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Gaspar Claus ou la réinvention du flamenco, en concert à Lyon

Après Barlande, Gaspar Claus et son père, Pedro Soler, sont de nouveau réunis sur Al Viento. Avec dix cordes seulement, une guitare et un violoncelle, ils réinventent le flamenco et tentent de l’offrir au plus grand nombre. Inépuisable explorateur musical, Gaspar Claus se livre sur ce projet et sa permanente volonté de décloisonnement des genres.

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Gaspar Claus ou la réinvention du flamenco, en concert à Lyon

Petit Bulletin : Après Barlande en 2011, tu retrouves ton père pour ce nouvel album, Al Viento.

Gaspar Claus : L’année dernière, on parlait d’un second album. Après Barlande on a fait beaucoup de concerts. L’envie semblait être présente du côté de la maison de disque. Pedro m’a dit : « tu parles tout le temps d’un deuxième album. Il faudrait qu’on arrête d’en parler, qu’on se pose et qu’on l’écrive. »

Mais en réalité, après Barlande on avait déjà commencé à créer de nouveaux morceaux. On avait déjà la matière pour faire ce second album. Il était presque prêt. C’est une écriture en permanence.

Peut-être que d’ici quatre ans et sans l’avoir voulu, on aura un nouveau répertoire.

On entend dire que ton père a un style « archaïque » alors que tu es souvent qualifié d’explorateur musical. C’est une vision que vous partagez ?

Tout dépend de ce qu’on entend par archaïque. L’archaïsme de Pedro rejoint une extrême modernité. Il est dans une épure, dans une recherche de la qualité du son. Ce sont des points de concentration qui sont très présents dans les musiques modernes ou d’avant-garde.

On se retrouve à cet endroit là. Pedro n’est pas le plus fidèle représentant du flamenco traditionnel. Il ne s’appuie pas que sur le système de cette musique.

Bien sûr, Pedro tient énormément aux gammes et aux rythmes qui composent le flamenco mais il est davantage à la recherche d’un son.

Bien que ton père et toi ne partagez pas le même univers sonore en dehors de vos collaborations, on sent que vous appréhendez la musique de la même manière. C’est vrai ?

Non, je ne pense pas. On s’apprend énormément, on s’écoute énormément. On se met l’un et l’autre en danger. On se fait sortir de nos zones de confort. On provoque l’écoute. On pousse l’attention à l’autre pour savoir comment danser avec lui. On ne cherche pas à se glisser dans la musique de l’autre.

Il faut savoir le déséquilibrer, le rattraper avant qu’il ne tombe, se laisser tomber, etc. De là, une troisième musique naît. On ne fait pas de la fusion. Ce sont deux mondes qui rentrent en collision. Cet impact génère un troisième monde.

Les aller-retours vont dans un certain sens. Pedro tenant beaucoup au respect de l’art flamenco, il faut faire attention à ça. Il faut pouvoir être diffusé sans gêne auprès des musiciens d’Andalousie. On reste dans le carcan, mais on propose autre chose à l’intérieur de celui-ci. C’est une collaboration très naturelle.

© Cyrille Choupas

Al Viento a été enregistré en Islande et en Espagne, deux territoires qui ne se ressemblent pas vraiment. Au final, le contraste colle avec ce que vous proposez sur l’album. Simple coïncidence ou réflexion plus profonde ?

On est d’abord partis en Islande parce qu’on cherchait à se désaxer. Moi je ne voulais pas enregistrer en Andalousie. En Islande, il y a ce studio très prestigieux, le Greenhouse. J’aimais bien cette idée d’aller dans un pays où le feu est enfermé sous la glace. La terre brûle. En Andalousie, le feu est dans le ciel avec ce soleil qui brûle tout.

Moi j’ai vu une analogie, j’ai senti qu’on pouvait aller chercher les deux sources de feu.

Mais tout ça ce sont des histoires qu’on se construit dans la tête (rires). Il y a aussi le fait que le studio en Islande était très cher donc on avait peu de temps. On a décidé de ne faire que la moitié du disque là haut et d’aller ensuite en Espagne. On a fait l’Islande en février et l’Espagne en août.

« Signer chez InFiné, ça nous a amené à jouer au festival All Tomorrow’s Parties, qui est le truc le plus sexe, drogue et rock’n’roll d’Angleterre »

Pour ce nouvel album, vous avez signé sur le label InFiné, d’habitude plutôt orienté musiques électroniques. Tu as retrouvé Rone, avec qui tu as collaboré. Est-ce que cette signature est un nouvel exemple de ta soif d’ouverture, de décloisonnement ?

J’ai rencontré Erwan (NdlR, Rone) parce qu’il était le nouveau petit copain d’une très bonne amie. Il n’était pas encore Rone et faisait une musique pour un court-métrage. On a pas mal bossé ensemble. À l’époque, il y avait déjà les vidéos de mon père et moi pour Les Concerts à emporter.

