« Aujourd’hui, qui est le héros ? ». C’est une (bonne) question qu’ont voulu poser les Subsistances, labo culturel à Lyon, comme un fil rouge de leur festival Livraison d’été.
A l’origine, il y a une discussion avec l’ancien directeur de la prison de Corbas, Alain Pompigne, qui interpelle Cathy Bouvard (co-directrice de Subs) lorsqu’elle l’entend dire au sujet des détenus :
« Ils ne savent pas qui est le héros ».
Le sait-on mieux aujourd’hui ? Quelles figures l’incarnent, ce héros qui n’a jamais revêtu autant d’aspects, de visages possibles et contradictoires ? La question résonne, jusqu’à l’élaboration de cette action culturelle menée en partie avec plusieurs petits groupes de détenus de la prison de Corbas.
L’écrivain Frédéric Ciriez y a mené une série d’ateliers d’écriture avec un micro-groupe de femmes détenues et un autre, un peu plus important, d’hommes également prisonniers. D’échanges allant de la fulgurance aux instants chaotiques, selon les jours et les groupes, sont sorties de belles phrases projetées sur les photos que Romain Etienne (collectif Item) a prises des détenus et auteurs du moment.
Les dessous du héros et un bisou dans le cou
Dans ce projet sur la figure contemporaine du héros, différents champs ont été explorés, les Subsistances ayant passé commande à plusieurs artistes. Nathan Israël et Luna Rousseau ont pour leur part mis en scène « Héros fracas », un spectacle court qu’ils ont pu présenter à une soixantaine de détenus de la prison de Corbas, sélectionnés par l’administration pénitentiaire.
On a fait partie du public, ce jour-là.
Dans le gymnase de la prison, ils se sont installés, ramenant les tabourets du premier rang au dernier rang. Les comédiens en slip (celui du super-héros) n’ont pas manqué de provoquer des sifflets, tout comme les portées ou la robe habillant le plus costaud des comédiens ont suscité des rires nerveux. Certains spectateurs sont restés absorbés de bout en bout, d’autres pas du tout. Il y a eu là cinq filles, sur la soixantaine de spectateurs sortis des cellules. Luna (les prénoms sont modifiés) a retrouvé son ex ; il lui a caressé discrètement les cheveux.
A côté, Sylvie a parlé de son petit garçon, à qui il a été raconté que « maman est partie en voyage pour trouver un restaurant ». Elle s’est demandée aussi si ce qu’elle voyait était bien du cirque.
Lorsque l’un des artistes a brisé un mur de placo avec sa tête et ses poings, il a été chaudement applaudi. Un homme a trouvé le spectacle « sexuel », un autre a estimé que « le ridicule ne tue pas ». Nathalie, détenue depuis plusieurs semaines, a demandé un autographe aux artistes, sur le petit programme qui avait été posé sur chacune des chaises.
Quelques participants des ateliers de Frédéric Ciriez ont pu venir. L’écrivain est resté pudique sur l’expérience, sur le fait d’entrer et de sortir quotidiennement de ce lieu clos, pendant quinze jours.
« Ils venaient quasiment tous du même endroit de l’agglomération lyonnaise, la fracture est tellement visible. Ils sont là et ils paient l’addition sociale. »
Puis on a discuté les uns avec les autres. Les surveillants sont restés quasi invisibles. Toute l’équipe « de l’extérieur » est sortie de la prison, en repassant devant le bâtiment des femmes, qui fait face à un mur sur lequel ont été collées les affiches des héros. Quand elles jettent un coup d’oeil à travers les barreaux, c’est ce qu’elles voient désormais.
> Exposition des affiches dans les parkings de Lyon et de l’agglo à partir de ce mercredi 8 juin jusqu’au 15 juin et aux Subsistances du 16 au 18 juin.
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