En 2010 est née sur ces souvenirs sonores une petite friche culturelle, musicale et numérique.
(ci-dessous, à Fourvière en 78)
Les Starshooter ont précédé sur ce lieu le groupe de pop « Fragile », qui y sévit dans les années 1980, avant de laisser sa place dans les années 90 à la musique française. Avec « L’affaire Louis’Trio » -souvenez-vous du tube « Mobilis in Mobile ».
La boutique libre
A la fin des années 1990, les locaux sont finalement rachetés par un mécène, qui imagine alors y installer des activités associatives. Les lieux restent cependant inusités quelques années, avant que Daniel Tartavel, alors dépanneur informatique libre et itinérant ne s’y installe.
Quant au propriétaire, il reste discret sur son identité, tandis qu’il met à disposition ses locaux pour « promouvoir l’art et l’intérêt général, dans un esprit philantrope ».
Vous ne croyiez pas que ça existait encore ? Daniel Tartavel raconte :
«La boutique Libre PC a ouvert ses portes en 2010. J’y vends du matériel neuf compatible avec Linux et je fais du dépannage informatique. Pour le dépannage, il faut savoir que ceux et celles qui rentrent avec un PC ou un Mac vont ressortir avec un Linux ! Et la plupart des gens le garde.»
Outre les particuliers, Daniel Tartavel travaille avec des associations, comme le centre de ressources sur les alternatives sociales (CEDRATS), ou le Kotopo, espace culturel international, tous deux sur les pentes de la Croix-Rousse. Daniel raconte :
«La boutique a eu du mal à démarrer, mais depuis le début de l’année, ça décolle. Je commence à être connu, Linux commence à être connu, et c’est la seule boutique de ce genre à Lyon.»
En plus de son activité informatique, Daniel Tartavel vend les livres Framabook, sous licences libres, propose une petite bibliothèque à consulter sur place, et met à disposition de larges canapés… Car son commerce a aussi vocation à la convivialité, avec ses « squatteurs » qui viennent traîner devant les ordis et tailler le bout de gras.
N’allez pas croire en effet que les libristes, c’est à dire les usagers des logiciels libres, hibernent tous à longueur d’année dans des grottes, perdus dans leurs barbes et leurs fils, les yeux rougis par l’écran.
Non. Ils se retrouvent régulièrement, à Lyon (comme aux journées du logiciel libre, les prochaines auront lieu les 2 et 3 avril prochains), notamment. C’est d’ailleurs aux rencontres mondiales du logiciel libre de 2011 à Strasbourg que Daniel fait la connaissance des joyeux drilles du Laboratoire ouvert lyonnais (LOL).
Les bricolos du LOL
Vous avez dit LOL ? C’est en fait un « hackerspace », autrement dit un lieu où l’on bricole -principalement de l’électronique- dans la bonne humeur. Daniel et les gens du LOL se trouvant des affinités, ces derniers – qui partageaient un bureau à la mairie du 7ème- viennent s’installer dans un local de l’arrière-cour 7 place Chazette, y déployant machines, serveurs, et bidules.
Ce mardi soir de septembre, attablés dans le lieu entre une radio connectée des années 50 et quelques bières, Olivier, un des fondateurs, Kevlar et Jeremy, jeunes membres actifs, expliquent la démarche :
« L’idée, c’est de bricoler entre nous, et de transmettre nos connaissances. Faire soi-même et partager. Les gens viennent avec leurs idées, et on les aide à fabriquer, par exemple avec l’imprimante 3D. On organise aussi des ateliers Linux, Arduino ou Pirate Box, et des install party pour installer des systèmes d’exploitation Linux.»
Ce mardi soir-là, entre la boutique Libre PC et le LOL, gravitent une vingtaine de personnes, surtout des hommes, de tous les âges, et surtout des informaticiens. Mais finalement pas que : Michel, jeune retraité, travaillait dans la menuiserie aluminium. Tout nouveau au LOL, il a l’air ravi. Elise, étudiante en anthropologie, est arrivée là un beau jour :
« J’ai débarqué un soir à 22 heures… Mon ordi était cassé, et il fallait vite trouver une solution ! Du coup, j’ai découvert ce lieu. Après, dans le cadre de mes études, je devais préparer une forme numérique interactive pour l’espace Pierres Folles, un musée de paléontologie, géologie et botanique à Saint Jean des Vignes : des flashcodes permettant d’avoir accès à des photos et définitions des pièces exposées ainsi que la possibilité de laisser des commentaires. Tout le monde ici m’a aidée à monter ce projet.»
