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Les 10 leçons du mouvement social contre la loi travail à Lyon

Sous les pavés, voilà la plage. Pour les vacances, les syndicats font une « pause » dans le mouvement de protestation contre la loi travail, qui a été définitivement adoptée ce jeudi par l’Assemblée nationale. L’intersyndicale (CGT, FO, FSU, Solidaires, Unef, CNT et CNT-SO) promet de « mieux reprendre » en septembre pour demander, cette fois-ci, le retrait de la loi.

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Banderole syndicale contre la loi travail le 26 mai. ©LB/Rue89Lyon

C’est l’heure de dresser un premier bilan, vu de Lyon, de ce mouvement social, original par sa durée et les radicalités qui ont pu émailler cette mobilisation.

1. « Une minorité combative » dans la rue

2. En tête, des lycéens davantage que des étudiants

3. Les ouvriers des raffineries et les cheminots, à l’avant-garde du mouvement contre la loi travail

4. La multiplication des blocages et des manifs sauvages

5. Activistes versus organisations syndicales

6. Une violence politique

7. Objectif « zéro casse »

8. De la répression à la prévention

9. Nuit Debout : une séquence de trait d’union

10. « P comme Pourri, S comme salaud » : le PS pris pour cible


1. « Une minorité combative » dans la rue

Le constat : numériquement, les cortèges contre la loi travail ont été moins fournis que contre le CPE en 2006 ou contre la réforme des retraites en 2010.

Mais la grande différence avec ces deux mouvements est sa durée : on compte déjà quatre mois de mobilisation au lieu de trois pour le CPE, et son intensité. On avait connu cinq manifs syndicales contre la réforme des retraites entre mars et juin 2010 alors qu’il y en a eu seize sur la même période en 2016, contre la loi travail.

Alors que la pétition mise en ligne mi-février a atteint en un mois un million de signataires en trois semaines, alors que l’opinion publique reste majoritairement contre ce projet de loi, la rue ne fait pas le plein lors des rendez-vous annoncés.

C’est tout le paradoxe de ce mouvement social, comme le relève un syndicaliste de la CGT d’une entreprise de la chimie lyonnaise :

« Les gens nous disent « j’espère qu’il y aura du monde en manif ». Mais ils ne viennent pas. Dans la rue, c’est une minorité combattive ».

Un syndicaliste cheminot soulignait également le nombre important de grévistes mais le faible nombre présent au piquet de grève ou lors des actions, comme le blocage du port Edouard Herriot.

Le secrétaire du syndicat FO de Keolis lyon (filiale de la SNCF qui gère les TCL), Stéphane Noël, a fait ce commentaire :

« La mobilisation aux TCL est faible mais il y a toujours un noyau dur de convaincus mobilisés. Mais malheureusement, le gros des agents ne se sentent pas concerner ».

A la grosse différence du CPE ou du mouvement des retraites, il n’y a eu que très peu de fonctionnaires d’Etat mobilisés. Par exemple, les profs ne sont pas descendus dans la rue.

Rosario Elia, l’un des secrétaires départementaux du SNES-FSU, déplorait cette faible mobilisation du corps enseignant :

« On a eu des taux de grévistes jusqu’à 20/25%. Ce qui est peu. C’est difficile aussi de mobiliser pendant aussi longtemps quand on n’est pas directement impact. »

Le 49-3 n’a pas eu d’effet sur les cortèges. Pas plus que l’interdiction de manifester, comme l’avaient prévu les syndicats à Paris le 23 juin.

Même si l’on constate des dissensions au sein de la CFDT et autres syndicats dits « réformistes », ces syndicats se sont tenus en dehors de la mobilisation voire ont soutenu la loi travail. Contrairement à 2006, comme le note Pascal Lagrue, secrétaire départemental de FO :

« Contre le CPE, tout le monde y était : y compris, la CFDT, l’Unsa et la CFTC et, en plus, il n’y avait pas eu de période de pourrissement de la situation ».

En 2006 comme en 2010, les huit principaux syndicats la CGT, la CFDT, FO, la CFTC, la CGC, l’Unsa, Solidaires et la FSU étaient mobilisés contre. Et, numériquement dans les cortèges, ça change tout.



