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Soutien aux rebelles et aide humanitaire en Syrie : qui est « Free Syria Lyon » ?

Alors que la chute d’Alep suscite depuis deux jours un grand émoi et un intérêt citoyen et international tout particulier dans l’histoire de ce conflit (qui n’est pas terminé), les dons affluent dans les locaux de Free Syria Lyon à Vaulx-en-Velin. 

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Un bénévole de Free Syria Lyon, en train de trier les dons humanitaires. ©Rue89Lyon

Beaucoup de gens expriment leur souhait d’apporter de l’aide depuis la France et tombent, via leurs recherches sur Internet, sur cette petite association, ancrée à Lyon, comme son nom l’indique. On y est allé, pour comprendre qui se trouvait derrière.

Et très vite s’est posée la question de comprendre comment ce petit mouvement local de soutien aux rebelles syriens s’est transformé en une association en capacité d’envoyer « 800 tonnes » (d’après le chiffre avancé par l’association) d’aide humanitaire à l’autre bout de la Méditerranée ?

La dernière expédition de Free Syria Lyon remonte au mois d’octobre. Et la prochaine cargaison est déjà prête depuis un moment. Mais elle reste bloquée, par manque de cash.

Des milliers de médicaments et beaucoup de matériel médical, des fournitures de puériculture et des produits d’hygiène, des vêtements chauds et des paires de chaussures par centaines, quelques fauteuils roulants et béquilles, mais aussi des lits, des tapis… A l’entrepôt, ça déborde presque.

Bassem Al Atrach, le président franco-syrien de l’association, est satisfait de voir arriver autant de vivres, mais il insiste :

« On a plein de matériel et c’est très bien. Mais il faut aussi des participations financières. Si pour chaque carton qu’on a ici, les gens avaient aussi donné un euro, le camion serait déjà parti depuis longtemps ! »

Bassem Al Atrach, faisant visiter l’entrepôt de Free Syria Lyon à des donateurs. ©Rue89Lyon

4500 euros pour traverser la Méditerranée

L’association affirme avoir besoin de 4500 euros pour envoyer un convoi au Moyen-Orient. Un prestataire vient chercher les cartons à Vaulx-en-Velin pour les acheminer à Marseille. Arrivé à bon port, le convoi embarque dans un conteneur, direction Mersin, en Turquie, en passant par la Méditerranée.

Une fois arrivée de l’autre côté du Bosphore, les « marchandises » sont vérifiées une première fois par le gouvernement turc. C’est la première partie du voyage et elle coûte déjà 2000 euros. Il faut maintenant tout empaqueter à nouveau, puis traverser la frontière pour passer en Syrie.

Jusqu’en 2015, les camions pouvaient entrer en Syrie. C’est désormais interdit et trop dangereux : les semi-remorques sont devenus des cibles trop faciles à attaquer. Il faut donc envoyer le convoi à une « zone tampon », un point de la frontière turco-syrienne.

Là, sur la ligne de démarcation entre les deux pays, toutes les vivres sont stockées. Petit à petit, les contacts syriens de l’association vont venir les récupérer et les emmener jusqu’à la ville d’Idlib et dans les banlieues de Homs et Hama. Cette seconde partie du trajet coûte 2500 euros.

Les quatre villes de la « deuxième étape du voyage » des convois humanitaires de Free Syria Lyon. ©GoogleMaps

Soutenue par l’Union Islamique Turque

Des dépenses conséquentes donc, auxquelles il faut ajouter l’achat de vivres de dernière minute en Turquie, le loyer de l’entrepôt de Vaulx-en-Velin, ainsi que toutes les dépenses annexes, comme l’impression de tracts, l’abonnement internet…

En tout, Free Syria Lyon a besoin de « 7000 euros par mois » pour ne pas mettre la clé sous la porte.

Pour réunir cette somme, l’association compte principalement sur les participations de donateurs.

Des dons de moins de dix euros le plus souvent, parfois de plusieurs centaines d’euros et, très rarement, des prestations entièrement payées par des sociétés locales. Une supérette du coin qui rembourse un mois de loyer, une entreprise de poids-lourds qui paie la première partie du trajet vers la Syrie…

L’association compte également beaucoup sur l’Union Islamique Turque. Il s’agit d’une institution religieuse étrangère basée en France, composée « de gens qui veulent aider leur communauté en construisant des mosquées et des écoles religieuses », d’après Bassem Al Atrach. Ce sont eux les propriétaires de l’entrepôt.

En 2014, ils ont offert une année de loyer gratuit à Free Syria Lyon. Et aujourd’hui, alors que le prix mensuel du terrain équivaut à près de 4000 euros selon le président de l’association, celle-ci ne paie que 2000 euros de loyer, soit la moitié du prix initial.

