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Je suis allé au Ragnard Rock Festival

Le Ragnard Rock Festival a fait parler de lui bien avant son ouverture. SOS racisme souhaitait le faire interdire en mettant en cause certains groupes qualifiés de néonazis. Moi, je suis un fan de musique metal de la première heure, depuis le lycée j’écoute Emperor, Marduk, Bathory, Celtic Frost, Mayhem…

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Motivés au Ragnard Rock Fest 2016. Crédit : SR/Rue89Lyon.

Le Ragnard Rock Festival se mérite. Pour sa seconde édition, il a élu domicile au cœur de la vallée du Suran, dans un vaste champ au pied d’une colline boisée. Localisation idéale pour un festival pagan/viking/metal.

À condition de le trouver facilement et clairement ; visiblement les organisateurs ont eu des soucis de fléchage.

Heureusement, la technologie GPS permet d’arriver à bon port et de déjouer les routes débouchant dans des champs de Simandre-sur-Suran.

Etat d’urgence en pleine campagne

S’il le fallait, un ancien corbillard transformé en camping-car me confirme que je suis au bon endroit. Direction le festival, après une bonne traversée de champs. « Tain, t’as vu, le transfo il est NS ! » suivit de rires et d’un « t’es con ! » : le festivalier du Ragnard Rock Festival (RFF) a le sens de l’humour et de la dérision.

Début juillet, SOS Racisme a accusé le festival d’accueillir des groupes néonazis. Le NS en question ne fait pas référence au leader du parti « Les Républicains » mais à « National Socialisme ».

Sans le savoir, j’ai peut être mis les pieds dans un regroupement de facho et de bonehead. Il va falloir en avoir le cœur net. Le chemin qui mène au festival est bloqué par deux véhicules de la gendarmerie garés en épis.

Les gendarmes sont lourdement équipés : gilets pare-balle, pistolets mitrailleurs HK-UMP en bandoulière. L’Etat d’urgence c’est aussi à Simandre-sur-Suran.

Il y a deux types de festivaliers qui se rendent aux RFF : ceux qui y passent la journée comme moi, et ceux qui vont y passer les quatre jours.

Un p’tit tatouage au stylet ?

La tente Quechua 2 secondes est l’accessoire qui ne trompe pas. Je commence à croiser des festivaliers plus atypiques, portant bouclier et lance, robe de bure. Le village viking n’est plus loin.

Signe d’une certaine jeunesse du RFF (il n’en est qu’à sa seconde édition), je rentre sur le site sans que l’on me demande à aucun moment mon billet (j’apprendrai plus tard que des bénévoles devaient vérifier l’accès des festivaliers, repérés à l’aide d’un bracelet pour chaque jour permettant d’entrée et sortir du site).

Visiblement la relève n’avait pas été assurée à mon passage. On se croirait presque à Kattegat, le village de Ragnard Lothbrok (même si cela manque de drakkar sur le Suran).

Toiles de tentes et artisans en tenue d’époque travaillent sous les yeux des festivaliers.

On trouve de tout au village viking ; des bijoux, une diseuse de bonne aventure qui lit les runes, des forgerons pour réparer sa cottes de mailles, des spécialistes du cuir, et pour les braves de chez braves, des tatoueurs traditionnels qui utilisent un stylet et un petit marteau pour incorporer les encres.

Au Ragnard Rock Fest, édition 2016. Crédit : SR/Rue89Lyon.

Les métalleux sont des groupies comme les autres

Il est temps de quitter le village viking pour gagner le cœur du festival : les scènes (ou stages) Thor et Odin. Sur l’Odin Stage, celle du dieu des dieux nordiques, la programmation fait la part belle au folk métal, tandis que sur la Thor Stage, le dieu du tonnerre, elle fait la part belle au pagan et black métal.

C’est l’occasion d’assister à un curieux mélange des genres entre concours de T-shirt métal (il faut porter ses couleurs haut et fort, les métalleux sont des groupies comme les autres), médiévistes, elfes, guerrière picte, vikings en goguettes et quelques norms (entendez personnes lambda).

J’en ai croisé de magnifiques exemplaires, dont  un portant des Crocs (vous savez, ces sabots en plastique affreux) blanches, un bermuda à carreaux et un ptit polo d’une marque célèbre.

Tout ce beau monde se mélange dans la bonne humeur.

Il faut dire que les Pyrénéens de Stille Volk mettent l’ambiance avec leur grand mix de musique médiévale, celtique et occitane. Ça danse dans le pit ; une farandole se crée spontanément et tournoie parmi les festivaliers.

Tout ça, plus le soleil timide, mais présent, donne envie de boire une bière rafraîchissante.

C’est là que je me rends compte que les vrais, les purs, n’usent point d’un vulgaire gobelet en plastique aux couleurs du festival, mais utilisent une corne comme de vrais vikings qu’ils portent fièrement à la ceinture.

 

Corne de guerre

Certains ont même des cornes de guerres : la vuvuzela du metalleux viking, pour sonner le rassemblement. Il faut dire que sur la Thor stage, Naer Mataron vient de déclarer la guerre avec son Hellenic Black Metal (ils sont grecs). Les membres du groupe ont sorti le corpse paint (peinture da guerre) pour être encore plus diaboliques, sauf qu’à 17h, en plein jour, ça fait pittoresque.

