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Barbara Pompili en visite dans le Beaujolais : alors c’est bon, le vin naturel ?

Dans le contexte du 3e salon Rue89 Lyon des vins, dont elle a entendu parler, et d’un déplacement prévu à Lyon, Barbara Pompili, secrétaire d’Etat à la biodiversité et membre du Parti écologiste, a indiqué à son équipe qu’elle voulait « absolument découvrir ça » et rencontrer des vignerons issus de ce mouvement.

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Barbara Pompili en visite dans le Beaujolais : alors c’est bon, le vin naturel ?

Barbara Pompili dans les vignes de la famille Foillard, dans le Beaujolais. DR

La secrétaire d’Etat à la biodiversité a découvert l’existence des vins naturels en lisant la BD d’Etienne Davodeau, Les Ignorants (où l’on suit le vigneron angevin Richard Leroy), et en discutant avec des personnes ayant des intolérances aux sulfites.

Le sujet l’intéresse d’autant plus que ces vigneron-ne-s conçoivent la biodiversité, en agriculture, comme la garantie d’une qualité et non plus comme un obstacle.

Rendez-vous sera pris avec le domaine Foillard (présent, en effet, au salon de Lyon) et une poignée de jeunes vignerons : Alex Foillard, le fils, Pierre Cotton et Yann Bertrand (qui, pour l’anecdote, vient d’envoyer quelques cartons à l’Elysée, à l’attention de la sommelière qui a demandé à goûter son vin).

Barbara Pompili se dit aujourd’hui « intéressée et convaincue ». On a eu envie d’en parler avec elle.

No wine is innocent : Quels principaux enseignements tirez-vous de votre visite dans le vignoble, lundi 7 novembre, et de votre rencontre avec plusieurs vignerons du Beaujolais produisant ce qu’il est convenu d’appeler des vins naturels ?

Barbara Pompili : Je retiens d’abord que les producteurs de vin dit naturel du Beaujolais savent recevoir ! Et qu’un petit verre de côte-du-py n’est pas contre-indiqué pour échanger sur ce qui est bon pour notre palais et pour notre environnement. C’était une rencontre simple, vivante et naturelle, à l’image des vins que produisent ces vignerons.

« Les vignerons qui cherchent à minimiser le recours à la chimie méritent d’être reconnus et valorisés »

Ce déplacement m’a donné des motifs d’espoirs. Pour la biodiversité, d’abord, parce les personnes que j’ai rencontrées ont intégré depuis bien longtemps que la préservation de la biodiversité n’est pas un problème mais une solution. C’est la garantie de produire un vin dans le respect du sol, de la plante et du terroir, qui en donne la meilleure expression.

C’est quand même plus cohérent que de rajouter des tas de produits dans les vignes et à la vinification, pour que le consommateur reconnaisse une appellation. Quand je pense aux propos que j’ai entendus de la bouche de certains sénateurs républicains lorsque nous avons voulu faire interdire les pesticides tueurs d’abeilles, je me dis qu’on devrait leur adresser quelques bouteilles de vin « vivant ». Ils verraient que la préservation de la biodiversité est bonne pour les agriculteurs, pour les consommateurs, et même pour le business.

Pour l’écologie, ensuite, parce qu’il y a une vraie prise de conscience sur la question des pesticides. C’est une urgence environnementale, sanitaire et économique. Les vignerons qui cherchent à minimiser le recours à la chimie – jusqu’à produire un vin sans intrants lorsque c’est possible – méritent d’être reconnus et valorisés.

Et puis pour l’avenir, parce qu’il y a une nouvelle génération qui s’engage et qui est pleine de promesses. A nous de les accompagner. Un des jeunes que j’ai rencontré a reçu une commande de l’Elysée. C’est bien la preuve que son vin est non seulement bon pour l’environnement, mais qu’il est aussi bon pour les papilles et pour l’image de la France.

J’espère d’ailleurs que le Président de la République l’utilisera pour une grande occasion.

Pourquoi pas à l’occasion d’un diner avec des chefs d’Etat climato-sceptiques, ça changerait certains des sodas sucrés…

Faut-il, selon vous, créer un cadre pour reconnaître officiellement les vins naturels ?

Cette question est légitime, ne serait-ce que pour protéger les vignerons qui voudraient faire mention de leurs pratiques sur leurs bouteilles et pour garantir que ceux qui se revendiquent de cette démarche adoptent des pratiques effectivement exemplaires.

« Les premiers à porter une volonté de changement dans les pratiques, ce sont les consommateurs »

Mais je crois que la réponse n’est pas mure. D’abord parce qu’il n’y a pas de consensus parmi les vignerons qui s’engagent dans cette voie. Vous savez par exemple qu’un viticulteur qui n’utilise pas d’intrants est plus vulnérable aux conditions météorologiques. Donc il faut veiller à lui laisser de la souplesse. La profession viticole y réfléchit, y compris au sein de l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité), sans avoir rien tranché encore.

