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Bertrand Enjalbal Oliveira
Publié le ·
Imprimé le 21 novembre 2024 à 17h38 ·
10 minutes
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« Avec le départ de l’OL du stade Gerland et l’arrivée de la Parker Academy, on milite pour que le secteur devienne un véritable parc des sports plus urbains », détaille Alain Marguerit, paysagiste-urbaniste à Montpellier choisi pour penser le futur quartier.
Depuis notre entretien, les choses se sont accélérées. Après l’annonce de l’implantation future de la Parker Academy aux abords du Palais des Sports, le stade de Gerland y voit un peu plus clair concernant son futur locataire.
Dans les tuyaux depuis longtemps, l’arrivée du club de rugby du LOU a été actée. Avec elle, son propriétaire, le patron de GL Events Olivier Ginon, veut rénover et aménager les abords du stade. Et il est prêt à mettre 40 millions d’euros sur la table pour le faire. Des premiers aménagements à l’intérieur du stade devraient intervenir très rapidement puisque Gérard Collomb souhaite que le club de nouveau promu dans l’élite en prenne possession dès janvier 2017.
Spécialiste de l’évènementiel, Olivier Ginon voit aussi dans le stade occupé jusqu’à peu par l’Olympique Lyonnais une belle enceinte pour accueillir d’autres type d’évènements. Dans un quartier qui se redessine donc.
De quoi déclencher la colère du président de l’OL, Jean-Michel Aulas, parti développer son modèle économique autour de son grand stade à Décines. Même plus grand, plus récent, plus connecté et surtout plus à lui, il ne veut pas voir retarder son retour sur investissement.
L’autre projet phare du mandat de Gérard Collomb est là, presqu’au bout de la ligne B. Ici, comme à la Part-Dieu, la densification va continuer dans le sillage de la ZAC du Bon Lait quasiment achevée.
Gerland représente environ les deux tiers du territoire du 7e arrondissement mais concentre seulement le tiers de ses logements. Un quartier peu habité au regard de sa surface. Au-delà de son stade, il reste ainsi marqué par son histoire industrielle. Le quartier accueille aujourd’hui de grandes entreprises au sein notamment du Biodistrict et encore plus demain avec la livraison du siège de Sanofi ou l’inauguration le 12 mai dernier du nouveau laboratoire de la firme pharmaceutique Aguettant.
Le long de la rue de Gerland, c’est une logique de programmes mixtes qui prévaut dans le cadre de cette opération. Au 75 de la rue de Gerland, un projet urbain partenarial (public/privé), dont les travaux ont déjà débuté, doit aboutir à la construction de 250 logements (sociaux pour 25% d’entre eux) et de près de 35 000 m2 de bureaux. C’est là qu’EDF va installer en 2017 son centre d’ingénierie nucléaire, actuellement à Villeurbanne, dans une grande halle en cours de rénovation. La Métropole prendra en charge la construction d’une crèche et des espaces publics avoisinants.
La Grande Halle
Vue aérienne de la Grande Halle rénovée, projet situé au 75 rue de Gerland qui accueillera le SEPTEN (Service Études et Projets Thermiques et Nucléaires) d’EDF
Gécina réalisera le projet
Le projet du 75 rue de Gerland est un projet privé réalisé par Gécina. Des espaces publics sont toutefois prévus comme le montre cette perspective une fois achevé. Les rues Ravier et Bourdeix seront également prolongées sur le secteur.
La Grande Halle
La Grande Halle une fois rénovée avec ses murs extérieurs conservés.
Les travaux de la Grande Halle
Les travaux sur le terrain du PUP 75 au 75 rue de Gerland, à l’angle avec la rue Croix-Barret, ici en novembre 2015. Ils ont débuté durant l’été.
A proximité de là, entre la rue de Gerland et le boulevard de l’Artillerie sur l’ancien site de Fagor-Brandt, un second projet partenarial prévoit la construction principalement d’immeubles de logements pour une surface de 60000 m2 mais aussi de bureaux (25000m2).
Enfin, plus au sud, le projet Gerland prévoit la rénovation de la place des Pavillons située entre les avenues Tony Garnier et Debourg et le prolongement de la rue Monod à l’est. Le secteur doit accueillir un nouveau supermarché Casino et le projet nommé « Îlot Fontenay ».
Ce projet immobilier de l’OPAC du Rhône prendra la forme d’un immeuble de 51 logements (sociaux et en accession sociale à la propriété) avec sur toute la surface de son rez-de-chaussée une bibliothèque mise en service en 2017.
