida. Ironie du sort, à sa mort, l’afrobeat qu’il avait inventé à son retour des États-Unis commence à se propager partout dans le monde et n’en finit plus aujourd’hui d’inspirer la planète.

Après le reggae grâce à Bob Marley, c’est le second style non occidental et pré-Internet à réussir à s’imposer ainsi. Le roi est mort, vive le roi !

L’afrobeat, c’est cette pulse caractéristique initiée par Tony Allen, le batteur de l’Afrika 70, le groupe maison.

La complicité inouïe liant ce batteur à Fela a permis l’éclosion d’un style nouveau, se nourrissant du highlife ghanéen alors en vogue, de rituels yoruba, du jazz américain façon Impulse et Blue Note. Et bien sûr, de James Brown, celui de Say it loud, i’m black and i’m proud.

Fela et Tony en ont fait une mixture incandescente qu’ils ont porté vers les sommets très vite, lors des 70’s où le Nigéria était en proie aux troubles, subissant les coups de boutoir de généraux-dictateurs (Muhammad, Obasanjo…) et de la crise pétrolière.

Fela Kuti n’a pas ramené seulement le jazz et le funk dans ses bagages au retour de sa tournée américaine à la fin des sixties : il a aussi rencontré Sandra Smith, militante, membre des Black Panthers, qui lui a ouvert l’esprit et l’a conscientisé.

Malcolm X et Angela Davis seront désormais autant d’influences pour l’afrobeat. Sandra le suivra à Lagos, idéalisant le retour à la terre mère. Elle découvrira sur place la polygamie du sieur Fela…

Zombie, Opposite People, I.T.T. : autant de cris de révolte. Au long de morceaux pourvant flirter avec les vingt minutes, Fela et Tony Allen tissent une transe hautement funky, striée de solos de saxophone, de chœurs féminins et des textes éternellement révoltés du maître.

Il en subira les conséquences : sa république / forteresse de Kalakuta est attaquée par les forces gouvernementales, sa mère est tuée, défenestrée, lui-même est emprisonné à plusieurs reprises. Mais seule la maladie le fera taire.

AROUND THE WORLD

Depuis, sa parole essaime : l’on a d’abord découvert un vivier d’artistes africains influencés par le black president, au gré de compilations puis rééditions toujours plus nombreuses, telle Racubah sur Comet jusqu’à Ebo Taylor, remis en selle.

On a ensuite suivi les deux fils : Femi Kuti tout d’abord et son Positive Force, qui a entrepris de métisser de hip-hop et de soul l’afrobeat paternel sans renier l’héritage politique, relançant aussi le Shrine, leur club mythique.

Avant de voir débouler Seun, véritable sosie, boule d’énergie brute et incandescente, qu’il faut avoir vu une fois sur scène pour avoir une idée de l’impact du père quelques années plus tôt.

Et sont arrivés les descendants : d’abord via la compilation Red Hot + Riot, où des rappeurs comme Common et Talib Kweli, mais aussi Sade, Kelis et Nile Rodgers ont repris le répertoire d’un Fela qui n’imaginait peut-être pas qu’en Israël (Kutiman) ou à Montréal (les géniaux Soul Jazz Orchestra), l’on perpétuerait son héritage avec respect.

À Lyon, Meï Teï Shô autrefois, le NMB Afrobeat Experience avec le même chanteur Sir Jean aujourd’hui sont dans la lignée. Du côté de Genève, Professor Wouassa fait des merveilles, qui nous déclarait ceci dans une interview :

« Aujourd’hui je pense effectivement que les groupes occidentaux ont vraiment su se réapproprier ce style et surtout le faire évoluer. Avec tout le respect que j’ai pour Seun Kuti ou Femi Kuti, je pense quand même qu’ils jouent un style d’afrobeat qui est très proche de ce que faisait leur père. »

Citons aussi Antibalas, Fanga. Les samples dans le milieu hip-hop. Les hommages sur les dancefloors : la scène électronique, house en particulier, s’est énormément penchée sur Fela Kuti…

Les Masters at Work ont été les premiers à faire perdurer son discours, les résidents des soirées Body & Soul à New York s’en emparant à leur tour. La spiritualité présente en parallèle dans cette musique a touché les apôtres de la deep house.

Et Tony Allen, lui-même, multiplie les projets : d’abord psychédéliques avec Doctor L, puis avec Damon Albarn et Paul Simonon, au sein de The Good, The Bad & The Queen, avec Jimi Tenor aussi…

L’afrobeat a infusé la pop. Jusqu’à devenir comédie musicale à succès, aux État-Unis, en 2009, avec Fela !. L’afrobeat, aujourd’hui, est partout.

A Tribute to Fela Kuti & His shining Fearlessness actuellement au Musée des Confluences le 11 février.


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