Après de timides annonces ministérielles et à quelques jours de la présentation de son « éclairage Auvergne-Rhône-Alpes » sur le mal-logement, la Fondation Abbé Pierre Rhône-Alpes dresse le bilan et les perspectives, à l’heure de la reprise des expulsions locatives. Parole à Véronique Gilet, directrice régionale.
Les témoignages de Fatiha, Olivier, Sabrina et Saïd sont autant de portraits qui indiquent comment l’image de l’expulsion s’est recomposée ces dernières années, à la lumière de la massification des profils de ménages touchés par ces difficultés : locataires, propriétaires accédants en difficultés de remboursement d’emprunts, copropriétaires, ménages salariés avec des ressources. Tous sont mis en difficulté par le coût du logement, des charges et l’insuffisance voire l’instabilité financière.
On voit bien également dans le témoignage de ces quatre personnes, comment, dans le parcours d’impayé et d’expulsion, les revenus à la baisse et le prix du logement à la hausse ont fini par entrer en collision.
Dans le cadre du Rapport régional de la Fondation Abbé Pierre sur le mal-logement (présenté le 7 avril prochain), nous avons choisi de mettre la focale sur la thématique des expulsions et d’éclairer la formation des impayés à partir de la fluctuation des ressources des ménages défavorisés.
On demande à des gens de gérer l’ingérable
A travers cette double exploration, nous prenons la mesure du fossé qui se creuse entre les réalités et les dispositifs de soutien – qu’ils relèvent des aides financières, de dispositifs d’accompagnement ou de relogement.
Ces dispositifs restent largement construits pour répondre à des situations stables et plus ou moins définitives, quand le regard sur les parcours de vie des ménages (séparation, recomposition, chômage, accidents de vie, maladie, etc) renseigne sur le caractère provisoire et changeant des séquences de vie d’un point de vue professionnel, familial, ou de santé.
Nous faisons le constat que, d’un côté, les gens se trouvent de plus en plus condamnés à des logiques de survie quotidiennes, quand dans le même temps, on attend d’eux qu’ils sachent gérer l’ingérable, qu’ils deviennent quasi expert-comptable, qu’ils se présentent « sans casserole » pour le relogement…
Comment tenons-nous compte de la « basse économie » ?
On peut toujours se focaliser sur le fait que toutes les situations d’impayés ne se valent pas, que des motifs autres que financiers viennent expliquer la formation des impayés, qu’existent de mauvais payeurs…
Si ces situations peuvent se rencontrer, elles ne doivent pas conduire à sous-estimer les problèmes collectifs en matière de logements qui se posent à nous et que révèlent les expulsions locatives.
Plus globalement, ces évolutions doivent nous conduire à repenser la place des revenus des ménages dans la prise en compte du risque de perte du logement autant que dans les difficultés d’y accéder. Face à un ascenseur social qui ne fonctionne plus pour bon nombre de nos concitoyens, comment tenons-nous compte de la « basse économie » dans laquelle de plus en plus de ménages se démènent quotidiennement, pour repenser des solutions de logement ? Pour bon nombre de personnes, il n’y a plus de revenu garanti chaque mois.
Comment nos dispositifs de prévention et de logement en tiennent-ils compte ? De quelle trésorerie dispose les ménages pour faire face sinon aux coups durs, pour le moins à la gestion quotidienne et aux dépenses fixes ?
Comment actualiser nos grilles de lecture, nos outils de réponse pour penser ces réalités et adapter les formes de services aux personnes, les formules de logement en rapport ?
Les timides annonces de la ministre du logement
Ce mardi 29 mars, la nouvelle ministre du logement, Emmanuelle Cosse, a annoncé une série de mesures pour « prévenir les expulsions ». Ces annonces vont dans le bon sens sur le volet prévention des impayés, notamment avec la mise en place du pôle national de prévention des expulsions locatives qui se trouve doté de moyens et d’un plan d’action.
Reste que ce pôle devra trouver ses articulations avec les territoires pour améliorer réellement l’anticipation des situations de rupture, permettre de mieux prendre en compte les ménages qui échappent aux filets de protection et permettre, au final, d’éviter les expulsions.
Parce que c’est cela l’enjeu : de tout mettre en œuvre pour éviter l’expulsion sans alternative ou les départs en cours de procédure. Avec l’expulsion, la situation ne se trouve pas réglée pour autant. Les personnes ne disparaissent pas et se trouve toujours posée la question de leur relogement.
Ces annonces restent toutefois en décalage devant l’ampleur des situations d’expulsion et des besoins de toits des personnes en détresse qui en bout de chaîne restent toute l’année aux portes des hébergements.
Chercher des solutions ensemble
Le devoir de la Fondation Abbé Pierre est d’alerter, tant qu’il restera des hommes, des femmes et des enfants en difficultés de toits et aussi d’œuvrer à rapprocher la parole de ceux qui sont le plus souvent éloignés du débat public.
Nous n’en appelons pas à des solutions magiques. Les corrections à apporter, il nous faut les chercher ensemble, confiants dans notre capacité collective à affronter les difficultés et vents contraires, pour offrir à chacun des conditions de vie décentes.
> La Fondation Abbé Pierre présentera son 21ème rapport sur l’état du mal logement en France ainsi qu’une focale sur les expulsions locatives en région le jeudi 7 avril prochain, de 9h00 à 12h30, à l’Espace CAF de Lyon.
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