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La méthode Only Lyon ou le buzz territorial

Avec ses millions de « fans » ou encore de « visiteurs » sur ses pages Facebook, Lyon mise plus que jamais sur une stratégie digitale pour attirer investisseurs et touristes.

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La statue Only Lyon à la Confluence, devant le musée, photographiée en septembre 2016. ©LB/Rue89Lyon

Le 4 septembre dernier, Lyon était couronnée aux World Travel Awards comme « meilleure destination week-end en Europe ». Ce trophée récompense moins les améliorations dans l’accueil des touristes que la stratégie de marketing territorial développée depuis 2007 par Only Lyon, à la fois marque et programme.

Dans la compétition que se mènent les grandes villes européennes pour attirer les hommes et les capitaux, Lyon est un des précurseurs en Europe en matière de city branding ou de marketing territorial.

À la suite de « I Love New York » et « I Amsterdam », le Grand Lyon a lancé l’initiative en 2007 pour promouvoir l’agglomération lyonnaise à l’international.

L’objectif affiché était, et il est toujours, de « développer la notoriété et l’attractivité de Lyon et de sa région à travers le monde ». Cette mission se résume dans un triptyque : « faire connaître, faire aimer, faire venir ».

Alain Bourdin, sociologue-urbaniste, professeur à l’Institut français d’urbanisme, pointe d’emblée la particularité lyonnaise :

« En France, Lyon est certainement à la première ville à avoir fabriqué et décliné une marque de manière aussi systématique. »

En France, après l’Alsace, c’est la Normandie qui s’inspire de Lyon pour développer l’identité de son territoire et la promouvoir comme on vend une lessive en supermarché.

La statue Only Lyon à la Confluence, devant le musée, photographiée en septembre 2016. ©LB/Rue89Lyon


1. Tout le monde sous la même bannière

La première fonction d’une marque, dans le marketing territorial, est de pouvoir rassembler tous les acteurs concernés sous une même bannière. C’est ce qui a été prévu et réalisé par Only Lyon dès son origine. Lancé par la communauté urbaine, le programme a tout de suite été rejoint par l’office du tourisme, la CCI, le patronat local (Medef et CGPME) et huit autres « partenaires fondateurs ».

Franck Delafon, le président de l’association des commerçants du centre-ville de Lyon, Tendance Presqu’Ile, souligne ce qu’il considère être la principale qualité de cette marque :

« Only Lyon est un succès car la marque a réussi à réunir les acteurs publics comme privés. Pour le développement extérieur de Lyon, tout le monde est sous le même chapeau ».

Le sociologue-urbaniste, Alain Bourdin, avance une explication :

« Il y avait un terreau fertile pour cela. Lyon a une intercommunalité (le Grand Lyon, ndlr) forte. Contrairement à Paris, il n’y a pas de problème de leadership entre la ville centre et la banlieue. Le leadership de Lyon est incontestable ».

Aujourd’hui, Only Lyon est un programme intégré à l’Aderly (Agence pour le développement économique de la région lyonnaise), association co-pilotée par la CCI et le Grand Lyon qui a essentiellement pour mission de faire venir des entreprises dans la grande région lyonnaise.

Et même Saint-Etienne devient Lyon à l’international.

Pour son directeur Lionel Flasseur, le savoir faire de l’équipe Only Lyon est essentiellement de « mettre en musique » ce qui est apporté par des partenaires.

Les équipes propres d’Only Lyon ne pèsent « que » 2,1 millions de budget et une dizaine de personnes dont les bureaux, nommés « la Sky room », sont perchés au sommet de la Tour Oxygène.

En revanche « l’écosystème Only Lyon » (selon Lionel Fasseur) représente un budget de 5 à 7 millions d’euros et 200 personnes, répartis dans les 26 partenaires (publics et privés).

Ce sont autant de structures, à l’image de l’office du tourisme, qui utilisent au quotidien la marque Only Lyon.


2. Les ambassadeurs : un réseau social lyonno-lyonnais

Le réseau des ambassadeurs Only Lyon a été la première initiative d’importance lancée par le programme Only Lyon.
Il a été lancé en 2007 alors qu’on ne parlait pas encore de réseaux sociaux comme aujourd’hui. D’abord autour de quelques VIP comme l’animateur télé Stéphane Bern ou le président de l’Olympique lyonnais Jean-Michel Aulas.

