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A Lyon, une nouvelle affaire d’agression sexuelle couverte ? Le cardinal Barbarin dessine sa défense

Un homme de 42 ans affirme avoir été victime d’attouchements sexuels à 16 ans par un prêtre de la Croix-Rousse, à Lyon. Il met en accusation le cardinal Barbarin, en prétendant que « rien n’a été fait pour protéger les autres enfants ».

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Le cardinal Philippe Barbarin © Pierre Maier/Rue89Lyon.

Depuis Lourdes, l’archevêque de Lyon parle de « points très troubles de la vie d’un prêtre mais qui n’ont rien à voir avec de la pédophilie ». Nouvelle onde de choc de l’affaire du père Preynat ? Ces accusations secouent en tout cas les institutions catholiques.

Ce mardi, le premier ministre, Manuel Valls a demandé au cardinal de « prendre ses responsabilités ».

Mais Philippe Barbarin a sa ligne de défense : il nie avoir couvert quiconque ayant mal agi dans son diocèse. La question de la démission de l’archevêque de Lyon est plus que jamais d’actualité.

Il y a un mois, nous expliquions qu’après son entretien « hallucinant » au journal La Croix puis les propos du pape sur la responsabilité des évêques confrontés à des prêtres pédophiles, le cardinal Barbarin semblait acculé à la démission.

Depuis, une enquête préliminaire a été ouverte par le parquet de Lyon pour « non dénonciation de crime et mise en danger de la vie d’autrui » et trois plaintes ont été déposées, visant notamment le cardinal Barbarin. Ce lundi, le Figaro révèle ce qui pourrait être une nouvelle affaire d’agression sexuelle couverte par le diocèse de Lyon.

Pierre (prénom d’emprunt), 42 ans, haut fonctionnaire au ministère de l’Intérieur, affirme qu’à 16 ans, « il a été victime des attouchements d’un prêtre lyonnais de l’ensemble paroissial de la Croix Rousse ».

Après le père Preynat, qui s’occupait d’un groupe de scouts traditionalistes à Sainte-Foy-lès-Lyon, le père Jérôme Billioud est lui aussi issu de cette famille conservatrice de l’Eglise catholique, comme l’écrit le Figaro :

« Le prêtre est notamment connu pour avoir célébré une messe le 21 janvier 2011 pour la mort de Louis XVI avec l’Action française ».


« Vindicte contre Barbarin » ?

Pierre se souvient notamment d’une scène où, à 15 ans, en vacances avec ce « père de substitution », le père Billioud a « commencé à se frotter et à se masturber » contre lui. Pierre a déposé plainte en 2009, mais elle a été classée pour cause de prescription.

A cette époque, il dit avoir rencontré le cardinal :

« Le cardinal m’a dit qu’il était parfaitement au courant et que ce prêtre avait déjà eu maille à partir avec la justice (le prêtre avait été condamné au début des années 2000 à un mois de prison avec sursis pour exhibitionnisme, NDLR) et qu’il reconnaissait les faits me concernant. Le cardinal m’a demandé pardon au nom du prêtre. Je suis choqué qu’il n’ait pas pris la mesure du problème et qu’il se soit abrité derrière la prescription pénale. Il n’a rien fait pour protéger les autres enfants, il l’a laissé en place, au même endroit. »

Aujourd’hui il accuse l’archevêque de Lyon :

« Le cardinal Barbarin n’a pas voulu faire ce ménage, il a mis de la poussière sous le tapis pendant des années et maintenant, tout lui explose à la figure. »

Contacté par Le Figaro, le père Billioud, qui officie actuellement dans le 3ème arrondissement de Lyon, explique « n’avoir aucun souvenir » de la nuit à Biarritz. Il assure avoir partagé la chambre avec un ami prêtre.

