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L’égalité homme/femme dans la culture, la grosse illusion ?

Le milieu de la culture a beau clamer qu’il est ouvert sur le monde, il reste, plus que bien d’autres, l’apanage des hommes. À la veille des États généraux de l’égalité, le point sur la situation avec Anne Grumet et Chloé Bégoud, membres de l’association HF Rhône-Alpes.

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À la veille des États généraux de l'égalité, Anne Grumet et Chloé Bégoud font le point sur l'égalité homme / femme dans le milieu de la culture.

Concernant l’égalité femme / homme, la culture est-elle une priorité ?

Le HCE, le haut conseil à l’égalité (NdlR, dont Anne Grumet est membre) a été créé par François Hollande en 2013 pour éplucher toutes les politiques publiques au prisme de la répartition femme / homme. On vient de travailler sur la question des violences faites aux femmes et de l’inégalité dans l’éducation.

En 2017, une priorité nationale sera donnée à la culture et à l’enseignement supérieur. Nous réalisons des audits à l’issue desquels des propositions seront faites pour amender les lois. Par exemple, dans la loi Création architecture et patrimoine, le préambule indique cette notion d’égalité. Aujourd’hui dans le domaine culturel, il n’y a que des incitations, pas d’obligation de paritarisme, lequel n’existe que dans le champ politique : les partis payent s’ils ne respectent pas la parité.

Pourquoi ne serait-ce pas la même chose dans la culture ? C’est ce qu’on appelle la budgétisation sensible (gender budgeting), un courant qui vient des pays du Nord. En Suède, il y a des objectifs en terme de parité et si les structures subventionnées par des fonds publics n’y répondent pas, elles doivent redonner de leurs subventions. L’argent public prélevé sur les hommes et les femmes est surtout redistribué aux hommes.

« 54% de femmes dirigent des maisons avec un budget inférieur à 500 000 euros, mais seules 5% sont à la tête de celles à plus de 10 millions d’euros. »

À la veille des États généraux de l’égalité, Anne Grumet et Chloé Bégoud font le point sur la question de l’égalité homme/femme dans le milieu de la culture. CC : © Anne Bouillot

En 2006, la haute-fonctionnaire Reine Prat, à la demande dudit ministère, publie un rapport terrible sur l’inégalité entre homme et femme dans la culture. Qu’est-ce qui a changé depuis ?

Reine Prat a mis un diagnostic sur un symptôme. On ne peut pas dire que rien n’a changé, mais ça résiste. Aurélie Filippetti a su imposer que les short-lists soient paritaires dans les chartes sur les nominations de directeurs de CDN. Désormais, il existe aussi un rapport annuel de l’Observatoire de l’égalité entre femme et homme dans la culture et la communication, c’est très important.

Parfois, ça régresse : dans le domaine de la danse, il y avait 30% de directrices ; il n’y en a plus que onze, les scènes de musiques actuelles ont reculé de 13 à 10% et aucune femme en France n’a dirigé un orchestre (à moins de créer le sien) ! Reine Prat rappelle cette anecdote : si des femmes sont de plus en plus recrutées dans les orchestres (à Lyon, c’est à peu près 50-50), c’est parce qu’il y a désormais des auditions derrière un paravent !

On est dans une totale illusion de l’égalité car les femmes sont très présentes dans ce milieu culturel, mais plus dans les écoles de formation que dans les postes de direction. Et là encore c’est inégalitaire : 54% de femmes dirigent des établissements dont le budget est inférieur à 500 000€, en revanche seules 5% sont à la tête de maisons à plus de 10 M€. On est exactement dans la reproduction des modèles de la société et notamment des entreprises du CAC 40 : là où il y a de l’argent, il n’y a plus de femme.

C’est un cercle pas du tout vertueux : avec moins d’argent, elles programment des formes plus petites, elles ont donc accès à un réseau de diffusion moindre, c’est moins de public, moins de visibilité. Cette illusion est terrible : elle empêche le changement.

« Pour parvenir à un taux de 30% de femmes à la direction des lieux de diffusion du spectacle vivant en France, il faudrait attendre au moins neuf ans »

Comment procéder pour que ça change ?

Il faut un engagement politique avec des directives et des obligations. Il va y avoir bientôt un renouvellement à l’Orchestre national de Lyon ; Jean-Marc Bador part. Il faudrait dans la short-list autant d’hommes que de femmes. Après, que le meilleur gagne. Il ne faut pas que les femmes prennent LA place mais LEUR place. Une enquête de la SACD expliquait que pour parvenir à un taux d’au moins 30% de femmes à la direction des lieux de diffusion du spectacle vivant en France, il allait falloir au moins neuf ans de travail et de nominations, sachant qu’il y a environ 100 à 150 nominations annuelles pour ces structures !

Propos recueillis par Nadja Pobel, à lire sur lepetitbulletin.fr


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