Puis le cercle s’est rapidement élargi. L’idée était de faire du « marketing participatif et viral ».

Aujourd’hui, le réseau compte plus de 23 000 ambassadeurs et une présence annoncée dans « 120 pays ».

Only Lyon mise surtout sur le sentiment identitaire : « donner à ma ville ce qu’elle m’apporte », selon le directeur du programme. Ou, autrement dit, sur la page Facebook d’Only Lyon :

« Etre Ambassadeur ONLYLYON, c’est :
– Faire passer Lyon à la vitesse supérieure
– Participer au rayonnement de cette capitale européenne
– Affirmer fièrement votre amour de Lyon
– Devenir le porte parole, l’ambassadeur de Lyon. »

Bénévole, l’ambassadeur dispose de l’un des plus beaux réseaux de business de Lyon.

En participant notamment, plusieurs fois dans l’année, à des « apéros Only Lyon » pour découvrir une des facettes méconnues de Lyon (et échanger des cartes de visite) ou se retrouver entre Lyonnais à l’étranger (et aussi échanger des cartes de visite).

Les derniers apéros se sont déroulés Rue Burdeau, à Lyon. Mais aussi en Australie.

Désormais, l’objectif est de rendre actif tous ces ambassadeurs, pour qu’ils deviennent tous des « étoilés » dans le jargon maison.

On compte trois niveaux d’« étoilés » qui reprennent les trois fonctions d’Only Lyon :

  • L’ambassadeur 1 étoile doit montrer qu’il « aime Lyon ». Il agit uniquement sur Internet : en marquant par exemple ses mails du logo Only Lyon, en retweetant des infos sur la ville ou en postant des vidéos de promotion sur Facebook.
  • L’ambassadeur 2 étoiles doit « faire aimer Lyon » et aussi agir « in the réal life ». Par exemple, c’est le responsable d’une entreprise qui met une vidéo de Lyon sur une clé USB distribuée à des clients ou qui place le discours Only Lyon lors des présentations de son entreprise; lorsqu’il intervient à l’étranger.
  • L’ambassadeur 3 étoiles doit « faire venir » des congrès, des entreprises et ou des journalistes étrangers. Deux exemples récents sont donnés par la direction d’Only Lyon : l’organisation du congrès de la Jeune chambre économique ou celui des cadres de Carrefour.

Au total, on comptabilise 1000 actions étoilées depuis 2016. À l’avenir, les ambassadeurs ne pourront entrer en relation que s’ils ont réalisé une « action étoilée ». C’est le côté bâton.

Côté carotte, pour encourager le mouvement, une soirée est organisée chaque année depuis 2015. Ce lundi 3 octobre, au théâtre des Célestins, lors des « Stars and heroes awards » seront remis quatre prix pour « mettre en lumière » à la fois les ambassadeurs Only Lyon « les plus actifs » et « leurs actions de rayonnement de Lyon les plus impactantes et créatives ».

Le sociologue-urbaniste, Alain Bourdin, analyse ce qu’a apporté cette démarche au marketing territorial :

« La méthode des ambassadeurs, en soi, n’est pas innovante. On a vu ça en politique notamment chez Barack Obama. C’est l’application au marketing territorial qui est novateur. »


3. « 10 fois plus d’engagement qu’I love New-York »

Avec Only Lyon, la promotion de la ville de Lyon est passée du marketing classique à une stratégie digitale.
En 2007, 90% du budget communication d’un million d’euros était consacré aux grande campagne publicitaire. Depuis trois ans, c’est 50/50. Et encore ces chiffres ne reflètent qu’imparfaitement la stratégie car Facebook reste un canal de diffusion peu onéreux.
Les seules campagnes classiques maintenues concernent l’affichage dans les aéroports parisiens et un spot pour la flotte d’Emirates.

Le directeur d’Only Lyon précise cette « stratégie de contenu » :

« On publie du contenu. La conséquence est la notoriété. […] On s’est creusé pour avoir l’idée de génie comme « le meilleur job du monde ». Mais on en a une ou deux fois dans la vie d’un marketeur. Par contre, des buzz à plusieurs centaines de milliers ou millions de « vu », on en a beaucoup ».

