Après 10 jours de latence, les organisateurs trépignaient d’impatience pour décliner à Grenoble le concept de « Nuits Debout », d’abord vu à Paris, place de la République.
Ce samedi, après la nouvelle manifestation unitaire contre la loi Travail dans les rues de Grenoble, un millier de personnes environ se sont installées sur les pelouses de la Maison de la Culture (MC2), à égale distance du centre et des quartiers populaires du sud de la ville.
En rangs serrés sur les marches du centre culturel, l’assemblée générale fondatrice a accueilli une flopées de profils singuliers. Autonomes, soixante-huitards, étudiants syndiqués, mal-logés, féministes, chômeurs, précaires, militants politiques et écolo-montagnards… Les candidats à la thérapie de groupe protestataire et créatrice ne manquent pas dans cette ville réputée pour son activité militante.
Une quinzaine d’élus municipaux présents
Dans le petit carré de membres du parti de gauche (PG) qui participent à la première assemblée générale, Elisa Martin – 1ère adjointe au maire de Grenoble en charge de la tranquillité publique – est enthousiaste :
« Ce qui se passe ici nous intéresse, on est frappés par la très grande autonomie de ce mouvement social et par son horizontalité. C’est la seule ville de France où l’occupation est 100% légale ».
À Grenoble, l’occupation publique est autorisée. La demande sera renouvelée chaque jour et la ville prend à sa charge la consommation d’eau et d’électricité des installations.
Comme Elisa Martin, ils sont une quinzaine d’élus de la majorité municipale, à être venus faire un tour durant tout le weekend. Eric Piolle, absent samedi a finalement fait un passage remarqué dimanche soir.
« Éviter des nouveaux clashs avec la police »
Entre un appel au boycott de la grande distribution pour l’achat des bières de la buvette et l’organisation avortée d’un péage sauvage sur un tronçon d’autoroute, l’assemblée générale a souhaité donner la parole au maire, sans même qu’il l’ait demandé :
Il commente sa visite en aparté :
« Cette mobilisation dépasse la loi Travail. On sent une volonté de transformer le monde. Il y a de l’envie, de l’énergie mais il faut que ça se structure. Leur défi est de fédérer des habitants de la ville dans toute sa diversité. C’est à eux de dire ce qui pourra ressortir politiquement de ce mouvement. Notre rôle, c’est d’être des facilitateurs administratifs pour éviter des nouveaux clashs avec la police ».
« En prison pour un film en plein-air »
Car le 31 mars dernier, la première tentative d’installation des « Nuit Debout » à Grenoble s’était terminée sous les gaz lacrymogènes.
Suite à des débordements violents en marge du cortège et faute d’autorisation conforme pour l’occupation des lieux, Eric Piolle, inquiet des conditions de sécurité de la projection du film « Merci Patron ! » prévue ce soir-là, avait demandé son annulation. Face aux refus de certains manifestants de quitter les lieux, la police avait utilisé la manière forte pour les déloger.
Dans cette soirée de heurts, une douzaine de personnes avaient été interpellées et huit autres incarcérées et condamnées à des peines de prison avec sursis et des amendes pour « participation à un rassemblement illégal et violence volontaire contre les dépositaires de l’autorité publique ».
Etienne (tous les prénoms ont été modifiés sur demande des interlocuteurs, « pour respecter l’absence de leadership individuel du mouvement »), adhérant du syndicat Solidaires Etudiants, reproche à Eric Piolle sa « responsabilité » dans ces interpellations :
« Le maire renvoie la balle sur le préfet, mais s’il n’avait pas été aussi frileux en annulant la soirée, des étudiants ne se seraient pas retrouvés en prison pour avoir simplement voulu regarder un film en plein-air ! »
« La mairie expulse, expulsons la mairie »
Malgré le soutien de la ville et la présence des élus, Eric Piolle n’est pas en terrain conquis.
Au micro de l’AG ce dimanche, les critiques fusent. On lui reproche aussi « la privatisation par Vinci d’une partie de Grenoble Electricité et Gaz », « les expulsions de squats et du bidonville Esmonin » et « les renoncements sur la gratuité des transports en commun ».
Plusieurs membres du collectif Droit au Logement (DAL) scandent « la mairie expulse, expulsons la mairie » avant de quitter les lieux pour s’opposer à la présence du maire.
Clément, un membre actif de la Nuit Debout grenobloise marque prudemment la distance :
« Ce n’est pas parce que la ville nous soutient qu’on soutient la mairie. Ils se sont engagés à ne pas faire de récupération politique en contrepartie du service rendu. Mais plutôt que de vouloir virer du monde, on devrait plutôt se demander comment faire venir plus de personnes, sinon le mouvement va vite s’essouffler ».
Effectivement, malgré une foule de 500 personnes à l’assemblée générale fondatrice de samedi, ils n’étaient déjà plus que 250 environ à celle du lendemain.
En plus de l’entre-soi et des prises de parole redondantes, les vacances scolaires pourraient bien avoir raison de la dynamique protestataire.
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