Lieux de débats, de fêtes, et d’expérimentations
Un lieu d’entraide, de fête, de bricolage actif, de partage des savoirs.
C’est Fabrice Raffin, ethno-sociologue et maître de conférence à l’Université de Picardie écrit dans « Friches industrielles – Un monde culturel en mutation » (paru en en 2007), qui nous l’a déclaré :
« Il existe de moins en moins d’espaces de débat public et d’expérimentation sociale. Avant il y avait les cafés, les syndicats, mais aujourd’hui ? Les individus ploient sous la chape de plomb bienveillante des institutions normatives. Alors, les gens, les jeunes, recréent des espaces pour se confronter à l’autre dans l’argumentation. Et aussi pour organiser des activités à leur façon, en dehors des normes et des managements d’entreprise, parfois au début de façon un peu bancale… mais qui leur est propre.»
Comparer la boutique et le laboratoire ouvert de la place Chazette avec une friche culturelle vous paraît excessif ? Le 7 place Chazette ne vous a pas encore dévoilé tous ses secrets.
En façade, à gauche de Libre PC, l’espace Altnet a ouvert ses portes en 2012. Derrick Giscloux, par ailleurs président du LOL et directeur artistique de la compagnie CreArtCom, porte ce projet de lieu de rencontre et de culture autour des alternatives, de l’art et des technologies :
«L’espace Altnet organise des workshops, des ateliers d’éducation au numérique pour les scolaires, présente des expositions d’art numérique, et organise les « Dossiers de l’écran », des conférences mensuelles sur un thème interrogeant la pénétration des technologies dans notre société. Tout le monde peut d’ailleurs venir en organiser.»
Musique libre et musiciens entremêlés
Préparer un événement à l’espace Altnet, voilà justement ce qu’a fait l’année dernière Alain Imbaud, président de l’association Musique Libre ! -association de promotion de la musique sous licence libre- avec deux dates de conférence et projection : « Musique libre » et « Copyright or Copyleft ? ».
Entre dix et vingt personnes sont venus y assister. Musique Libre ! est notamment à l’initiative de la plate-forme Dogmazic, qui diffuse aujourd’hui 55 000 morceaux sous licence libre.
Des licences libres qui n’ont pourtant pas encore su séduire les membres de « Narval », l’association de musiciens qui achève la galerie de personnage du 7 place Chazette.
Une dizaine de groupes hétéroclites -des plus connus Alexis & the Brainbow et Slow Joe & The Ginger Accident, aux plus amateurs, « Pratos » et « F.A.T. Club », en passant par DJ Snoo.P ou par des groupes relativement confidentiels tels que Enlarge Your Monster ou Breakfast Society– se sont lancés dans l’expérience collective pour mettre en commun moyens et expériences. Philippe Badey, secrétaire de l’association, par ailleurs guitariste et chanteur d’ « Enlarge your Monster » explique la démarche :
«Faire collectif, ce n’est pas une démarche naturelle pour des musiciens ou des groupes. S’entraider est pourtant la seule façon de tenter d’émerger, puisque les labels indépendants disparaissent ou n’ont plus de moyens. Dans le futur, on aimerait arriver à gérer collectivement l’administratif, la communication, le booking ou l’organisation de résidence.»
Méfions-nous, les musiciens sont partout. Y compris à la mairie du 1er. Jean-Pierre Bouchard, ancien Monsieur « Fête de la Musique » de Gérard Collomb, aujourd’hui s’estimant plus à gauche en tant qu’adjoint (Gram) à la maire du 1er arrondissement, est passé par l’association Narval de la place Chazette. Et même par le groupe « Enlarge your Monster » (voir ci-dessous l’élu en concert, à la guitare, avec Philippe Badey au chant, à la MJC Ô Totem de Rillieux la Pape début 2013).
Même s’il a quitté à la fois le lieu et le groupe -il joue maintenant dans « A kind of pill »-, Jean-Pierre Bouchard connaît bien le « pôle libre » de la place Chazette. Quand on l’interroge sur l’avis de la mairie du 1er arrondissement, au sujet cette originale mini-friche, il déroule :
« Notre action consiste à soutenir ponctuellement un événement ou une expérimentation pour lui permettre de se faire remarquer de façon plus conséquente. Concernant la place Chazette, j’apprécie les activités du lieu et serais prêt à donner un coup de pouce, s’ils en avaient besoin.»
Voilà qui est dit.
En attendant, le jeune « pôle libre » de la place Chazette bringuebale son expérimentation composite, entre mécénat, collectif, prises de bec, camaraderie. Et projets, fabriqués sur-mesure.
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