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Pourquoi la Suisse veut la peau de la centrale nucléaire du Bugey

La plainte est déposée « contre X » car, pour Corinne Lepage, l’avocate qui lance la procédure, « c’est à l’instruction de rechercher les responsables ». En réalité, pour le canton de Genève qu’elle représente, le responsable est tout indiqué : la centrale nucléaire du Bugey, accusée de « mise en danger délibérée de la vie d’autrui » et de « pollution des eaux ».

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centrale nucléaire Bugey Lyon

La centrale du Bugey à Saint-Vulbas, à 30 km de Lyon et 70 km de Genève. Crédits : IG/Rue89Lyon.

Si la menace lancée en direction du Bugey a été divulguée dans les médias la semaine dernière, la conférence de presse n’était programmée que ce lundi. Le temps que la mayonnaise prenne et que les médias se languissent d’entendre le dernier rebondissement d’un feuilleton qui date en réalité de quelques années déjà.

Entre autres dossiers dans la ligne de mire directe de Genève, on trouve le projet Iceda, ou la poubelle géante française du nucléaire, dont la construction est prévue dans la commune de Saint-Vulbas, sur le site de la centrale du Bugey. Les déchets radioactifs des centrales démantelées doivent trouver refuge dans un entrepôt souhaité par EDF et que les procédures des anti-nucléaires n’ont pas réussi à freiner. Iceda doit voir le jour en 2017.

La centrale du Bugey, vétuste, est régulièrement visée par les anti-nucléaires qui la considèrent comme particulièrement dangereuse. Sur ses cinq réacteurs, l’un est en cours de démantèlement. Un autre est à l’arrêt depuis août 2015 et, pour celui-là, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a exigé d’EDF la réparation d’une dégradation de l’étanchéité du revêtement métallique.

Les eaux du Rhône au coeur de la bataille

La Suisse est donc attentive à la question nucléaire et ne compte pas ignorer les réacteurs de la centrale du Bugey, située à seulement 70 kilomètres de la ville de Genève. Notamment traumatisé par le drame de Fukushima, le pays frontalier de la France s’est engagé à sortir du nucléaire d’ici 2034 en mettant hors service ses cinq réacteurs dès lors qu’ils auront atteint l’âge canonique de 50 ans. L’un d’eux est d’ailleurs le plus vieux du monde, datant de 1969.

Par ailleurs, la mention et l’accusation de « pollution des eaux » visant la centrale du Bugey dans la plainte déposée à Paris n’est pas anodine. La question de la gestion des eaux du Rhône est aussi au coeur de tensions entre la France et la Suisse. Comme le rappelait journal helvète Le Temps dans un article fouillé :

« La Suisse est le château d’eau de l’Europe, et de l’eau du Rhône en particulier. Avec le changement climatique, les phénomènes de sécheresse et de crues augmentant, sa gestion transfrontalière se complique ».

Le Rhône, la renaissance d’un fleuve. © Cocottes Minute Productions

Du côté du Bugey, on n’a pas attendu cette conférence de presse de lundi pour tenter de répondre à l’attaque, par une forme d’invitation au dialogue. La CLI (Commission locale d’information) qui se tient régulièrement en présence des représentants de la centrale nucléaire, des différentes autorités, des élus locaux et représentants des riverains, des associations antinucléaires a décidé de convier des « représentants suisses ». Dans le but de « leur apporter toutes les réponses à leurs questions, pour lever leurs craintes », a déclaré le préfet de l’Ain.

Pour le moment, les Suisses n’ont pas répondu à cette invitation d’EDF, pour la prochaine réunion de la CLI, du 4 avril prochain.

Et concernant la centrale de Fessenheim ?

Si Genève se sent menacée, que dire de Lyon, par exemple, qui ne se situe qu’à 30 kilomètres à vol d’oiseau (et de nuage radioactif en cas d’accident) de cette centrale ? Corinne Lepage imagine faire bouger les lignes et contraindre la France à remettre sur le devant de la scène la question de sa politique énergétique. C’est dans une bataille juridique âpre que l’ancienne ministre de l’Environnement, a bien décidé de se lancer avec la Suisse, pour « obtenir la fermeture » nette de la centrale du Bugey.

Une autre centrale française se trouve tout aussi régulièrement sous les feux des projecteurs. La fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (dans le Haut-Rhin), la plus ancienne en France et sans doute la plus vétuste, a été l’une des promesses de campagne du candidat PS François Hollande, avant son élection à la tête de l’Etat.

La toute nouvelle ministre du Logement, Emmanuelle Cosse, ancienne présidente d’EELV, a dû s’exprimer sur le cas alsacien lors de son passage au “Grand Jury” RTL-Le Figaro-LCI :

« Le calendrier, c’est celui que m’a répété à plusieurs reprises le président de la République, c’est 2016. Le président de la République s’est engagé à fermer Fessenheim d’ici la fin 2016. C’est ça, la date. »,

Si on lance le compteur maintenant, il ne reste plus beaucoup de temps aux autorités pour ne faire mentir ni la ministre, ni le président.

Une vidéo de France 3 régions sur la conférence de presse de Corinne Lepage ce lundi :

Centrale du Bugey: conférence de presse en Suisse


#centrale nucléaire du Bugey

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