La Part-Dieu est décrite comme le quartier de « gratte-ciel » de Lyon : son projet de rénovation est l’un des plus importants du plan de mandat de Gérard Collomb. Il devrait modifier le visage du territoire en profondeur avec la construction de nouveaux immeubles et de tours, avec le réaménagement de la gare et du centre commercial -très orienté vers les affaires et les bureaux. Certains craignent qu’il ne devienne un quartier de La Défense bis quand la Métropole de Lyon ambitionne d’en faire un quartier « à vivre ».
Gérard Collomb, président PS de la Métropole de Lyon, veut depuis plusieurs années sa skyline à la Part-Dieu. En juillet 2015, il redisait à l’un de nos lecteurs sa volonté intacte en la matière :
« Je souhaite une skyline avec des gratte-ciel qui se découpent dans le ciel, pas des tours qui s’amassent en un bloc compact. »
Autour de la tour du Crayon, construite dans les années 1970 s’élevant à près de 170 mètres, ont depuis poussé deux autres tours de bureaux : Oxygène, livrée en 2004 et InCity, 200 mètres de haut grâce à son mât inaugurée en 2015. Dans les cinq ans à venir la transformation du quartier devrait s’accélérer et sa hauteur grimper, du moins par endroit.
« Ce ne sera pas Manhattan »
A grand renfort de communication, Gérard Collomb annonce en effet depuis de longues années l’arrivée de nouvelles tours dans le quartier. Il y a quatre ans, au salon spécialisé du MIPIM à Cannes, Gérard Collomb avait annoncé en grandes pompes la construction de deux tours : la tour Eva, haute de 220 mètres (soit un peu plus que la tour InCity), à côté de l’actuelle tour du Crédit Suisse et celle de la tour Silex 2. Au risque peut-être de laisser croire que le quartier entier allait être progressivement constellé de gratte-ciel.
La « skyline », Gérard Collomb n’a eu de cesse d’en parler durant son second mandat. Et à chaque édition du Mipim ou presque, il annonce la construction d’une tour. Après la Tour Eva en 2011, il annonçait ainsi le projet Two Lyon en 2012, deux bâtiments mitoyens de bureaux et d’hôtellerie dont un immeuble de grande hauteur, à la sortie de la gare du côté sud de la place Béraudier.
« On a peut-être mal communiqué à ce moment-là et laissé s’installer l’idée d’un quartier de tours. Mais le projet ce n’est pas uniquement les tours », indique Ludovic Boyron, directeur de la SPL Lyon Part-Dieu (Société Publique Locale) qui porte le projet pour le compte de la collectivité.
Michel Le Faou, vice-président de la Métropole de Lyon en charge de l’urbanisme, parle lui de « redessiner l’image de Lyon avec quelques éléments hauts ». Plus que le nombre, c’est la densité à laquelle il dit être plus attentif pour l’harmonie du quartier mais aussi peut-être pour ne pas trop effrayer.
« Il n’y aura pas une multitude de tours, la Part-Dieu ne sera pas Manhattan. Il ne faut pas rapprocher les tours les unes des autres. De toute façon, il y a une limite de territoire. Ce qui est sûr c’est que d’ici 2030-2035, il y aura d’autres tours à la Part-Dieu. »
Mais pas tout de suite.
« Le débat public n’a pas lieu »
Il faut dire que pour les commissaires enquêteurs, qui ont étudié les modifications du PLU (plan local d’urbanisme) de la Métropole de Lyon et notamment le projet Part-Dieu, la collectivité n’a pas suffisamment informé sur ces projets de grande hauteur et a même semblé les « éviter opportunément ».
Ils estiment évidente la « non appropriation du projet par le public » et relèvent un « violent refus des nouvelles hauteurs proposées ». Les conclusions de leur enquête, que la Métropole n’est en rien contrainte de suivre, a d’ailleurs conclu à deux principales réserves sur :
- la construction de la tour Eva (appelée aujourd’hui Swiss Life) de 200 mètres de haut derrière l’actuelle tour du même nom
- une hauteur de 60 mètres autorisée sur le site Bonnel-Lafayette et sur le tènement de France Télévisions
Notant une « faiblesse du dispositif d’enquête publique », les enquêteurs nommés par le tribunal administratif estiment que :
« Le débat public sur les immeubles de grande hauteur doit avoir lieu ! Et ce débat ne peut se limiter aux seuls riverains, aux proches quartiers, à l’arrondissement, à la rive gauche – Villeurbanne compris, à la ville de Lyon. Il doit aussi concerner l’ensemble des habitants de l’agglomération (…) »
Les commissaires enquêteurs regrettent que la Métropole ait choisi une modification de son PLU plutôt qu’une révision, procédure plus lourde et plus longue. Les questions de la densité et des immeubles de grande hauteur nécessitaient selon eux davantage de concertation et « d’évaluation environnementale globale ». Si l’avis général à la modification du PLU et du point concernant la Part-Dieu demeure favorable, les commissaires estiment dans leur rapport ne pas avoir tous les moyens pour évaluer la conformité des modifications proposées avec les plans directeurs encadrant l’urbanisme de la Métropole.
