Personnage discret et respecté du milieu culturel lyonnais, il mettra ses compétences au service d’une salle se voulant ancrée dans Vénissieux et tournée vers l’agglomération par son positionnement très axé hip-hop et cultures urbaines.
Petit Bulletin : Vous venez de Woodstower : quelle a été votre histoire au sein de ce festival ?
Thomas Prian : En 2002, j’ai commencé par la communication du festival, un peu par hasard. J’avais besoin d’un stage à mi-temps, à côté de chez moi, à la Tour de Salvagny.Je vivais là mais ne connaissait personne dans l’équipe.
L’année suivante, j’ai demandé à faire un second stage au sein du service artistique et je me suis retrouvé à programmer avec trois autres personnes cette édition particulière : Woodstower se tenait à l’issue d’un été perturbé par les grèves des intermittents, et le Peuple de l’Herbe, à l’affiche, venait d’exploser : il y a eu une énorme affluence, qui a finalement sonné le glas du festival à la Tour de Salvagny.
Quinze jours après, nous avons appris dans Le Progrès que la mairie ne nous suivrait plus, que c’était trop le bazard… Certains dans l’équipe se sont dit qu’ils s’étaient bien éclatés pendant six ans, qu’il était temps pour eux d’arrêter. Beaucoup partent alors, mais une autre moitié souhaite continuer car c’était une édition très réussie.
Il n’y avait pas Démons d’Or, Nuits Sonores débutait. On se met en quête d’un nouveau lieu, qui sera Miribel-Jonage. Et je me retrouve à la tête du festival.
« Il y a quinze ans, la fréquentation des festivals restait plus faible : ça a explosé. Il y a désormais un storytelling très fort »
Comment voyez-vous aujourd’hui le paysage musical de l’agglomération lyonnaise, qui a beaucoup évolué, les festivals (Nuits Sonores, etc) comme les salles s’étant multipliés au fil de ces dernières années ?
Il a beaucoup, beaucoup bougé. Un nombre considérable d’événements n’existaient pas. D’autres se sont redynamisés depuis, comme Nuits de Fourvière ou Jazz à Vienne.
Il y a quinze ans, la fréquentation des festivals restait plus faible, tous les jeunes ne s’y rendaient pas l’été venu : ça a explosé. Du coup, ça s’est typé : pour les festivals comme les salles, il y a désormais un storytelling très fort, un sentiment d’appartenance. Avant, on se basait sur trois têtes d’affiches. Maintenant, on insiste beaucoup sur la déco, la scèno…
On a été guidé aussi par des phares qui ont fait évoluer les autres modèles : Nuits Sonores et Nuits de Fourvière. Les premiers ont affiché une identité, investissant des friches industrielles, programmant des artistes spécialisés, accordant de l’importance aux aménagements, aux visuels. Autant d’ambition couplée à la reconnaissance institutionnelle, ça fait bouger les modèles. Et le public qui vient les yeux fermés…
Nuits de Fourvière de son côté est un aspirateur à têtes d’affiches : on a rapidement fait le constat que l’on ne pouvait pas lutter sur ce point, dès qu’un artiste fait l’actualité dans l’année, il passe chez eux. C’est fort. D’où la nécessité de créer de nouveaux modèles.
Quels sont vos liens aujourd’hui avec Woodstower ?
J’ai bouclé la programmation sur le prochain festival (NDLR : les 27 et 28 août prochains), je vais assurer la meilleure transmission possible des dossiers, mais je ne serais plus impliqué : j’ai peur qu’en gardant un pied dedans la page soit plus dure à tourner pour le festival.
« On vise un rayonnement d’agglomération pour attirer le public : on se différencie par l’esthétique choisie, nous allons faire beaucoup de hip-hop »
Bizarre! : qu’est-ce qui vous a attiré dans ce nouveau lieu ?
J’avais envie de changer : je voulais pratiquer mon métier différemment, dans la temporalité, dans l’artistique. Et travailler sur de l’émergence, des artistes avec qui je serais très exigeant, avec une dynamique d’équipe, de projets : c’est une partie du job qui me passionne.
Et Bizarre!, c’est un projet très original. Un lieu particulier, avec un ADN, une histoire. Qui laisse de la place à l’émergence, aux résidences d’artistes. Je faisais partie de l’association qui a préfiguré le lieu, je connaissais l’équipe.
Pendant huit ans, cette association a préparé le terrain, avant une fusion avec le théâtre de Vénissieux, sous l’égide de La Machinerie, une nouvelle structure gérant les deux lieux, ce qui permet de mutualiser et s’appuyer sur nos compétences respectives.
Bizarre!, c’est aussi un territoire de banlieue, à travailler avec des spécificités : quelles sont vos envies ? Quels sont les publics visés ?
La médiation culturelle est très importante sur ce projet : il y avait déjà deux personnes embauchées pour ça avant l’ouverture de la salle, pour créer du lien avec les habitants.
Le territoire est très important pour nous, c’est intéressant maintenant que la salle arrive, on veut que les gens de Vénissieux viennent voir les spectacles car ça se passe chez eux. Mais on vise un rayonnement d’agglomération pour attirer le public : on se différencie par l’esthétique choisie, nous allons faire beaucoup de hip-hop. C’est au cœur du projet, l’esthétique.
Dans un second temps, par les résidences, on se tournera vers les musiques du monde mais modernes, et vers l’électronique. On aura des exceptions via nos échanges avec la Smac S2M qui nous apportera un peu d’éclectisme. Mais on veut développer une vraie spécificité hip-hop, être identifiés hip-hop.
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