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Pas de panique, en cas d’épidémie à Lyon les cimetières sont prêts

A côté des cimetières, la Ville de Lyon dispose de terrains pour accueillir 5 000 à 6 000 morts d’un coup.

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Vue globale de la réserve foncière de Loyasse. © E. Soudan

Chaque commune de France possède au moins un terrain prévu en cas de décès de masse. Cette « réserve foncière obligatoire » est un espace pouvant accueillir jusqu’à cinq fois plus de morts que la moyenne annuelle.

A Lyon, c’est un vaste champ attenant au cimetière de Loyasse à Lyon, brouté par des moutons, qui a interpellé un internaute. Nous sommes allés jeter un coup d’oeil, histoire d’être parés en cas de guerre nucléaire ou d’épidémie foudroyante.

> Article initialement publié le 15 janvier 2016

Vue globale de la réserve foncière de Loyasse à Lyon © Eric Soudan

Dans le genre « le saviez-vous », cette info signalée par un riverain de Rue89Lyon se pose là.

Insolite mais pas si étonnante que ça si on y réfléchit bien. En effet, comment imaginer qu’il n’y ait pas de procédure à adopter en cas de décès en masse ? C’est même une des obligations à laquelle s’engage chaque maire à son élection, comme le précise Jean-Pierre Cornu, directeur des cimetières de Lyon.

Et pour lui cela relève tout simplement du « bon sens » : avoir des espaces suffisants pour « pouvoir inhumer tout le monde en cas de besoin ».

Article L. 2223-2 du CGCT.

C’est l’article L. 2223-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) qui régit cela. Mises en place depuis « 2007-2008 » selon Jean-Pierre Cornu, ces réserves existeraient cependant depuis toujours. Partout, les cimetières ont donc théoriquement été pensés dès leur création pour avoir un espace libre, à utiliser en cas de surpopulation impromptue.

« La problématique a toujours existé, certes avec plus ou moins d’acuité en fonction des événements et des époques. Avant on avait plus de besoins, à cause de certaines maladies qui n’existent plus, comme la tuberculose, le choléra, etc. Maintenant on est davantage sur des problématiques de virus, mais la finalité reste la même. »

 A l’heure où l’épidémie Ebola a effrayé en France de façon plus ou moins intense ces derniers mois, nous nous sommes rendus sur place. Au cas où.

« En cas de décès massifs » : c’est à dire ?

Petite précision sémantique : lorsque l’on parle de réserve foncière utilisable en cas de décès massifs, on parle véritablement de lieux prévus, pensés et aménagés pour accueillir les victimes d’une potentielle catastrophe, naturelle ou non.

L’efficacité du texte de loi référant a d’ailleurs été mise à l’épreuve lors du tohu-bohu survenu lors de l’apparition de la grippe H1N1, selon Jean-Pierre Cornu.

Dans un épais rapport que la directrice de l’Institut médico-légal de Paris, Dominique Lecomte, a remis aux ministres de l’Intérieur et de la Santé en 2004, est d’ailleurs précisé le « plan d’intervention spécifique pour la gestion des décès massifs », sorte de procédure exhaustive à suivre en cas d’épidémie, guerre, radiation, canicule, etc.

Ce rapport va donc très loin dans les anticipations réjouissantes, et les réserves foncières ne sont finalement que la partie émergée de l’iceberg.

Entouré de rouge : la réserve foncière de Loyasse, visible depuis le carré musulman du cimetière ou depuis la rue. © Impression écran Google Map

A Lyon, de quoi enterrer 5000 à 6000 morts d’un coup

C’est au niveau local que ces réserves foncières se gèrent, chaque municipalité s’organisant à sa manière avec ses cimetières. Pour ce qui est des grosses villes il s’agit d’une vue plus globale. A Lyon l’espace est ainsi proportionnellement partagé entre les quarante-deux hectares de cimetières (répartis en quatre sites et sept cimetières), comme le précise Jean-Pierre Cornu :

« A Loyasse la réserve foncière est d’un hectare, à la Guillotière, ça doit être deux hectares à peu près, parce que c’est beaucoup plus grand. Et on doit être sur 8000 mètres carrés à la Croix-Rousse. »

La ville arrive ainsi à subvenir aux demandes (quotidiennes et exceptionnelles) avec ces seuls cimetières communaux, ce qui n’est pas une généralité. À Paris la place dans les cimetières historiques pose problème, et le choix de créer un espace extérieur dédié à ces réserves a été adopté.