Les équipes d’Only Lyon gèrent aujourd’hui deux pages à succès :

  • La page Lyon et ses 1,3 millions de fans « présente les plus belles photos de la cité, reflétant son art de vivre, son charme, son patrimoine et ses événements ».
  • La page Only Lyon et ses plus de 73 000 fans est « destinée aux « Lyonnais de cœur, pour exprimer leur fierté et leur identité ».

Il y a quatre ans, selon le directeur d’Only Lyon, ces pages rassemblaient 10 000 fans au total.

Aujourd’hui, on compte, selon la même source, 205 millions de « vu » en 2015. L’objectif en 2016 est de 250 millions.
Surtout, le directeur scrute le taux d’engagement qui serait de 7 à 9%. « C’est 10 fois plus d’engagement qu’I Love New York », affirme Lionel Flasseur.

Les « like » et les « vu » sont les rares éléments qui permettent d’envisager les retombées de cette stratégie digitale de marketing territorial.

Pour le sociologue-urbaniste, Alain Bourdin, il manque des travaux de recherche pour évaluer les effets d’une marque urbaine :

« On met généralement en avant le nombre de touristes et l’implantation d’entreprises étrangères. Mais on ne sait pas quels sont les critères qui ont présidé à leur choix. »


4. Du buzz à moindre frais sur Facebook

La première pierre de l’édifice reste la photo. La logique est simple. « Capter les amoureux de Lyon » avec de belles photos sur la page Lyon et donner plus de contenu sur la page Only Lyon. Et une fois « fan » d’Only Lyon, vous êtes mûr pour être ambassadeur.
Cette stratégie est possible parce que des photographes envoient gracieusement leurs clichés pour bénéficier d’une forme de visibilité.

Comme Gérard-Michel Duthel. Et mise à part une bourde remarquée, la promotion est garantie.

Cela nécessite un gros travail de community management. Deux personnes, en interne, s’y collent.

Et ce n’est pas de tout repos quand il faut répondre à chacun des commentaires, comme le relevait Brain Magazine à propos de la photo de la piscine de la Villa Florentine (ci-dessous) postée le 3 août. Un post commenté 625 fois et vu 1,5 millions (source : Only Lyon).

Le directeur d’Only Lyon montre les muscles sur Facebook :

« On sait qu’on a créé un média suffisamment puissant pour faire le buzz ».

La promotion de Lyon s’appuie essentiellement sur du contenu qui n’est pas produit par les équipe de la « Sky room ». Outre les photographes, Only Lyon relaie les initiatives des partenaires.

Lors de « l’hystérie promotionnelle » qui a accompagné la sortie du dernier épisode de Star Wars, Only Lyon a repris la photo retouchée de l’aéroport de Lyon.

Ce sont aussi les ambassadeurs qui travaillent gracieusement. L’un des meilleurs coups de com’ a été en la matière la première vidéo de drone postée en octobre 2014. Le directeur d’Only Lyon explique le deal :

« Un ambassadeur nous a proposé une vidéo gratuite si on obtenait les autorisations de survol de la ville ».

Pour démultiplier son audience, le programme de marketing territorial lance régulièrement des opérations sous la rubrique « Only Lyon Buzz ».

Il y a trois ans, la première initiative a consisté à mobiliser 400 étudiants d’écoles de commerce lyonnaises. Ils devaient plancher sur un spot qui déclinerait le slogan « Addicted to Lyon ». C’est la vidéo ci-dessous qui a remporté le concours.


Aujourd’hui, l’heure est au « Selfie Kiss », avec un appel lancé à tous les Lyonnais pour envoyer les « plus beaux baisers en amoureux » photographiés à Lyon. L’objectif :

« Montrer au monde entier le bonheur de vivre à Lyon ! Lyon est LA ville où on est heureux car c’est LA ville où on en s’embrasse le plus ! »

Les World Travel Awards est donc le résultat de la mobilisation de cette communauté qui était déjà particulièrement « engagée ». Et cette récompense devient également l’objet d’une publication sur les réseaux sociaux, tout comme les bonnes places obtenues dans les classements comme celui-ci ou celui-là.

Problème pour Only Lyon, la « Facebook dépendance », comme le reconnaît le directeur d’Only Lyon :

« On est loin d’avoir fait le plein sur Twitter et SnapChat ».