Selon Le Point, qui cite un proche à qui Pierre se serait confié, le jeune homme de 42 ans voudrait « la tête du cardinal » et en « faire un exemple ». Toujours selon ce proche, il « conseille La Parole libérée [l’association de victimes du prêtre Preynat, ndlr], et a même écrit au procureur pour les soutenir en évoquant son cas personnel ».
Dans un court communiqué, La Parole libérée a démenti être en contact avec ce Pierre.

Au site du journal Le Point, Pierre dément également toute « vindicte » à l’encontre du cardinal Barbarin.

Le Point affirme également que, condamné par le passé pour exhibition, le père Billioud avait été écarté de toute tâche en lien avec les jeunes dès que la plainte a été connue, en 2009.

Le cardinal Philippe Barbarin © Pierre Maier/Rue89Lyon.


Ce curé a-t-il été sanctionné par le cardinal Barbarin ?

Les témoignages mis au jour par l’association des victimes du père Preynat ont incité Pierre à relancer l’affaire en justice.

Il a ainsi contacté mi-février le procureur de la République de Lyon. Il doit être prochainement réentendu par la justice dans le cadre d’une enquête préliminaire ouverte pour « non-dénonciation de crime » et « mise en danger de la vie d’autrui » suite à une plainte qu’il a déposée contre le cardinal Barbarin et l’ex-curé de la Croix-Rousse pour « mise en danger d’autrui et provocation au suicide ».

Ce lundi à 23h, le diocèse de Lyon a publié un communiqué titré « tristesse et consternation » :

Le cardinal Philippe Barbarin « comprend la détresse de toute personne ayant pu être victime d’actes d’autant plus inadmissibles qu’ils auraient été commis par un prêtre le cardinal ne peut que manifester sa profonde incompréhension face à cette plainte ».

Il insiste sur le fait que cette plainte a été « classée sans suite par la justice ».

Aujourd’hui, le cardinal Barbarin prend des distances avec les accusations contre cet ex-curé de la Croix-Rousse alors que Pierre affirme que « le cardinal était parfaitement au courant ». Le conditionnel est de mise :

« Des faits d’agressions sexuelles auraient été commis par un prêtre du diocèse de Lyon en 1990 et 1993, alors que le plaignant avait 16 puis 19 ans. »

Dans son communiqué, l’archevêque de Lyon contre-attaque, rejetant en bloc les accusations pour « non-dénonciation de crimes » :

« C’est avec douleur que le cardinal Barbarin se voit accusé aujourd’hui de manière aussi injustifiée, tant il est évident qu’en aucun cas il n’a ni mis en danger la vie d’autrui, ni encouragé quiconque à se suicider. »

A Lourdes ce mardi pour la conférence des évêques de France, l’archevêque de Lyon est revenu sur toutes ces accusations. Concernant celle de Pierre, il a apporté une nouvelle version. Pour lui, il ne s’agit pas de pédophilie.

« Ce sont des points très troubles de la vie d’un prêtre mais qui n’ont plus rien à voir avec de la pédophilie », a estimé le cardinal (via 20 minutes).

Le responsable religieux a indiqué qu’il n’avait « pas d’assurance » que ces actes ne se reproduisent pas et a ajouté :

« Je demande qu’il n’exerce pas son ministère dans le monde entier jusqu’à ce que la justice se fasse ».

En réalité, selon la Conférence des évêques de France, la suspension du père Billioud est intervenu le week-end dernier, alors que le diocèse savait que l’affaire était sur le point d’éclater.

Contacté par Rue89Lyon, le diocèse ne précise pas si ce curé continuait à exercer jusqu’au week-end dernier des tâches en lien avec les jeunes ou s’il en a été écarté dès que la plainte de Pierre a été connue en 2009.

Nous avons également cherché à contacter ce prêtre dans sa paroisse du 3ème arrondissement de Lyon. Une paroissienne nous a répondu qu’« il n’est pas joignable ». Malgré les déclarations du cardinal Barbarin, le trouble demeure.


