Ce lundi, du haut du 27ème étage de la tour Oxygène dominant son centre commercial, le patron d’Unibail-Rodamco a présenté la « transformation du centre de shopping ».
Pendant une longue conférence de presse, accompagné du président de la Métropole de Lyon Gérard Collomb (PS), le propriétaire de la Part-Dieu a égrené les 80 nouvelles boutiques, les 3 200 sièges du nouveau cinéma, le toit transformé en parc.
Le « plus grand centre commercial de centre-ville » d’Europe va faire peau neuve à partir de 2017. Pour la modique somme d’ « au moins 300 millions d’euros » (lire notre article sur le projet Part-Dieu).
A une question sur ce qui était prévu pour les salariés, le président du directoire d’Unibail-Rodamco, Christophe Cuvillier a répondu :
« Pour l’instant, on n’en est pas encore là ».
Nous lui avons demandé de préciser sa pensée :
« Le centre commercial n’est pas une unité économique et sociale. Rue de la République, il n’y a pas de crèche ou de salle de repos pour les salariés des différentes enseignes. Mais si le code du travail évolue… »
En d’autres termes, tant que le code du travail n’obligera pas un centre commercial à s’occuper des salariés des différentes enseignes qui le composent, la direction d’Unibail-Rodamco n’améliorera pas directement les conditions de travail comme elle améliore les conditions de « shopping ».
Et la tendance actuelle de la réforme du code du travail ne va pas franchement dans le sens des salariés.
Rien n’est prévu pour la plupart des salariés aujourd’hui comme demain
La secrétaire du syndicat de site CGT Part-Dieu, Marie-Hélène Thomet, avait écrit à la direction pour demander que des améliorations des conditions de travail soient « intégrées » dans le projet de transformation du centre commercial.
Elle avait envoyé ce courrier en amont d’une nouvelle journée de grève, le 24 décembre.
Depuis plus plus de quatre ans, la CGT porte des revendications qui n’ont rien de particulièrement révolutionnaires mais constituent des demandes récurrentes des salariés.
En dehors des grandes enseignes comme la Fnac ou Carrefour qui ont des salles de repos, il manque cruellement de locaux pour les salariés :
- absence de restauration collective pour les salariés,
- absence de salle de repos pour ceux qui travaillent dans les petites enseignes,
- absence de structure de garde d’enfants,
- Mais une extension des horaires, notamment avec le développement du travail du dimanche.
Quant au stationnement, rien n’est prévu. Ce qui aboutit, selon la CGT à ce que certains payent « plus de 100 euros par mois pour ceux qui ne peuvent pas bénéficier de transports en commun ».
Cantine, crèche, salle de repos,… « ces nouvelles structures pourraient être intégrées dans les travaux prévus dans le centre commercial prenant ainsi en considération l’amélioration des conditions de travail des salariés », conclut le courrier envoyé à la direction du « centre de shopping » (comme l’appelle son propriétaire).
Salle de repos, crèche, parking… des questions jamais abordées
Comme il l’a déclaré lors de la conférence de presse, le président du directoire d’Unibail-Rodamco, Christophe Cuvillier connaît parfaitement ses demandes. D’autant plus qu’il a dirigé la Fnac Part-Dieu.
Il sait également que depuis que ces revendications sont portées, les directions successives de la Part-Dieu ont toujours refusé d’aborder le sujet.
La dernière réponse en date vient de Véronique Margerie, le 13 janvier dernier, dans un courrier en réponse à la CGT.
Elle ne parle pas de « salariés du centre » mais des « salariés des prestataires ou de chaque enseigne du centre commercial ». Grande nuance.
Pour les salariés des enseignes, elle rappelle que :
« Chaque société a pleinement la responsabilité de ses salariés, de l’organisation du travail et des conditions de travail de ses salariés ».
Une fois de plus, la direction du centre renvoie la responsabilité sociale aux enseignes qui le composent :
« La Direction du Centre Commercial de Lyon Part-Dieu, mandataire des copropriétaires, est garant de la sécurité de l’immeuble, de sa conservation et de la mise en œuvre des décisions prises par les copropriétaires et n’a nullement vocation à s’immiscer dans les relations de travail des salariés en employés par les commerçants ».
Cela s’appelle une fin de non recevoir. La secrétaire du syndicat de site CGT, Marie-Hélène Thomet, également déléguée syndicale de la Fnac, n’est pas surprise :
« Chacun se renvoie la balle. On nous dit que ce sont aux enseignes de gérer ces questions. Mais quand on va voir les managers des enseignes, ils nous répondent que c’est la direction du centre commercial qui s’occupe de ça. »
Et pourtant. Améliorer les conditions de travail ne serait pas un luxe.
Travailler au centre commercial se rapproche du BTP
Il y a quatre ans, nous faisions part d’une étude du cabinet Transformations Sociales, commandée par la CGT, financée par le Conseil Régional. Cette étude était la première enquête sur les conditions de travail dans un centre commercial français.
En terme de pénibilité, cette étude montrait notamment que travailler au centre commercial se rapprochait des métiers du BTP, la foule en plus.
Conséquence : un fort turnover et des problèmes de santé.
Alors que 82,7 % des salariés ont moins de 40 ans, ils déclaraient autant, voire davantage, de problèmes de santé que des salariés de 50 ans du secteur du commerce. Par exemple, 27 % ont des troubles du sommeil et 39% ont des douleurs qui les gênent dans le travail.
Quatre ans après, une nouvelle étude du cabinet Sécafi (toujours commandée par la CGT) affine le constat en portant la focale sur l’articulation vie professionnelle/vie privée.
Les temps partiels imposés par les enseignes s’ajoutent aux mauvaises conditions de travail liées au centre commercial.
Sur un échantillon de 105 salariés, il ressort que :
- 62% n’étaient pas satisfaits de leurs conditions de travail.
- Le temps partiel imposé représente 43% des personnes (19% de temps partiel).
- 47% déclaraient ne pas avoir de lieu de restauration ou de pause.
Seul point positif par rapport à 2011 : l’amélioration de l’hygiène. Selon la CGT, du fait de la dératisation coordonnée, toutes les enseignes traitent en même temps et, ainsi, ne se refilent plus les rats.
Bruno Bouvier, secrétaire régional de la CGT, en appelle à la Ville de Lyon et à la Métropole :
« C’est une question que doit se poser la puissance publique, dans le cadre de ses relations avec le centre commercial. Gratuité du parking pour les employés, crèches, salles de pause,… c’est la responsabilité de la puissance publique de l’imposer ».
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