Sur Twitter par exemple, Only Lyon n’a « que » 88 000 followers.

Prochaine étape : le développement de la marque sur les réseaux sociaux autres que Facebook, sans oublier WeChat et Weibo pour la Chine.


5. Only Lyon = uniquement Lyon et rien autour ?

Jusque là, les marketeurs du programme de promotion n’avaient qu’une obsession : décliner la marque. Rien de très original mais cela a permis d’imposer un nom répété à l’envi :

  • Invest In Lyon pour désigner l’Aderly
  • Only Lyon tourisme et congrès pour parler de l’office du tourisme
  • Only Lyon party quand il s’agit d’organiser des événements
  • Only Lyon Welcome Attitude « pour faire de l’accueil un domaine d’excellence à la lyonnaise »

Maintenant que la marque a été imposée, les équipes d’Only Lyon se projettent dans une deuxième étape. Lionel Flasseur, le directeur :

« Il ne faut pas faire de la marque une obsession. Le plus important est de donner une voix à Lyon à l’international ».

Et d’expliquer :

« Only Lyon a les défauts de ses qualités. Au début, avant qu’on ait cette puissance, le mot « Only » créait des tensions avec les territoires limitrophes puisqu’il pouvait paraître restreindre Lyon à la ville centre ou à l’agglomération. Aujourd’hui, il y a Saint-Etienne sous la bannière Only Lyon et les territoires limitrophes nous appellent pour nous rejoindre. On a dépassé cette problématique du début ».

Le programme de marketing territorial voudrait aller plus loin en mettant en avant plus « Lyon » que « Only ».

« On le fait déjà, précise le directeur. On a intégré du contenu qui n’est pas sur le périmètre administratif, comme les vignobles et les stations de ski. Je crois beaucoup au couple région/Métropole. On peut aller plus loin et être moins opportuniste ».

Le « Biodistrict Lyon-Gerland » est représentatif de cette inflexion. Pour le début de son troisième mandat, le maire de Lyon Gérard Collomb a rebaptisé le sud du 7e arrondissement en « Biodistrict Lyon-Gerland », déclinant le marketing territorial au niveau d’un quartier.

Là encore, les entreprises sont associées à la démarche. On retrouve ainsi le directeur général de la PME Platine Pharma Services, Stéphane Legastelois dans une vidéo, en anglais of course.

D’une autre manière, le nouveau logo de l’Université de Lyon a repris le lion d’Only Lyon. Pour la plus grande joie des équipe de la « Sky room ».


6. Les entreprises au coeur de la matrice

Aujourd’hui, ce sont 18 PME ou grands groupes engagées d’abord sur un plan financier. L’apport de ces entreprises représente 400 000 euros par an pour Only Lyon. À rapprocher des 2,1 millions d’euros de budget. Il n’y avait pas un centime quatre ans en arrière.

En contrepartie, des actions très différentes sont mises en place. Le directeur d’Only Lyon cite plusieurs exemple :

« – KPMG utilise Only Lyon pour intégrer ses équipes alors que le turnover est important.
– Enedis apprend à ses cadres qu’ils doivent avoir une double appartenance, à leur entreprise et à leur territoire, en créant un club dédié au marketing territorial.
– Les compagnies Air Canada ou Emerites ont une démarche très commerciale. Ils utilisent Only Lyon pour faire connaître et aimer leur compagnie. »

Les contreparties sont également dans la visibilité. Les marques sont affichées sur tous les outils de communication Only Lyon et dans la « Sky room » de la Tour Oxygène. Les représentants de ces entreprises sont invités et mis en avant à tous les événements organisés. Et des soirées leur sont consacrées.

Enfin et surtout, ces entreprises « contribuent à la gouvernance » d’Only Lyon. Ce qui signifie qu’elles participent, via leurs représentants, au conseil d’administration de l’Aderly.

Des entreprises contribuent donc, aux côtés des institutions publiques, à la définition du plan stratégique d’Only Lyon, le programme de promotion de la Métropole de Lyon à l’international. Une vision de la gestion de la cité très Gérard Collomb-compatible.

La statue Only Lyon à la Confluence, devant le musée, photographiée en septembre 2016. ©LB/Rue89Lyon

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