 

Une ambulance qui devra être réparée avant de partir pour la Syrie. A l’arrière-plan, l’entrepôt de l’association. ©Rue89Lyon

« L’affaire Perle d’espoir », une association humanitaire qui a été soupçonnée de financer le djihad, a instauré la confusion et le doute. Des questions sous forme d’accusations ont été lancées en direction de Free Syria Lyon sur les réseaux sociaux notamment. Financer l’islamisme radical et le terrorisme ? Bassem Al Atrach est catégorique :

« Aucun membre de notre association n’est allé frimer avec une kalachnikov en Syrie. Pour moi, on est 100% humanitaire ou on ne l’est pas. Nous, c’est clair : on est 100% humanitaire. »

« Jamais je n’aurais pensé envoyer des convois humanitaires »

Free Syria Lyon était à l’origine un simple « rassemblement », raconte le président-fondateur. En juin 2011, quelques mois après les premières manifestations, Bassem Al Atrach organise un événement pour soutenir les rebelles syriens.

« Environ 2000 personnes ont participé. Il nous fallait donc un cadre juridique pour que ça soit légal. Moi, je ne m’étais jamais impliqué dans un cadre associatif, c’était la première fois. Mais on pensait qu’en Syrie, les choses allaient bien se passer, un peu comme en Tunisie. Jamais je n’aurais pensé devoir un jour envoyer des convois humanitaires. »

Arrivé en France en 1990, Bassem Al Atrach vivait avant cela en Syrie, où il a grandi, étudié et passé son service militaire. Agent immobilier depuis une dizaine d’années, il possède désormais une cinquantaine d’appartements autour de Lyon.

« Avant 2011, je n’avais aucun problème avec le régime syrien. C’était même le paradis pour moi là-bas. Avec mon salaire d’ici, j’y passais de super vacances avec ma famille. »

Mais les manifestations et la répression du gouvernement le font changer d’avis sur son pays. Celui qui se présente comme un patriote organise l’envoi de vivres pour aider ses concitoyens depuis la France.

Pendant deux ans, avant d’obtenir l’entrepôt de Vaulx-en-Velin en 2014, Bassem Al Atrach prépare les colis depuis sa propre maison, à Saint-Didier-Au-Mont-d’Or.

Bassem Al Atrach, devant des médicaments donnés à Free Syria Lyon. ©Rue89Lyon

À la recherche d’un mécanicien, d’un graphiste…

Cinq ans après sa fondation, Free Syria Lyon compte aujourd’hui « cinq bénévoles qui agissent de manière très ponctuelle » et une quinzaine d’autres qui donne un coup de main de temps en temps, indique Farida, qui a rejoint l’équipe cet été.

Elle s’occupe des tâches administratives.

D’autres ont pour mission de ranger les nombreux dons, tandis que certains sont là pour organiser les rassemblements. Huit pharmaciens aident également régulièrement à trier les très nombreux médicaments reçus.

Free Syria Lyon cherche aussi un mécanicien – pour réparer des ambulances récupérées en mauvais état, un graphiste – pour améliorer la communication de l’association, un informaticien – pour gérer les problèmes de l’ordinateur central, un traducteur – pour traduire les vidéos des contacts syriens précisant les besoins sur place…

Farida gère bénévolement l’aspect administratif de Free Syria Lyon. ©Rue89Lyon

Soutien affiché à l’Armée Syrienne Libre

En Syrie, l’équipe chargée de récupérer et distribuer les vivres a elle été composée par Bassem lui-même. Des relais sur place qui posent question, étant donnée la position politique défendue par l’association et son fondateur. Free Syria Lyon se positionne en effet clairement dans le conflit, explique Bassem Al Atrach.

« On soutient l’Armée Syrienne Libre. On ne peut pas soutenir Bachar. Après, nos médicaments et nos ambulances sauvent tout le monde sans distinction. On ne demande pas parmi les blessés qui est pro-Assad et qui ne l’est pas. »

>> Lire également « Démêler le vrai du faux sur le conflit en Syrie » par Libé <<

L’Armée syrienne libre est ainsi décrite dans un article du Figaro :

« Elle n’a rien d’une coalition organisée et cohérente. Elle désigne en réalité tout groupe armé lié au Conseil militaire suprême de l’opposition syrienne, et plus largement toute brigade modérée qui se bat contre le régime d’Assad. Les Américains ont tenté d’armer et d’entraîner certains de ces groupes à partir de 2013, pour des résultats peu concluants. »

Le président de l’association ne comprend pas l’immobilisme international vis-à-vis de la Syrie. Selon lui, « les USA n’ont pas attendu l’ONU pour intervenir en Irak ». Mais le franco-syrien reste optimiste :

« Je pense qu’avec un élan de volonté internationale, on peut faire partir Al Assad. Ce qui nous tue, ce n’est pas seulement Daesh, ce sont les Russes et Al Assad. Et aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on dit que Bachar, c’est mieux que l’État Islamique. Ce n’est pas si simple. Il faut garder espoir. »

Ci-dessous, une vidéo de lemonde.fr résumant les principaux enjeux de la guerre en Syrie et qui, il est important de le noter, date de 2015.


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