L’affaire Preynat met au jour d’autres cas de pédophilie

Devant les journalistes, le cardinal Barbarin a nié avec force avoir couvert des prêtres pédophiles.
Et il est revenu sur les cas de pédophilie qu’il a dû affronter en tant qu’archevêque de Lyon. Le cardinal fait la distinction entre les faits « très très anciens » (ceux du père Preynat) et les faits récents. Il indique avoir eu connaissance d’actes pédophiles à deux reprises, « en 2006 et en 2014 » :

« La police m’en est témoin et m’a rendu justice à ce sujet en me disant que j’avais réagi immédiatement », a-t-il déclaré (via 20 minutes).

Il assure avoir également relevé de leurs fonctions ces deux personnes mises en cause.

S’agissant de l’affaire Preynat, le cardinal Barbarin a d’abord commis une nouvelle énorme maladresse, en déclarant « grâce à Dieu, la majorité des faits sont prescrits ». Puis, il a déroulé le même discours :

  • Pour la première fois, il a rencontré l’une des victimes « en novembre 2014 ».
  • Mais il a rencontré le père Preynat en 2007.

Pourquoi alors avoir attendu 2014 pour prévenir le Vatican ? Il apporte une double réponse :

  • « C’est la première fois que j’avais les faits précis ». Des faits qui, pour lui, se sont arrêtés en septembre 1990.
  • En 2007, le père Preynat lui aurait dit : « j’ai été tellement ébouillanté par ce que j’avais fait que je n’ai pas recommencé ».

Le cardinal Barbarin confesse une erreur :

« On peut me reprocher de l’avoir cru (…). Je ne dis pas que je ne me suis pas trompé ».

Surtout, il reconnaît que l’Eglise catholique doit prendre en considération des faits de pédophilie même s’ils sont anciens et prescrits :

« Il ne faut pas nous en tenir à une prescription juridique ou au fait qu’il n’y ait pas de plaintes. Manifestement, cela ne suffit pas, il y a quelque chose que nous devons changer ».

Cela sonne comme un premier mea culpa.


Le Vatican soutient le cardinal Barbarin

Quelques heures après sa conférence de presse à Lourdes, le cardinal Barbarin a reçu le soutien du Vatican par la voix de son porte-parole.
Le père Federico Lombardi a rappelé « son sens de la responsabilité » et qu’il était « opportun d’attendre le résultat de l’enquête ouverte par la justice française ».

Dans ce communiqué, Le père Federico Lombardi répond à une lettre envoyé par l’association des victimes du Père Preynat pour demander une audience au pape pour évoquer le cas du cardinal de Lyon qu’ils accusent d’avoir couvert les agissements du père Preynat.

Le porte-parole revient sur les actions « développées » par l’Eglise catholique :

« Tout abus sexuel sur mineur constitue un crime grave, dont les conséquences ne sauraient être sous-estimées, ni dans la durée ni dans la profondeur des effets. C’est pourquoi, au niveau universel comme en France, l’Église a développé depuis des années une prise de conscience avec un sens de responsabilité accru et des mesures en continuel renforcement.

Manifestement, le Vatican n’a pas apprécié que la lettre de La Parole libérée fuite dans les journaux :

« Il ressort du document rendu public que ses auteurs désirent être reçus par le Saint-Père. Or, en principe, la requête d’une audience papale privée ne passe pas par la presse. Sa publication tend évidemment à exercer une forte pression médiatique.
Jusqu’ici, les rencontres de victimes d’abus sexuels par les Papes se sont déroulées après qu’on se soit assuré du climat d’écoute et de dialogue nécessaire pour porter des fruits spirituels».

Interrogé par Le Parisien, Bertrand Virieux, l’un des trois signataires de la lettre s’est, est surpris par cette réaction qui « ressemble à une fin de non-recevoir » :

« On ne met pas de pression, mais porter haut cette parole libérée passe par la voix médiatique ».

>Article mis à jour le 17/03 à 11h avec la précision de la Conférence des évêques de France sur la suspension du père Billioud et le communiqué du Vatican.


#Affaire Preynat

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