Pour Ludovic Boyron, directeur de la SPL Lyon Part-Dieu, cet avis ne tient pas :
« Ils disent que le projet n’est pas conforme au SCOT (schéma de cohérence territoriale) et au PADD (projet d’aménagement et de développement durable), c’est faux. Et la question de la densité à la Part-Dieu est parfaitement assumée. Quant à l’absence supposée de concertation, depuis 2012 il n’y a pas eu trois mois d’affilée sans concertation ou enquête publique. On a par exemple écouté les habitants pour renoncer à un projet d’implantation de bureaux dans une copropriété ou revoir la hauteur d’un immeuble à la baisse, de 50 à 28 mètres, sur le secteur Cuirrassiers/Desaix.»
Objectif politique : « parler aux investisseurs »
Voulu notamment pour renforcer sa destination de quartier d’affaires, le projet Part-Dieu est constitué d’un ensemble de projets immobiliers privés tourné vers la construction de bureaux. La Part-Dieu est le deuxième quartier du genre en France derrière La Défense. Avec un peu plus d’1 million de m² de bureaux, l’objectif de la Métropole est de porter la surface à 1,7 million d’ici 2030. Avec un taux de vacance de bureaux relativement faible, autour de 5 %, la demande semble être là. Mais il faut que le marché puisse absorber tous les projets.
«Il faut que ça colle à un marché qui pour l’instant permet une tour tous les dix ans», estime Michel Le Faou.
Après les trompettes des annonces, quatre ans plus tard, seul le projet Two Lyon devrait sortir de terre d’ici 2020. La tour Eva, de plus de 200 mètres, est remise à plus tard. « Il n’y a pas de réalité économique à court terme », indique Ludovic Boyron. La tour Silex 2, malgré un permis de construire signé, attendra sa commercialisation avant d’être construite. La construction de l’immeuble Silex 1 a elle bien démarré mais n’a pas trouvé de locataires pour le moment.
« L’important c’est de dire aux investisseurs que si vous voulez construire des tours c’est possible », déclare Michel Le Faou.
Des bureaux, mais pour qui ?
Avec 2200 entreprises pour 56 000 emplois implantés actuellement sur le quartier de la Part-Dieu, la Métropole attend 40 000 emplois supplémentaires d’ici 2030. Du côté des maîtres d’œuvre on indique qu’on va « s’adapter à la demande ».
« La typologie des entreprises à la Part-Dieu ce sont pour 30 à 40 % des emplois des banques, des assurances et la finance au sens large et pour plus de 40 % des emplois dans l’ingénierie énergétique, numérique, dans les transports. Développer le tertiaire, c’est accueillir des grands groupes mais aussi des PME ou TPE qui ont besoin de petites surfaces qui veulent régulièrement monter en gamme », affirme Ludovic Boyron.
Une partie du travail de la SPL Lyon Part-Dieu qu’il dirige consiste notamment à mener une programmation immobilière. En d’autres termes, faire en sorte que les programmes immobiliers correspondent à la nature et au volume de la demande d’espaces des entreprises. Mais les constructeurs privés gardent le dernier mot.
« On aiguille, on indique s’il y a des trous dans la raquette, on dit qu’à tel endroit il vaut mieux avoir six clients à 1000 m² qu’un seul à 6000 ou 10 000 m². En général ils sont très réceptifs parce que c’est dans leur intérêt. Certains écoutent moins… », lâche le directeur de la SPL Lyon Part-Dieu, la société publique locale chargée de mener le projet pour la Métropole.
Le visage du quartier d’ici 2020
Fidèle à sa marque de fabrique, Gérard Collomb bâtit en faisant appel au privé. Le projet Part-Dieu, évalué à 2,5 milliards d’euros d’investissements sera ainsi financé à 60 % par le privé. Ils se matérialisent dans la construction d’immeubles de bureaux mais aussi de logements. Les futures surfaces de bureaux se situeront dans le cœur Part-Dieu, autour de la gare (projet Two Lyon), de la rue Bouchut (projets Silex 1 et Silex 2 notamment) mais aussi au sud du quartier avec le projet Sky 56 au niveau de l’avenue Félix Faure.
Au-delà du tertiaire, la volonté politique est également de développer les logements. Les surfaces réservées sont toutefois bien plus réduites que celles réservées aux bureaux et concentrées dans le secteur Cuirassiers et de la rue Desaix.
Rénovation de la gare Part-Dieu : le gros chantier public
Si l’offre de logements ne bousculera pas la destination tertiaire du quartier, la volonté politique affichée est aussi de faire de la Part-Dieu « un quartier à vivre » selon la communication officielle. Autour des futurs logements des équipements sont ainsi annoncés, avec notamment la construction d’une crèche. Le cahier des charges pour les promoteurs privés prévoit la présence au pied de certains immeubles de bureaux de commerces selon le principe dit du « socle actif ».
Mais le gros morceau de l’investissement public réside dans la rénovation de la Gare Part-Dieu et des espaces publics (voiries, place, stationnement et transports) autour d’elle. Pour fluidifier le flux de voyageurs d’une gare déjà saturée, le hall va être réaménagé. Actuellement positionnés sur les parties latérales, les boutiques et les guichets vont être repositionnés à chaque entrée de la gare, côté Vivier-Merle et Villette. L’entrée de la gare côté place Béraudier sera ainsi agrandie et gagnera du terrain sur la place.
Chargement des commentaires…