2. En tête, des lycéens davantage que des étudiants

Le constat : durant le CPE, l’université Lyon 2 a été bloquée pendant plus de trois semaines. Cette fois-ci les facs n’étaient plus le lieu de la mobilisation.

En 2016, les AG n’ont pas dépassée les 150 personnes. Et dans les cortèges, les étudiants sont noyés dans la masse.

On présente Lyon 2 comme traditionnellement la fac « de gauche », berceau de la contestation. Mais ce sont les étudiants de Normal sup’ (l’ENS) qui étaient à la pointe du combat, avec une occupation qui a duré quinze jours.

Un enseignant de l’université Lyon 2 et la numéro 2 du syndicat Unef fournissaient une double explication : le travail des étudiants et une période d’examens peu à la mobilisation.

Lea Bonnet, secrétaire générale de l’Unef de Lyon, précisait :

« Contrairement au CPE, il est plus compliqué d’expliquer le projet de loi travail. A cela, il faut ajouter le fait que davantage d’étudiants travaillent dans des jobs précaires. Environ 50%. Et, enfin, la forte répression qui a dissuadé de nombreuses personnes de venir en manif. »

Chez les jeunes, les lycéens étaient plus visibles, au moins jusqu’à la mi juin et le bac.
Ce sont eux qui ouvraient systématiquement les manifs, en tête du cortège de tête.
Il y avait toutefois moins de lycées mobilisés que lors de la semaine d’octobre 2010 (une dizaine contre une vingtaine), lorsque les jeunes ont manifesté quelques jours contre la réforme des retraites.

Surtout, on ne trouvait quasiment pas de lycées professionnels. Les lycées mobilisés étaient des lycées généralistes : Récamier, Lumière, Condorcet (Saint-Priest), Ampère Bourse, Saint-Exupéry, Chabrière (Oullins).

Leïla Mathias, élève de terminale du lycée Ampère bourse et membre du syndicat général des lycéens (SGL), essayait d’expliquer cette mobilisation autour de la loi travail :

« J’ai vu des jeunes se bougeait parce que c’était trop. Ce n’est pas seulement la loi travail. On est sous un gouvernement qui est censé donner la priorité aux jeunes et on ne voit rien venir. Il y a aussi l’état d’urgence et les violences policières; des choses qui nous paraissaient loin de nous sont devenues extrêmement présentes. »

Les lycéens en tête de la manif du 9 mars à Lyon contre la loi travail. ©LB/Rue89Lyon



3. Les ouvriers des raffineries et les cheminots, à l’avant-garde du mouvement contre la loi travail

Le constat : de mars à juin, on a connu deux moments dans ce mouvement social : le temps des manifs et le temps de grèves.

Durant deux mois (de mi-mars à mi-mai), les grèves ont correspondu au journée d’action et donc aux manifestations.
Ensuite, l’intersyndicale a appelé à des grèves reconductibles. Mais ce sont surtout deux secteurs clé qui ont été touchés à Lyon.

Les syndicalistes concernés regrettaient l’attentisme des autres secteurs et une forme de « grève par procuration », comme Pascal Lagrue, le secrétaire départemental FO :

« Alors que 80% de l’opinion publique est contre la loi travail, pourquoi il n’y a pas suffisamment de grévistes ? On ne peut que remercier les secteurs comme le rail et les raffineries. Mais on ne voudrait pas que certains secteurs fassent grève par procuration ».

Laurent Aubeleau, représentant CGT au CE de Perrache le 26 mai, appelaient également à « une généralisation avant la grève générale ».

Au printemps, la grève générale n’était pas à l’ordre du jour des organisations syndicales. Et les grèves reconductibles ne se sont pas amplifiées.
Par exemple, la promesse de la CGT EDF de « prendre la main sur l’outil de production » lors des arrêts de tranche des centrales nucléaires n’a pas été suivie d’effet.

Les cheminots étaient en nombre le 2 juin dernier pour accueillir Emmanuel Macron à l’usine Arkema de Pierre-Bénite. ©SS/Rue89Lyon



4. La multiplication des blocages et des manifs sauvages

Le constat : bloquer, c’est l’un des leitmotiv des militants anti-loi travail. A Lyon, les blocages ont été limités en nombre et ont duré peu de temps.

