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À Grenoble, les bibliothécaires en tête de la fronde contre le plan de rigueur d’Eric Piolle

Comme annoncé en juin dernier, la mairie écologiste d’Eric Piolle a fermé deux bibliothèques de quartier durant l’été et prévoit d’en condamner une troisième en avril prochain. Des agents se mobilisent pour interrompre « la casse d’un maillage exemplaire ».

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À Grenoble, les bibliothécaires en tête de la fronde contre le plan de rigueur d’Eric Piolle

Depuis la rentrée, l’équipe municipale d’Eric Piolle doit régulièrement composer avec un comité d’accueil syndical lors de ses événements publics. Ce mercredi 19 octobre, l’inauguration de la « numothèque » à la bibliothèque du centre-ville n’a pas dérogé à la règle.

Lecture du texte de l’intersyndical CGT/FO/SUD lors de l’inauguration de la numothèque de Grenoble, ce mercredi 19 octobre 2016. Crédit : VG/Rue89Lyon

Après d’âpres négociations avec Corinne Bernard, l’adjointe aux Cultures, une quinzaine de bibliothécaires sont finalement autorisées à prendre la parole pour lire un tract syndical retraçant les raisons de leur fronde.

« Il est inadmissible de fermer trois bibliothèques lorsque l’on prétend que l’éducation est la priorité de la ville. Ce sont des lieux d’accueil gratuits et ouverts à tous qui contribuent à lutter contre l’isolement et la fragmentation sociale. »

Les bibliothécaires quittent la salle sous les applaudissements d’un public réuni là et l’inauguration du « nouveau portail de ressources numériques » peut reprendre, sans un mot des officiels sur cette interruption de séance.

Douze postes supprimés

Tout comme la baisse des subventions aux associations ou l’augmentation des tarifs de stationnement et des piscines, les trois fermetures consécutives des bibliothèques Prémol, Hauquelin et Alliance figuraient parmi les mesures du plan de rigueur des services publics municipaux grenoblois, annoncé le 9 juin dernier par Eric Piolle et plusieurs de ses adjoints.

L’objectif étant d’économiser près de 12 millions d’euros pour compenser la baisse des dotations de l’Etat à la commune et lui « éviter une mise sous tutelle de la préfecture ».

Eric Piolle et son adjointe aux Cultures, Corinne Bernard (à droite) lors de l’annonce du « plan de sauvegarde », le 9 juin 2016. Crédit : VG/Rue89Lyon

En plus de la fermeture de ces trois équipements, 12 postes de bibliothécaires sur 198 seront aussi supprimés progressivement par non-remplacement de départs à la retraite. Le service représente à lui seul près de 10% de l’effort total des suppressions de postes.

Depuis la rentrée, deux journées de grève ont déjà été organisées les 8 et 15 octobre derniers par l’intersyndicale des agents territoriaux pour s’opposer à ce plan d’austérité.

Si l’effort se concentre en partie sur les bibliothèques, c’est que Grenoble disposait jusqu’alors d’un maillage « exceptionnel », convient Corinne Bernard. « Mais impossible à maintenir », coupe-t-elle.

Le choix politique réalisé dans les années 1960 par Hubert Dubedout, le maire de l’époque, était de développer un réseau de proximité plutôt qu’une grande bibliothèque centrale, afin de garantir un accès simplifié à la lecture.

Depuis cette époque, ses successeurs ont poursuivi l’effort jusqu’à atteindre un réseau de 14 bibliothèques pour 150 000 habitants, avant les fermetures annoncées.

Soit l’un des maillages de lecture publique les plus denses de France.

« Une maison publique, comme à la campagne »

Alors quels critères ont été retenus pour décider de la fermeture des trois bibliothèques Prémol, Hauquelin et Alliance ? D’abord leur taille – « les plus petites » – mais aussi la faible amplitude des horaires d’ouverture.

Dans le sud grenoblois, les bibliothèques Prémol et Alliance étaient pourtant le dernier accès aux services publics pour certains usagers de ces quartiers populaires.

Les bibliothécaires souhaitent témoigner de leur mission « à la croisée du culturel, du social et de l’éducation ». Plus disponibles et accessibles qu’ailleurs, ils racontent leurs séances improvisées d’aide aux devoirs ou les conseils donnés pour remplir des documents administratifs.

Les agents territoriaux ont érigé un mur de livre lors du conseil municipal du 3 octobre 2016. Crédit : VG/Rue89Lyon

En réponse, Corinne Bernard, l’adjointe aux Cultures, défend son redécoupage :

« Je souhaite justement que le bâtiment Alliance reste ouvert pour devenir « une maison publique » où plusieurs services seront accessibles, comme à la campagne. À l’heure du numérique et des transports en commun, c’est vers cela que s’orientent les villes en transition. Quant à Prémol qui n’était plus une bibliothèque mais un point lecture seulement, il y a d’autres équipements très proches qui pourront accueillir les usagers ».

Effectivement, les bibliothèques Arlequin dans le quartier de la Villeneuve et Kateb Yacine dans le centre-commercial Grand’Place se trouvent toutes les deux à moins de 900 mètres de l’ancien équipement.

Mais un agent mobilisé conteste :

« Les élus ne tiennent pas compte de la logique de quartiers de ce secteur. Les enfants n’ont pas le droit de dépasser le bout de la rue. Alors vous les imaginez passer dans un quartier « rival » ou traverser tout un boulevard ? Le schéma de mobilité à vélo des élus ne correspond pas aux usages ! Ils vont créer une zone grise d’accès à la lecture publique dans tout le secteur 4″.

L’effritement de la base militante

Annoncée sans aucune marge de négociation et mis devant le fait accompli durant l’été, c’est surtout la méthode « autoritaire » de ce plan de rigueur qui surprend les agents.

Depuis son annonce, tous les conseils municipaux se sont tenus sous la protection d’un cordon de policiers pour éviter une nouvelle intrusion lors de la séance, comme en juillet dernier. Un nouveau rendez-vous est déjà donné le 7 novembre prochain pour maintenir la pression.

Une bibliothécaire enrage :

« On nous avait promis de la co-construction et le maintient absolu du réseau des bibliothèques municipales. On se sent évidemment trahis ».

Un cordon de policer sécurise la tenue du conseil municipal de Grenoble, le 3 octobre 2016. Crédit : VG/Rue89Lyon

Et il n’y a pas que chez les usagers ou dans les services que la colère gronde. Si la majorité municipale tient pour le moment le coup, en apparence au moins, sa base militante s’effrite.

Au Parti de Gauche, les deux co-secrétaires départementaux ont été sanctionnés par le parti après avoir réclamé un « moratoire » sur ce plan de rigueur.

En début de campagne présidentielle, il est devenu difficile pour certains militants de défendre localement une austérité dénoncée à l’échelle nationale et européenne. Notamment quand des équipements publics de culture et d’éducation dans des quartiers populaires en font symboliquement les frais.

 


#Bibliothèque municipale de Lyon

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