La pudibonderie mal placée de Facebook a maintes fois été pointée, dans des cas tous aussi absurdes que contreproductifs -le tableau de Gustave Courbet L’Origine du monde, la statue de la Petite sirène à Copenhague (voir le petit montage vidéo de 20minutes à la fin de cet article).
Cette fois, c’est le projet photographique de la galerie d’art Spacejunk, notamment basée à Lyon, qui en fait les frais. Elle organise depuis 7 ans le « projet Vénus », une opération socio-culturelle en faveur de la lutte contre le cancer du sein, qui consiste dans la production d’une série de 110 photos de bustes de femmes nus. Elles sont ensuite exposées dans l’agglomération et dans quelques communes de la région.
« Là où le dépistage du cancer de sein fait le plus défaut », précise Violette Paquien, responsable du projet à Lyon.
Après quoi les photos imprimées sur toile sont confiées à des femmes, habitantes de ces territoires, ainsi qu’à des artistes, pour être customisées. Elles seront vendues en décembre prochain et les bénéfices seront reversés à un organisme de lutte contre le cancer du sein.
Le projet existe également à Bayonne depuis 3 ans, à Grenoble depuis un an, et bénéficie de subventions publiques (de l’Agence Régionale de Santé notamment, établissement public de l’État).
Il obtient aussi chaque année une enveloppe de la part de la Ville de Villeurbanne. Ce qui avait donné l’occasion à une élue Front national de se ridiculiser en plein conseil municipal, s’opposant à l’attribution de la subvention à une initiative « complètement dépourvue de pédagogie » et « exploitant le corps des femmes ».
Un petit coup de projo relativement anecdotique pour Spacejunk, en tout cas moins impactant que la décision de Facebook de censurer la page dédiée au projet Vénus.
Depuis le mois d’août, elle a été tout simplement supprimée. Sans plus d’explication, si ce n’est l’hypothèse d’un « contenu non conforme » aux exigences de bienséance spécifiques au réseau social.
Pour l’archivage des photos et pour la communication, la page Facebook du projet Vénus, qui existait depuis quatre ans et qui avait cumulé plus de 2500 « fans », représente « un outil indispensable ». Valérie Paquien résume :
« Elle permet à toutes les participantes du projet de retrouver l’ensemble des photos, de partager leur expérience. C’est aussi un espace promotionnel important, une visibilité dont on ne peut pas se passer. »
Toute l’utilité fonctionnelle d’une page Facebook, en somme.
Suite à un écho de cette censure dans la presse locale (le Progrès suivi d’un petit reportage de France 3 Régions, à voir ci-après), une chargée de communication de Facebook France a fini par prendre son téléphone ce jeudi, pour s’expliquer auprès de Violette Paquien.
Facebook censure une campagne de lutte contre le cancer du sein
Ce n’est « évidemment pas le projet qui pose problème ». Ni même les seins montrés sur les photos, mais plutôt les tétons. On le sait, aux États-Unis, la sensibilité face aux mamelons exposés au grand jour est particulière. Facebook s’est déjà expliqué de la manière suivante :
« Nous supprimons les photographies présentant des organes génitaux ou des fesses entièrement exposées. Nous limitons également certaines images de poitrines féminines si elles montrent le mamelon, mais nous autorisons toujours les photos de femmes qui défendent activement l’allaitement ou qui montrent les cicatrices post-mastectomie de leur poitrine. »
On a donc promis à Violette Paquien que la page du projet Vénus serait de nouveau bientôt remise en ligne, et qu’elle pourrait même être un peu pushée au regard de son objectif louable. Mais à une condition. Flouter tous les tétons.
On fait donc le calcul : 110 photos multipliées par l’âge de la page Facebook (4 ans), multipliées par le nombre de seins (on compte une paire par photo) ; cela équivaut au floutage de 880 tétons.
« Il nous faudrait presque embaucher un temps plein uniquement pour ça », plaisante (à moitié) Violette Paquien qui porte seule le projet lyonnais.
En l’occurrence, la page est réapparue ce jeudi soir et les tétons avec. Pour le moment, Facebook France semble indulgent avec ses exigences de « correction », auxquelles Spacejunk aurait du mal à répondre.
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