Ce sont d’abord des personnes non-syndiquées (qui ont pu se retrouver un moment à Nuit Debout) qui ont organisé des actions :

Ce sont ces mêmes militants non-encartés qui sont à l’origine de plusieurs manifs sauvages, autrement dit, des manifestations qui n’ont pas été déposées en préfecture :

Avec le déclenchement des grèves reconductibles, les organisations syndicales, Sud et CGT en tête, ont commencé des actions pour « visibiliser » les mouvements de grève. A chaque fois, c’était le matin d’une manifestation :

  • Le blocage partiel du port Edouard Herriot le 9 juin.
  • Le blocage de l’incinérateur de Gerland, le 14 juin.
  • Le blocage de l’entrée du siège du Medef, le 28 juin.

Il s’agissait de blocages purement symboliques. L’économie n’en a pas été perturbée.

C’est avec des pneus brulés que les syndicalistes de Sud et de la CGT ont bloqué le principal accès au port de Gerland le 9 juin. © SS/Rue89Lyon



5. Activistes versus organisations syndicales

Le constat : dès le début des manifestations, les syndicats se sont faits doubler par des personnes encartées dans aucune organisation.

Il faut remonter à l’origine du mouvement social. L’appel à la mobilisation le plus visible est venu des youtubeurs #OnVautMieuxQueCa.

Les organisations de jeunesses puis les syndicats ont raccroché les wagons pour la première manifestation du 9 mars.

Résultat : le cortège syndical s’est retrouvé derrières les jeunes et ceux qui ne veulent pas manifester sous une bannière particulière. Et l’habitude a été prise. La scène s’est reproduite à toutes les manifestations bien qu’elles aient été déposées par l’intersyndicale.

C’est de cette tête de cortège que des actions violentes ont eu lieu.
Mélangé aux lycéens, un groupe d’une vingtaine de personnes toutes de noir vêtues et le visage masqué, en mode black bloc derrière une banderole renforcé ont lancé des oeufs de peinture sur la police et les banques :

Des policiers postés le long du cortège de tête le 28 avril. ©LB/Rue89Lyon

Il n’y avait pas que des manifestants adoptant la tactique black bloc. Des jeunes, dont de nombreux lycéens, ont également envoyé des projectiles sur les forces de l’ordre, devenues cibles.

Avec ce slogan popularisé pendant le mouvement, « tout le monde déteste la police ».

En réaction, les syndicats de policiers ont appelé à des rassemblements pour protester contre la « haine anti-flics ».

Ces « casseurs », comme les nomment le préfet et la police, ne sont pas exfiltrés par le service d’ordre des syndicats.

S’agissant des organisations syndicales, deux attitudes ont été à l’œuvre : soit former un cordon pour dire « on a rien à voir avec eux » (le 17 mai), soit aller à leur contact (le 19 mai et le 26 mai) pour éviter les confrontations avec la police.

Le virage a été pris avec la venue d’Emmanuel Macron le 2 juin ; l’intersyndicale a musclé son service d’ordre (SO), notamment du fait de la présence des cheminots grévistes et, de manière musclée, a repoussé des « agitateurs » ou « casseurs », en l’occurrence de nombreux lycéens qui ont voulu prendre la tête du cortège, selon plusieurs témoignages.

Dès lors, ça a frictionné et les personnes du SO se sont alors fait traiter de « collabos », notamment le 23 juin.

L’action de blocage du tunnel sous Fourvière contre la loi travail. ©LB/Rue89Lyon



6. Une violence politique

Le constat : le préfet les nomme « casseurs ». La police parle également « d’agitateurs » ou « d’anarchistes ».

Militants autonomes, lycéens, communistes, libertaires… Il est difficile de mettre une étiquette sur ces personnes qui usent de violence en manifestation. C’est une des particularités de ce mouvement où des actions illégales ont été largement soutenues.
La police évalue à « 200 à 300 » ces « agitateurs », en comptant quasiment la moitié des manifestants qui se retrouvaient régulièrement dans le cortège de tête, devant la banderole syndicale.