Quand Erwan a signé avec Alexandre Cazac chez InFiné, il a montré ces vidéos. Alexandre voulait ouvrir le label. Il a réussi d’ailleurs. C’est une chose très importante de décloisonner.

Quand ils nous ont proposé de signer, on avait aussi une proposition du label de Pedro, Harmonia Mundi. On savait que le public de Pedro allait suivre alors je me suis dit que ce serait bien d’aller présenter cette musique à un autre public, via InFiné. Je préfère jouer pour des gens qui ne s’attendent pas à ce que je vais leur jouer.

Je trouve ça tellement plus intéressant. Signer chez InFiné, ça nous a amené à jouer au festival All Tomorrow’s Parties, qui est le truc le plus sexe, drogue et rock’n’roll d’Angleterre ! On a été suivi par un public très jeune.

C’était hyper important cette signature. Le décloisonnement est une qualité rare chez les labels. Surtout qu’aujourd’hui avec les algorithmes de Youtube et compagnie, on ne nous donne à écouter que ce qu’on aime.

« Quand on annonce qu’on va jouer la Petenera, s’il y a des Gitans dans la salle, ils se lèvent et ils se cassent »

Dans Al Viento, une chanson fait appel à la figure de la Petenera, encore aujourd’hui très crainte des Gitans. Vous n’avez pas peur de la malédiction ?

Quand on annonce qu’on va jouer la Petenera, s’il y a des Gitans dans la salle, ils se lèvent et ils se cassent. Il y a des chanteuses flamenco avec qui on travaille qui refusent même qu’on prononce ce nom. Ce n’est absolument pas une blague.

Moi, je ne suis pas de cette culture là. J’entends tout ça mais ça ne me fait pas peur. C’est un morceau particulièrement habité. Je sens que c’est bizarre. Quand je le joue, il m’arrive de me poser des questions. C’est très intense. Mais c’est normal parce qu’il y a une histoire très précise qui est racontée.

On joue, on ferme les yeux et on se fait le film dans sa tête. Donc d’une certaine manière le personnage est présent.

Sur un autre morceau de l’album, vous invitez Matt Elliott et Serge Teyssot-Gay à vous rejoindre. Une collaboration à laquelle vous teniez ?

Il y a deux ans, le festival Radio France a contacté Serge et moi pour une collaboration. On ne se connaissait pas. Mon père est venu nous écouter en concert. Il a adoré la guitare électrique de Serge, il a trouvé ça très flamenco. Il ne lui a pas trop laissé le choix, il lui a dit : « on enregistre cet été, tu viens. »

On a fait cette pièce en une seule prise pour les instruments (guitare électrique, guitare, violoncelle). Ensuite, il y a eu la voix de Matt Elliott. On avait beaucoup d’amis en commun mais on ne s’était jamais rencontrés. Moi j’écoute sa musique depuis longtemps. Il a quelque chose d’assez hispanisant dans certains de ses morceaux.

C’est un morceau qui sort un peu du lot au final. On avait déjà eu une collaboration sur Barlande, c’est important.

Dans l’esprit de certains, le flamenco ce sont les fêtes estivales dans les villages balnéaires où ça chante et ça danse. C’est un truc bizarre, folklorique, sauvage.

Ce n’est pas trop dur de tourner avec l’étiquette flamenco ? C’est un genre finalement assez méconnu en France, qui souffre de beaucoup de préjugés.

Dans l’esprit de certains, le flamenco ce sont les fêtes estivales dans les villages balnéaires où ça chante et ça danse. C’est un truc bizarre, folklorique, sauvage. À l’inverse, les aficionados du flamenco sont des élitistes. Ils connaissent beaucoup trop bien la musique et décident de ce qui est du flamenco.

Entre les deux il y a tout le public qu’on voudrait toucher. C’est plus le public du dernier album de Leonard Cohen, par exemple. C’est une proposition musicale avant tout. Il s’agit d’abord de jouer de la musique.

Mais quand on dit flamenco, il y a quelque chose de très connoté dans l’esprit des gens. On n’y peut rien.

Ton violoncelle est à la fois générateur de mélancolie, de chaos, de structures, bref, de beaucoup de choses. Penses-tu achever un jour ta quête du son de ton instrument ?

(Rires) Je ne sais pas trop ce que l’avenir me réserve. Il y a quelques temps je me suis mis à utiliser des pédales d’effet. C’est tout un nouveau monde qui s’ouvrait à moi. J’avais longtemps refusé, pas parce que j’étais contre mais parce que j’estimais que je n’avais pas encore tout fait avec mon seul violoncelle.

Depuis que j’ai utilisé ces pédales, quand je reprends mon violoncelle sans les pédales, je retrouve un plaisir perdu. C’est une histoire de dynamique. Cet instrument me surprend à chaque fois. Il dépend tellement de ce à quoi on propose de le marier.

Par Gabriel Cnudde, sur petit-bulletin.fr.


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