> Nous republions notre article du 25 janvier dernier sur le sujet.
Une prof stagiaire de l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) de Lyon a été interpellée jeudi 21 janvier pour avoir envoyé des mails « faisant l’apologie du terrorisme » et menaçant des membres du personnel et des élèves « de religion catholique ».
C’est la Direction départementale de la sécurité publique (DDSP) de Lyon qui a communiqué sur le sujet.
Sitôt mise en ligne, la fachosphère s’est empressée de reprendre cette information pour mettre en accusation, une fois de plus, d’éventuels musulmans. Sauf que nous apprenions dès le lendemain que cette future prof se déclare elle-même catholique.
Depuis la fin du mois de septembre, la sûreté départementale du Rhône enquête sur des mails envoyés aux personnels de la direction de l’École supérieure du professorat et de l’éducation (ESPE) de Lyon, la structure qui forme les futurs professeurs.
Le 23 septembre précisément, le directeur et deux autres fonctionnaires reçoivent un premier mail avec pour objet « laiciquoi ? ».
Le message menace d’un attentat à venir à la manière de Charlie Hebdo et de s’en prendre « prioritairement » aux « chrétiens » . En voici un extrait :
« L’éducation occidentale est corrompue.
Mes frères djihadistes et moi allons nous occuper de vous.
Je vais nettoyer cette école.
Plus d’étudiant ça servira d’exemple.
Je vais aussi briser vos stagiaires. Ce sera encore plus facile.
Les chrétiens seront prioritaires. Je veux un feu de joie !
Vous avez tous une semaine pour vous convertir ! D’ici là mes frères armés viendront apporter la paix chez l’ESPE. »
Ce mail est pris très au sérieux par la direction de l’établissement qui porte plainte.
Début octobre, deux autres messages suivent.
Le ministère de l’Education nationale est informée et la ministre Najat Vallaud-Belkacem apporte son soutien.
Dans le contexte post-attentats de Charlie Hebdo et de l’Hyper Cacher, le ministère de l’Intérieur prend également ces menaces très au sérieux.
L’enquête est confiée à la sûreté départementale et le plan Vigipirate est renforcée pour l’établissement.
Des mails envoyés depuis l’université Lyon 1
Les enquêteurs n’arrivent pas à remonter jusqu’à l’expéditeur du mail. Mais ils ont établi que les mails ont été envoyés d’une machine de l’université Lyon 1 dont dépend l’ESPE.
Le 5 janvier, un cinquième mail est envoyé. Là, les enquêteurs parviennent à remonter jusqu’à un ordinateur de la bibliothèque des sciences du campus de la Doua à Villeurbanne.
Après l’ordinateur, les enquêteurs identifient l’utilisateur, en l’occurrence une prof stagiaire de l’ESPE de 24 ans.
Précisons que l’ESPE est située sur le plateau de la Croix-Rousse (Lyon 4e) alors que la plupart des locaux de Lyon 1 se trouvent sur le campus de la Doua à Villeurbanne.
Convoquée à l’hôtel de police jeudi 21 janvier, la future prof est interpellée puis placée en garde à vue. Elle reconnaît immédiatement les faits.
La prof stagiaire est elle-même catholique
La direction départementale de la sécurité publique (DDSP) décide de communiquer sur le sujet.
Après un premier élément de synthèse envoyé vendredi à toutes les rédactions lyonnaises, les enquêteurs donnent des précisions aux journalistes qui les contactent.
Dans la dépêche AFP (via Actu.Orange), la prof stagiaire de 24 ans est décrite par une source policière comme étant « originaire de La Réunion (…) » et « en difficulté dans sa formation d’enseignante ».
Les explications de la jeune femme sont « confuses pour expliquer ses messages » qui font tous référence à des menaces d’attentats et à des groupes djihadistes.
Dans son édition de samedi, le Progrès (article payant) raconte que « ses motivations laissent les enquêteurs sans voix ». Car, explique le quotidien, la prof stagiaire est « catholique elle-même » :
« La jeune femme âgée de 24 ans a expliqué qu’elle avait agi pour montrer que les personnes de religion catholique étaient menacées ».
La fachosphère s’emballe
Mais cette précision sur la religion revendiquée de l’auteur des mails « anti-chrétiens » passe à la trappe. La majorité des articles de presse ont été rédigés le vendredi, avec la seule synthèse de la DDSP qui ne précise pas la personnalité de la rédactrice des mails. Et personne n’a rectifié le tir.
La fachosphère peut donc s’en donner à coeur joie.
Mis en confiance par Valeurs Actuelles qui relaie l’information sur son site avec l’incise « radicalisation », les comptes des sympathisants d’extrême droite s’emballent à propos de ce fait divers.
Les comptes Twitter et Facebook relaient surtout un article de fdesouche qui reprend une partie de la dépêche AFP, en ajoutant une photo d’une personne recouverte d’un keffieh devant un ordinateur. Cette personne devant, dans l’esprit du rédacteur de fdesouche, certainement incarner le cyber-djihadiste type.
Cette photo avait été initialement mise en ligne par Le Parisien pour illustrer la même dépêche AFP avant d’être remplacée quelques instants plus tard par une photo d’une enseigne de commissariat de police.
Sur Twitter ou au bas des articles de presse sur cette affaire, les commentaires anti-musulmans fleurissent. Un exemple :
« Certainement encore une « française » ! Quand aurons-nous admis que l’islam se croit supérieure aux états ? »
Une fille perturbée psychologiquement
Ce lundi matin, Rue89Lyon a contacté la DDSP. Une source policière donne quelques précisions supplémentaires sur l’auteur de ces mails qui est décrite comme « au bord du burn out ».
« On a affaire à une fille perturbée psychologiquement. Elle a une classe difficile dans un collège de l’agglomération lyonnaise. »
A la police, elle a déclaré qu’elle a envoyé ces mails suite à une altercation verbale qu’elle aurait eu en se baladant dans la rue. Elle aurait dit à un « groupe de jeunes » qu’elle était catholique, ce qui aurait déclenché une volée d’insultes.
Des propos qu’elle aurait reproduits dans ses mails pour « alerter sur ce que subissent les catholiques ».
L’enseignante stagiaire a été présentée vendredi au parquet de Lyon qui a décidé d’une convocation par procès-verbal (CPPV) devant le tribunal correctionnel pour « apologie du terrorisme » et « menace de crime contre les personnes en raison de la religion ».
Elle a été placée sous contrôle judiciaire avec obligation de soin.
On attend désormais les messages de la fachosphère pour soutenir cette cyber-activiste catholique.
> Article mis à jour le 26 janvier à 10h, avec la précision sur l’illustration de l’article de fdesouche.
Chargement des commentaires…