Cette globalisation met tout le monde dans le même sac : la vingtaine de personnes qui ont pu venir en black bloc ou celles aux visages découverts qui ont utilisé des ballons de foot contre les vitrines des banques ou comme projectiles contre la police, le 23 juin.
Au total, cela ne représente qu’une petite centaine de personnes.

Parmi les groupes organisés, seule la Coordination lycéenne de Lyon défend ouvertement les actions violentes.

En terminale jusqu’en juin dernier au lycée Ampère Bourse, Leïla Mathias était membre du Syndicat général des lycéens (SGL). Elle est l’une des fondatrices de la Coordination lycéenne de Lyon, en mars dernier :

« A la base, j’étais pour le respect de la loi. Mais quoi qu’on fasse, il y a des arrestations arbitraires. Ça a commencé dès la première manif, le 9 mars. Certes, c’était une manif sauvage mais qui voulait simplement continuer le parcours déposé par les organisations syndicales. Mais elle a été violemment réprimée. »

Rémi (prénom d’emprunt), un étudiant habitué des cortèges de tête, déroule une justification que l’on entend régulièrement, en prônant « la convergence des modes de lutte ». En d’autres termes, faire coexister au sein d’un même cortège des manifestants pacifistes et des actions violentes.

« Aujourd’hui, les militants qui utilisent la violence sont de moins en moins ostracisés. Sur un temps court, cela permet d’inverser un rapport de force avec la police qui est rarement remis en question. Cela crée une brèche qui peut faire sens à moyen terme ».

Cette question de la violence a été mise en débat à Nuit Debout. C’était en avril, le lendemain d’une manif sauvage accompagnée d’une casse toujours ciblée : le palais de justice et à la police aux frontières.

Certains appelaient à la rédaction d’une charte pour créer un mouvement « vraiment pacifiste ». Mais cette proposition à été rejetée.

L’Agora ou assemblée de Nuit Debout du mardi 19 avril. ©LB/Rue89Lyon



7. Objectif « zéro casse »

Le constat : grenades lacrymogènes, coups de matraque,… toutes les manifs ont connu des interventions de police. À deux exceptions près : lors de la manif emmenée par les retraités le 9 juin et lors la mobilisation organisée en parallèle de la manif nationale parisienne le 14 juin.

Les autorités voulaient évitaient à tout prix la casse, pour ne pas revivre les scènes d’émeutes d’octobre 2010, durant le mouvement des retraites. Le 19 octobre notamment, un millier de jeunes avaient affronté la police place Bellecour; et plus d’une dizaine de vitrines de commerces avaient été vandalisées et six magasins pillées.

Pour ce mouvement social contre la loi travail, le préfet du Rhône a montré sa satisfaction le 9 juin, en marge d’une « rencontre avec les forces de sécurité » :

« L’objectif était de contenir les casseurs. Nous avons réussi ».

Michel Delpuech ne veut ici retenir que les manifestations officiellement déposées. A quasiment toutes ces manifs, une quinzaine de policiers se positionnaient le long du cortège de tête où étaient situés les individus repérés comme potentiels « casseurs ». L’hélicoptère et les canons à eau étaient de sortie.

Ce dispositif d’ordre public a été dénoncée par l’intersyndicale en mai.

Le jour de la manif du 19 mai, le secrétaire général de l’union départementale CGT, João Pereira Afonso, affirmait :

« Depuis le départ, policiers étaient vachement collés. On s’est fait accueillir par le canon à eau. On se pose des questions. On se demande si tout n’est pas organisé pour que ça parte en live. »

Lors d’une conférence de presse, le patron local de la CGT précisait sa pensée sur une responsabilité de la police dans les débordements :

« Quelques exemples : sur un site classé Seveso, ils oublient de fermer le portail (lors de la venue d’Emmanuel Macron, ndlr); arrivée place Bellecour, des barrières sont encore là (le 17 mai, ndlr). Des gens ne viennent pas aux manifestations car ils ont peur de se prendre des coups de matraque ou des lacrymo ».

Frédéric Leschiera, responsable Sud-commerce, va dans le même sens.

« La police manifeste à côté de nous. Quand on est jeune, forcément ça crée une provocation ».