Le développement du quartier va donc se poursuivre autour de l’offre de surface de bureaux. Il compte aujourd’hui environ 30000 salariés pour 2300 entreprises. Dans la décennie à venir, 15000 salariés supplémentaires sont attendus et 150000m2 de bureaux sont prévus. En 2014, le secteur de Gerland a commercialisé davantage de surface de bureaux que la Part-Dieu. Un résultat « conjoncturel », note-t-on à la Mission Part-Dieu à quelques stations de métro.
Contrairement au grand quartier d’affaires de la Part-Dieu, à Gerland il y a davantage d’espaces. Il n’est ici pas question de tours de 200 mètres et d’immeubles de grande hauteur mais de « répondre à la densification de façon généreuse ». « Quartier apaisé », « ville aimable »…le marketing est en place pour décrire la vision du futur du quartier.
Le quartier offre donc de grandes surfaces pour développer logements et bureaux ce que la Métropole entend réaliser autour notamment de trois axes :
la ZAC des Girondins qui commence à changer de visage et plusieurs opérations mixtes (logements et bureaux) sont lancées
aménagement de la place des Pavillons et de l’îlot Fontenay à proximité
la création « d’allées vertes » montant du sud vers le nord pour favoriser modes doux et végétalisation.
La ZAC des Girondins, un nouveau cœur de quartier ?
Pour l’heure, la zone présente beaucoup de friches. Située entre le boulevard Yves Farge et l’avenue Jean-Jaurès et s’étirant de la place Jean-Jaurès au nord jusqu’à la rue Clément Marot au sud, la ZAC des Girondins couvre une surface de 17ha. Durant les dix prochaines années elle devrait accueillir environ 2500 logements, 75000 m2 de bureaux et 7000 m2 de commerces.
L’enjeu pour la mission Gerland qui pilote le projet urbain pour la Métropole : créer sur la zone de la ZAC une « centralité au nord » du quartier en complément de celle au sud autour de la place des Pavillons.
Tout ou presque va être construit. Des programmes immobiliers mixtes comme« Follement Gerland », ensemble de trois bâtiments représentant 800 logements en face de la de place Jean-Jaurès et livré en 2017, des bureaux avec les programmes « Ivoire » ou « Green office Link » le long de l’avenue Jean-Jaurès. Enfin, RTE va regrouper ses équipes régionales dans un nouveau siège achevé en 2017 et situé à l’angle de la rue Crépet et de l’avenue Farge.
Un groupe scolaire de 18 classes sera construit dans le secteur Pré Gaudry/Yves Farge ainsi qu’un pôle sociale et culturel. La Métropole va par ailleurs prolonger la rue des Girondins qui s’arrête pour l’heure au croisement avec la rue Félix Brun. Elle rejoindra l’avenue Jean-Jaurès au niveau de la station de métro et dans la perspective de la rue Fourcade. C’est dans ce secteur, actuellement en friche, le long de la rue des Girondins rallongée que les commerces en rez-de-chaussée d’immeubles sont envisagés pour créer cette fameuse « centralité ».
« La polarité à travers les commerces est liée à la circulation, aux flux et pas seulement de voitures. Surtout aux croisements des axes. L’idée de la place de village ne marche que si tout amène là. Ce qui fait marcher les commerces ce n’est pas la voiture mais les modes doux »,justifie Alain Marguerit.
Reste à parvenir à faire vivre cette « place de village ». Du côté de la mission Gerland on indique qu’un travail est mené « pour définir les besoins » et les types de commerces d’un quartier où « 30% des habitants font leur panier sur Gerland ».
« Il ne faut pas trop étaler les commerces et les associer à des équipements. Il vaut mieux implanter des services dans les rues adjacentes », indique Alain Marguerit.
Une fois identifiés, reste à permettre aux commerces de s’implanter et éviter de se retrouver avec des vitrines vides. Tout près de là, sur la ZAC du Bon Lait autour de la Place du Traité de Rome, certaines vitrines arborent encore des pancartes « A louer ». Des commerces qui appartiennent aux promoteurs ou propriétaires privés.
Didier Budin, directeur de la mission Gerland, assure qu’il faut justement éviter cette « surenchère au loyer pour les commerces ».
« On peut imposer les rez-de-chaussée commerciaux en pied d’immeubles mais on ne peut pas imposer la typologie ».
Il émet alors un souhait :
« Parvenir avec la SERL, aménageur du projet, à assurer un dispositif de portage pour les rez-de-chaussée commerciaux ».
En clair, la collectivité achèterait les locaux pour en assurait la gestion et pouvoir ainsi mieux maîtriser la pression locative et la nature des commerces souhaitant s’implanter.