Pour ce qui est de la capacité d’accueil des réserves lyonnaises, Jean-Pierre Cornu est plutôt précis :

« Globalement sur les cimetières lyonnais on est à 3000 décès par an. Sur les 3000, il y a à peu près 1700 inhumations et le reste ce sont des crémations. Donc les réserves sont prévues pour environ 5000/6000 emplacements, et on en a la capacité. »

Et si les besoins devait dépasser ces prévisions, cela se gérerait au cran supérieur :

« Plus vous allez monter dans l’échelle de grandeur, plus vous allez changer d’échelle de structure. On passe ainsi de la municipalité, au département, à la région, et ainsi de suite ».

Quant à savoir à partir de combien de morts on activerait l’usage de ces réserves, le directeur est clair : ce serait une décision du préfet. Mais il précise tout de même que cela arriverait en cas de pandémie ou de « choses de ce genre-là ». Il n’y a pas de règle précise en la matière, « c’est au cas par cas ».

Chaque commune met en place les espaces pour pouvoir « faire face ».

Par ailleurs, ce principe ne varie pas en fonction de l’existence ou non d’équipements dangereux, et ne prend donc pas en compte les spécificités territoriales.

Les allées du cimetière fictif sont déjà visibles. © E. Soudan

Moutons, ruches : en attendant une épidémie on favorise la biodiversité

« Ces terrains sont des prairies, tout simplement » explique le directeur des cimetières de Lyon :

« Ce sont des espaces vierges, pour nous ce sont des terrains disponibles donc on laisse la nature reprendre ses droits, et on favorise la végétation. Sur Loyasse notamment ce sont des espaces qui sont enherbés et on a une petite colonie de moutons noirs de Shetland qui s’en délectent et qui sont en liberté dans ces enclos. »

Ainsi l’entretien est facilité et :

« ça fait un petit clin d’oeil à la biodiversité, c’est sympa ».

Pour une ville qui voudrait prétendre à une dynamique favorable à l’écologie, « tout le monde y trouve son compte ».

En plus, les moutons cohabitent avec des abeilles. Les réserves foncières de Loyasse et de la Croix-Rousse accueillent chacune une demi-douzaine de ruches, à titre « expérimental », précise Jean-Pierre Cornu. Quant à savoir s’il est possible de se procurer du miel issu du butinage des fleurs en plastique de ces deux cimetières, le directeur ne s’est pas étendu.

Les moutons de Shetland broutent au milieu des tranchées pré-creusées. © E. Soudan

Pourquoi garder des réserves foncières plutôt que d’opter pour l’incinération ?

Ne serait-il pas plus simple et plus rapide d’incinérer en cas d’urgence, plutôt que d’enterrer les victimes une à une ?

Pour des mesures sanitaires évidentes lorsqu’une population se retrouve face à des décès massifs, elle doit réagir au plus vite. Selon Jean-Pierre Cornu :

« Il y a des familles qui sont hostiles à la crémation, donc dans un premier temps on on est obligés de partir sur des inhumations. Les familles peuvent ensuite récupérer les corps, et les inhumer ailleurs ou solliciter une crémation. »

Mesure qui apparaît délicate dans un contexte émotionnel qui ne l’est pas. Mais le directeur explique les choses de manière plus terre à terre :

« Ce qui est aussi à prendre en compte, c’est la capacité de crémation. Il faut forcément passer par un crématorium et il n’est pas possible de faire ça à la chaîne. De plus il n’y a pas énormément de crématoriums dans la région ».

En cas de décès massifs, on sait donc où tout se passera. En attendant, les moutons paissent tranquillement.

> Info signalée par un riverain : merci Eric Soudan.


#Cimetière

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