L’intersyndicale a rencontré le préfet le 19 mai pour discuter du maintien de l’ordre et notamment de l’usage du canon à eau ce jour-là et de l’interpellation réalisée par deux policiers à moto.
Quelques jours plus tard, ces interrogations ont encore grandi après l’émission de TF1 « 7 à 8 » du 22 mai.

Frédéric Leschiera, responsable du syndicat Sud-commerce s’interroge :

« À quoi ça rime de bloquer des manifestants sur le pont ? Que voulaient-ils ? De belles images de canon à eau ? »

On se demandait pourquoi un policier tenait une si grosse caméra : la réponse est qu’un caméraman de l’émission de télé « 7 à 8 était » « embedded » (embarqué) avec les policiers, comme on le comprend lors de cette interpellation :

En réaction au programme de TF1, l’intersyndicale a envoyé un communiqué de presse intitulé « Traitement médiatique des manifestations contre la loi travail : appel à la déontologie », prenant la défense de tous les manifestants.

L’Intersyndicale du Rhône regrette que dans certaines rédactions, les journalistes et leur hiérarchie aient l’indignation sélective à l’occasion des mouvements sociaux. Quand des portiques d’écotaxes sont détruits, les responsables ne sont pas des « casseurs » mais des « bonnets rouges » symboles d’une région en lutte. Quand, après une semaine de mobilisation des agriculteurs et agricultrices, le montant des dégâts se monte à 4 millions d’euros, on ne parle pas de casseurs mais de « colère compréhensible » d’une population en souffrance.



8. De la répression à la prévention

Le constat : quasi chaque manifestation a connu des interpellations.

Au total, la police a procédé en quatre mois à 152 interpellations qui ont été suivies de 143 gardes à vue, lesquelles ont conduit à 91 présentations au parquet (chiffres de la préfecture transmis mi-juillet).

A titre de comparaison, il y avait eu 265 interpellations entre le 14 et 21 octobre 2010, au moment du mouvement contre la réforme des retraites.

Le parquet de Lyon ne dispose pas de chiffres sur les poursuites et les condamnations en comparution immédiate mais expose de grandes tendances.

Pour l’immense majorité, les personnes ont été poursuivies pour des jets de projectiles sur les forces de l’ordre. Elles ont été condamnées en comparution immédiate. Il y a eu très peu de relaxe et d’appel du parquet.

Très peu de peines de prison ferme ont été prononcées. Il n’y aurait eu que deux incarcérations selon le bilan de la Caisse de solidarité, un groupe libertaire qui assiste les personnes poursuivies en justice.
Selon le parquet, cela s’explique pour deux raisons : les blessures étaient légères (quelques jours d’ITT) et les prévenus avaient des casiers judiciaires vierges.

Le procureur de la République, Marc Cimamonti, tient à préciser la politique qui s’applique en matière de poursuites pénales à la sortie de la garde à vue :

« Elle n’est pas spécifique à ce mouvement social. Il y a une exigence probatoire. Si l’infraction est insuffisamment caractérisée, on classe sans suite. Si elle est caractérisée, il y a un déferrement systématique ».

Conclusion : dans 52 cas sur 143, il n’y avait pas suffisamment de preuves pour poursuivre les personnes placées en garde à vue.

Ce fut le cas après la manifestation du 28 juin. Aucune des 19 gardes à vue n’a abouti à des poursuites.

C’est la conséquence d’un changement de stratégie de maintien de l’ordre, qui se veut préventive. Le motif des interpellations étaient d’ailleurs explicite : « attroupement dans le but de commettre un délit ».

Cette nouvelle approche préventive a connu son point d’orgue avec le préfet du Rhône qui a interdit à 18 de ces personnes de manifester lors de la dernière journée de la saison.

Le préfet se montre satisfait du travail des forces de l’ordre qu’il a tenu « à saluer » car, a-t-il souligné au moins de juin, « seulement cinq plaintes ont été déposées à Lyon contre la police ».
Comparativement à d’autres villes comme Rennes, Nantes ou Paris, Lyon n’a effectivement pas fait la « une » de l’actualité. Ni pour ses affrontements entre manifestants et policiers, ni pour ses violences policières. Lyon n’est, par exemple, cité qu’une fois dans le travail d’enquête du site Reporterre.