Le Comité d’Intérêt Local (CIL) Gerland Guillotière semble douter de la réussite de l’entreprise tel que le prévoit le projet. Son président, Marc Pertosa, déclarait en février dernier au Progrès se faire une « autre idée du développement urbain de Gerland ». Et insistait sur ce point :
« Nous aimerions voir surgir un centre de vie à Gerland, avec un habitat en cohérence avec les personnes venant travailler à Gerland. »
Le CIL a notamment demandé que cette centralité sur la ZAC des Girondins soit organisée autour d’une place regroupant commerces et services. L’allée verte ne permettra pas selon le comité de quartier de parvenir à créer cette atmosphère et rendre la zone attrayante.
Plus globalement, il regrette l’absence d’architecture originale guidant les futurs immeubles d’habitation. Le CIL aurait souhaité une architecture plus « identitaire » pour le quartier permettant de le rendre facilement identifiable.
Concernant ces habitations, il juge que la part accordée aux logements sociaux est trop importante. Pas en soi mais au regard des emplois très qualifiés des secteurs déjà fortement implantés au sud de Gerland et amenés à se renforcer dans les années à venir.
Des « allées vertes » pour diminuer l’espace automobile
Les promoteurs du projet urbain rêve le quartier en « ville jardin ». Que cache ce slogan ? Essentiellement la mise en place « d’allées vertes », partant du sud en direction du nord du quartier. Des allées qui sillonneront en partie des rues existantes réaménagées, des espaces publics nouvellement créés ou traverseront par endroit des surfaces privées.
Trois sont annoncées. L’allée du Rhône, elle consistera en un aménagement de la partie supérieure des berges, en haut de la digue. Elle courra donc le long de l’avenue Leclerc, du parc des berges jusqu’au pont ferroviaire et la rue Raoul Servant. La seconde, dite Fontenay, montera du parc de Gerland, traversera le futur secteur de l’Îlot Fontenay pour remonter le long de l’allée Fontenay et traverser de nouveaux espaces dans les ZAC du Bon Lait et des Girondins jusqu’au secteur de la rue du Pré-Gaudry. Enfin, la dernière remontera depuis l’avenue Tony Garnier et sillonnera entre les rues de Gerland et le boulevard de l’Artillerie jusqu’à la rue Pierre Sémard.
L’allée Fontenay, qui montera depuis Gerland, sera prolongée au-delà de la rue actuelle du même nom, au coeur de la ZAC des Girondins
L’îlot Fontenay sera construit le long de la rue Marcel Mérieux entre l’avenue Debourg et la rue Challemal Lacour. La rue Monod qui s’arrête au croisement avec la rue Mérieux sera prolongée vers l’est comme on le voit ici.
Ces « allées », seront végétalisées au maximum et privilégieront les modes doux à la voiture. Notamment pour la plus large, celle dite Fontenay.
« Tous les véhicules seront autorisés, la voiture sera donc autorisée mais elle ne pourra pas stationner. Cela implique donc par endroit que l’emprise des voiries va diminuer », indique l’urbaniste Alain Marguerit.
Forcer la main aux privés ?
Pour les porteurs du projet urbain, la notion de « ville jardin » passe également par les programmes privés. La configuration des programmes immobiliers, notamment ceux donnant sur les grands axes comme l’avenue Jean-Jaurès, doit permettre de voir l’intérieur des îlots et les jardins intérieurs des résidences.
« Pour atténuer l’effet de densité », indique-t-on à la mission Gerland.
Là aussi, pas toujours facile de tordre le bras aux promoteurs privés. Notamment quand il s’agit de maintenir une diversité de logements dans un quartier qui est « habité par des gens pauvres, des étudiants et des cadres de Sanofi aux hauts salaires ». L’urbaniste assure travailler dans une logique de « parcours résidentiel » pour assurer une gamme large de logements et donc de prix au sein même du quartier. Avec de nombreux programmes, le prix de l’immobilier neuf, « autour de 4100-4200 euros le m2 », n’est pas prêt de baisser.
« Ils ont tendance à vouloir faire le même type de produits, ils doivent faire leur bénéfices, il ne faut pas le nier. Chacun est dans sa logique et on a pas beaucoup de moyens. Mais si on leur montre que le projet est bon, ils écoutent », poursuit-il.
Déjà bien desservi par les transports en commun avec notamment la ligne B du métro, le quartier semble avoir le vent en poupe. Prolongée jusqu’à Oullins une première fois en 2014, elle doit l’être à nouveau d’ici 2020 jusqu’aux hôpitaux sud cette fois. L’arrivée du Tram T1, qui doit être prolongé jusqu’aux hôpitaux est, renforce la connexion du quartier. Le projet doit « poser les bases pour installer le quartier dans la durée ».
« Tout ne sera pas fait sur le plan de mandat actuel, notamment les allées vertes », prévient-on à la mission Gerland.
Pour l’urbaniste Alain Marguerit il faudra suivre ce projet sur « une vingtaine d’années ».
« Un projet urbain comme ça, c’est trois mandats ».
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