Comme je n’accroche pas des masses, je vais faire un tour au metal market, le paradis pour du fan de metal pour trouver les derniers albums, quelques collectors, T-shirt et autres.

L’occasion aussi pour moi de retrouver de vieilles connaissances : les burgiens d’Adipocere records, Osmose productions avec qui j’ai entamé une sérieuse collection de CD dans les années 1990/2000, et un vieux camarade de classe qui a fondé son label à la sortie de la fac : Forgotten Wison Production.

Forcément, on parle musique, programmation du festival et polémique. RAS de leur côté, pas de horde de nazis en vue. Ils sont là depuis la première édition et trouvent le festival plutôt sympa et en amélioration.

C’est en tombant sur le responsable de la sécurité que j’en apprendrais un peu plus. Arborant fièrement un t-shirt systema (art martial russe), il m’ouvre une porte pour amorcer une discussion. Entre pratiquants, c’est toujours plus facile.

Fafs en sous-marin

Il me confirme qu’il y a une infime minorité de festivaliers affichant haut et fort leur sympathie pour le IIIe Reich. Avec son équipe, ils se sont chargés d’établir un cahier des charges de bonne conduite avec cette frange de festivaliers.

De son respect va dépendre leur possibilité de vivre les quatre jours du festival de manière sereine et en un seul morceau. Leurs actions sont coordonnées avec la gendarmerie qui patrouille sur le site. Concert de Belenos, posé dans l’herbe avec de nombreux festivaliers.

Les plus prévoyants, ont amené leurs pliants de camping pour être comme à la maison. Paradoxe. Devant la scène, ça pogote gentiment et ça headbang.

Comme les groupes Ereb altor et Skyforger ne m’intéressent pas plus que ça (et parce qu’on l’entend bien sur tout le site), je retourne au village viking pour voir la démonstration de combat de la compagnie des Loups de Fenrir.

Sandwich viking

Démonstration de combat de la compagnie des Loup de Fenrir au Ragnard Rock Fest. SR/Rue89Lyon

Ce sont des spécialistes de l’époque Noroise-Viking. Face à face, une quinzaine de combattants s’élance au son d’une corne de guerre, l’objectif étant d’éliminer le plus d’adversaires à coups de haches (émoussées), d’épées (émoussées) ou encore de lances (émoussées elles aussi). Ça fait des étincelles, au sens propre comme au figuré.

Difficile de ne pas se projeter à l’époque et d’imaginer le massacre que de telles batailles devaient engendrer.

Je vais faire un tour au camping afin de voir à quoi ressemblent en vrai les fameuses kartents qui débarquent en masse dans les festivals. C’est plutôt sommaire, mais bien suffisant pour passer une nuit ou deux dehors.

« Ceci n’est pas un chat », donc. Crédit : SR/Rue89Lyon.

Sur le chemin du festival, j’ai l’occasion de revérifier que le metalleux peut être une groupie comme les autres.

Portant l’uniforme complet du black metal (corpse paint, bracelet à pointe, etc etc), un fan reconnaît un membre de Graveland en ballade. Il l’apostrophe de manières viriles en scandant le nom du groupe avec une voix d’outre tombe, et fini par faire un selfy avec. So evil !

Les choses sérieuses vont bientôt commencer, il est temps de se restaurer : aux choix, des spécialités ukrainiennes, un menu vegan, des kebab, des américains et un incontournable burger.

Certains ont tenté de faire un sandwich viking avec un pain en forme de corne, avec un succès mitigé.

Messe noire

Les Irlandais de Cruachan ont bien changé depuis l’album The Middle Kingdom qui me les a fait découvrir en 2000. Exit le clavier et la chanteuse, retour à une formation plus restreinte, moins folk malgré le violon encore très présent et plus métal.

Un très bon interlude avant Belphegor, l’une des têtes d’affiche de ce vendredi. La nuit est enfin tombée, le RFF s’apprête à vivre une messe noire assez intense. Le groupe officie dans un black/death rapide et puissant. Les cloches sonnent sur le festival, l’appel au sabbat avant que l’enfer ne se déchaine.

Un concert de Belphegor, c’est comme se retrouver sous la mitraille, le batteur pilonne le public de blast beats assassins. Une grosse claque, d’où l’on sort chancelant. L’avantage du RFF, c’est qu’il suffit de faire quelques pas pour changer de scène. La lune est sortie des nuages, prête pour accueillir Faun. Après Belphegor, c’est un retour au calme bienvenu pour finir la soirée.

D’origine allemande, Faun est un groupe de paganfolk, médiéval et dark wave qui se distingue par l’utilisation d’instruments anciens et une présence importante du chant.

Concert parfait pour conclure cette nuit des sorcières, Walpurgisnacht.

Au final rien à redire sur ce Ragnard Rock Festival. Quelques cons, mais pas plus qu’ailleurs.

Une programmation excellente et un festival qui monte en puissance. J’imagine que les légions d’Odin vont encore grossir en  2017.


#Ain

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