Ensuite parce que les premiers à porter une volonté de changement dans les pratiques, ce sont les consommateurs, et qu’il faut bien entendu les associer. L’idée n’est donc pas d’imposer, par le haut, une décision de cette nature. Si ce débat venait à être tranché, il faudrait qu’il le soit dans le cadre d’une large concertation, en accord avec les acteurs concernés.

En revanche, rien ne nous empêche de donner un coup de projecteur sur ces pratiques qui prouvent qu’on peut produire un vin de qualité, dans des conditions de sécurité pour les agriculteurs et en respectant pleinement la biodiversité. C’est le sens de ma venue dans le Beaujolais.

Est-il possible d’envisager un soutien ministériel (aides matérielles, financements, formations, etc.) à ces vigneron-ne-s que vous estimez être à « l’avant-garde », mais qui sont également, en effet, en première ligne lorsque les vignobles subissent maladies ou intempéries, dans la mesure où ils travaillent sans filet ?

Les sujets que vous évoquez relèvent essentiellement de la compétence du Ministre de l’agriculture et je n’ai pas pour habitude de faire des annonces que je ne suis pas certaine d’honorer.

Il y a des mesures importantes qui existent, comme les aides à la conversion en agriculture biologique. Certains jeunes que j’ai rencontrés hier en ont bénéficié. Ce gouvernement a également fait beaucoup pour accompagner la réduction des pesticides et le développement du bio.

Mais je crois qu’on peut aller encore plus loin, sur notre modèle agricole en général, sur l’adaptation de la formation dans les lycées agricoles et sur l’accompagnement des agriculteurs qui s’engagent dans une démarche vertueuse pour l’environnement, y compris face aux aléas climatiques.

C’est le discours que j’ai toujours tenu face à mes collègues du gouvernement. J’ai bien l’intention de continuer dans cette voie.

Est-ce que vous buvez (avec modération, s’entend) du vin naturel à titre personnel ?

Vous avez raison de rappeler que l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Nous aurions d’ailleurs dû commencer par là ! Alors oui, je consomme du vin dit naturel, de façon raisonnable. Mais pour être sincère, je suis encore novice en la matière.

Je ne vais donc pas m’aventurer à énumérer des noms. Il y a plusieurs semaines, j’ai failli me rendre sur le vignoble de messieurs Houillon et Overnoy dans le Jura mais une contrainte de dernière minute m’a amenée à annuler ce déplacement.

En revanche la rencontre de messieurs Foillard, père et fils, Bertrand et Cotton, m’a donné envie de prolonger mon initiation, et je sais qu’un ancien responsable viticole national, Michel Issaly, s’est aussi engagé, depuis plusieurs années, dans la production de vin dit naturel… Revenez vers moi dans quelques mois et je pourrai certainement vous en indiquer encore beaucoup d’autres.

Trump, anti-écologiste et climato-sceptique autoproclamé, est désormais Président des Etats-Unis. Il a notamment promis qu’il annulerait l’accord de Paris sur le climat et qu’il supprimerait l’Agence de protection de l’environnement (EPA), faut-il redouter une grave période glaciaire pour l’écologie ?

Dans la mesure où nul n’échappe à la réalité du défi climatique, je pense que, de toute façon, la dynamique de l’accord de Paris est irréversible. Mais elle n’est pas à l’abri de périodes de stagnation. Or, il y a urgence à agir : tout ce qui conduit à retarder l’action est néfaste. Cette élection devrait donc nous faire réfléchir : je suis écologiste, donc exigeante.

Et comme de nombreux écologistes dans la société, il m’arrive souvent de piaffer d’impatience, de trouver qu’on devrait aller plus vite, plus loin, dans de nombreux domaines.

Mais je suis une écologiste réformiste, pragmatique et je sais que faire avancer des solutions écologistes est un combat, partout, permanent. Cela suppose une culture du compromis.

Sur les questions énergétiques, sur la protection de l’environnement, je crois qu’il faut être capable de mesurer les avancées réalisées, les transitions en cours, les mécanismes législatifs mis en place, comme dans la loi pour la biodiversité. Nicolas Sarkozy a tenu des propos inquiétants sur l’Agence Française pour la Biodiversité, qui sera créée le 1er janvier prochain, et qui est très attendue.

Défendre ces avancées, c’est un enjeu des prochains mois, face à des candidats qui sont soit indifférents aux enjeux, soit qui annoncent vouloir revenir sur ces avancées… A ne décrire le verre qu’à moitié vide, le risque est de faciliter l’arrivée au pouvoir de ceux décidés à le vider totalement.


#Biodiversité

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