Mais contrairement à ce que dit un représentant syndical policier dans les colonnes du Progrès (payant), il y a eu des manifestants blessés. Essentiellement à cause de coups de matraque, comme le 5 avril ou et de grenades de désencerclement, comme le 26 mai.
Si la préfecture du Rhône dispose de chiffre concernant le nombre de policiers blessés (96 – chiffre arrêté au 9 juin), nous ne disposons d’aucune évaluation pour les manifestants.

Le 17 mai, sur la place Bellecour, la police a chargé à plusieurs reprises au milieu des manifestants. au moins trois cégétistes ont été blessés. ©LB/Rue89Lyon



9. Nuit Debout : une séquence de trait d’union

Le constat : La place Guichard a été occupée légalement pendant trois semaines au nom de Nuit Debout.

Si l’on écoute François Ruffin, le fondateur du journal militant Fakir, l’un des fondateurs du mouvement, Nuit Debout est une réussite car il a permis de faire le lien entre le « temps des manifs » et le « temps des grèves et blocages ».

La première semaine d’avril, à Lyon, des centaines de personnes sont venues place Guichard. Plus d’un millier de personnes pouvaient passer en une soirée pour parler de la lutte contre la loi travail ou de tout autre chose.

On y a même vu des syndicalistes et des politiques alors même que les nuit-deboutistes entretiennent une grande défiance vis-à-vis des organisations.

Mais après ces premiers jours de curiosité, de buzz médiatique et de libération de la parole, Nuit Debout a perdu son affluence. Et il est devenu une composante du mouvement social.
 Ces initiateurs rêvaient de « convergence des luttes » et d’être le lieu de la permanence du mouvement contre la loi travail.
 Devenu itinérant, Nuit Debout organise en plus des journées d’AG, leurs propres actions comme les « casserolades » qui peinent à attirer les foules.

On retrouve surtout les nuit-deboutistes en tête de cortège. 
Plutôt des jeunes, chômeurs, précaires ou étudiants. Ils viennent grossir les rangs de ceux qui ne veulent pas marcher derrière les syndicats.

Ce nouveau collectif ne fait pas qu’organiser des actions contre loi travail mais essaye de prolonger ses réflexions sur d’autres sujets (comme la création d’une nouvelle constitution).

Une centaine de personnes ont assisté à l’AG bilan de « Nuit Debout », sur la pelouse des Berges du Rhône, le 3 juin, après la fin de l’occupation de la place Guichard. ©LB/Rue89Lyon



10. « P comme Pourri, S comme salaud » : le PS pris pour cible

Le constat : Le PS est devenu une cible au sens strict du mouvement social.

Plus que François Hollande, Manuel Valls ou Myriam El Khomri, le PS dans son ensemble en a pris pour son grade.
 C’est d’abord un slogan « P comme Pourri, S comme salaud, à bas le parti socialo » qui est scandé en boucle, surtout par les plus jeunes. Dès la première manifestation du 9 mars.

De la parole aux actes, l’un des objectifs de la toute première manif sauvage qui a fait suite à la fin du parcours officiel était visiblement le siège de la fédération PS du Rhône, cours de la Liberté à Lyon. Les manifestants ont été bloqués par la police place Gabriel Péri avec des grenades lacrymogènes. 
Première manif, première action, premières lacrymo. Cette journée du 9 mars résume le mouvement social
.

Après la manif du 9 avril où les lycéens jouaient encore les premiers rôles, un petit groupe est retourné au siège du PS pour le recouvrir de peinture.

Surtout, ce qui a marqué les esprits, c’est le saccage du local du PS de la Croix-Rousse lors la manif sauvage le soir de l’annonce de l’usage du 49-3, le 5 mai.

On ne peut pas dire si les partis politiques de gauche et d’extrême gauche bénéficient de ce rejet manifeste du PS. Mais on peut constater que les cortèges des partis (NPA, Lutte Ouvrière, Ensemble, PCF ou « la France insoumises » de Mélenchon) n’ont pas grossi au fil des mois.

Idem, l’opération nationale du journal militant Fakir : « nous ne voteront plus PS » le 7 juin n’a rassemblé qu’une trentaine de personnes. Toujours devant la fédération du PS.


#Rembobinage

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