Pour cette 30ème édition, Rue89Lyon se demande ce qu’a apporté ce salon de « l’alter-écologie », comme il se fait appeler.
1. Primevère, un lieu de convergence des luttes écologistes
Demander à un écolo, ce que représente pour lui Primevère, c’est nécessairement recevoir la réponse : « Primevère est là pour faire du lien entre les acteurs de l’écologie ».
Pour un salon sur l’écologie, il vaudrait mieux.
La directrice de la Frapna Rhône, Frédérique Resche-Rigon, connait Primevère depuis les premières années :
« C’est un moment où l’on se voit, on se compte et où l’on échange ».
Immanquablement, mais de manière moins visible, les discussions ont donné des idées à ces militants.
Pour les organisateurs, Primevère « dynamise le tissu associatif, incite à la structuration, permet la rencontres entre associations et entre conférenciers ».
Comme exemple, on peut avancer le rassemblement des associations pour créer la Convergences des grands projets inutiles et imposés(GPII) qui s’est fait sur Primevère.
A l’initiative de l’association Sauvegarde des Coteaux du Lyonnais (SCL) qui lutte contre les projets autoroutiers, notamment la création de l’A45, le COL (contournement ouest de Lyon) et le raccordement A89/A6.
L’aboutissement le plus visible de cette « convergence » a été en juin 2014 un rassemblement « militant et festif » à Mornant.
2. Le rapprochement des alternatives et de la bio
« Primevère permet de conforter les acteurs dans leur volonté de changer les fonctionnements ».
C’est un des objectifs que se fixent les organisateurs du salon.
Dans les faits, ils se targuent d’avoir fait changer Artisans du Monde ou les Fab Labs qui viennent sur le salon.
Patricia Fridmann travaille à Primevère depuis la première édition. Elle en est devenu la coordinatrice. Elle raconte comment Primevère est devenu « aiguillon » :
« Dans la sélection de stand, il y a toujours une dimension sociale. Il y a une quinzaine d’années, le café d’Artisans du Monde était issu du commerce équitable mais pas bio. Nous, on a insisté pour que « le commerce équitable viennent à la bio et la bio au commerce équitable ». C’était un des grands thèmes du salon. Finalement, ils ont trouvé du café bio ».
De la même manière, les organisateurs ont fortement incité les exposants à changer leur pratique pour la vente de t-shirts.
Aujourd’hui, les organisateurs affirment qu’il n’y a plus aucun t-shirts vendus qui ne soient pas bio et équitables à quelques exceptions près.
Enfin, les imprimantes 3D présentes au salon utilisent (notamment celle de Chantier Libre – un FabLab de Roanne) du plastique végétal (à base d’amidon) dit PLA.
3. L’écologie par la lorgnette des enfants
« C’est un salon dans le salon ».
Primevère est le seul salon du genre qui accueille autant d’enfants (environs 1 500 sur les 3 jours) dans un espace dédié qui n’est pas une garderie.
Historiquement, les animateurs étaient des militants des Verts venus d’Ardèche.
Aujourd’hui, on compte une trentaine d’intervenants à l’espace enfants.
Notamment l’association du Larzac EnVies-EnJeux qui travaille sur la communication non-violente et le développement de « pratiques coopératives ».
4. OGM, nanotechnologies et… transhumanisme
Au coeur du salon, il y a les conférences. Et Primevère veut être à la pointe de la réflexion sur l’écologie. Avec plus ou moins de succès.
Le salon a permis de faire découvrir des thématiques inconnus du grand public.
Primevère a invité Arnaud Apoteker en 1992, le premier à parler des OGM.
A l’époque, on ne disais d’ailleurs pas OGM mais organismes génétiquement modifiés, sans l’abréviation.
Venu de Greenpeace, passé chez les Verts, Arnaud Apoteker est aujourd’hui le coordinateur du « Tribunal international Monsanto » qui « jugera » symboliquement la multinationale à La Haye, en octobre 2016.
Il en parlera à la 30ème édition de Primevère.
Autre exemple : il y a une dizaine d’années, Primevère a invité la « Fondation Science citoyenne » pour expliquer comment le débat citoyen n’avait pas eu lieu sur les nanotechnologies alors qu’on ne parlait pas encore de ce sujet.
Mais parfois, à vouloir programmer des conférences « pionnières dans les réflexions », la polémique devance le débat.
Cette année 2016, une conférence « Technoprogressisme et dignité humaine » devait avoir lieu avec un partisan du transhumanisme, Didier Coeurnelle, juriste, auteur et porte-parole de l’Association Française Transhumaniste Technoprog.
Mais sous la pression de militants dont les Grenoblois de « Pièces et Main d’Oeuvre » (PMO), les organisateurs ont préféré annulée la conférence pour la reporter à l’année prochaine.
PMO reprochait aux organisateurs d’inviter un partisan de « l’homme augmenté par la technologie » alors qu’on n’invite pas Monsanto pour parler d’OGM.
La coordinatrice du salon reconnaît des erreurs :
« Jusqu’à cette annulation décidé deux jours avant l’ouverture du salon, on n’avait trouvé personne pour débattre à la tribune. Ça veut dire qu’il faut poser la question différemment, sans émotionnel ».
5. Pierre Rabhi et les autres
Qui dit conférences dit conférenciers. Primevère a joué le rôle de découvreurs de talents ou, plus justement, de futures personnalités de l’écologie.
Primevère a invité Pierre Rabhi. Aujourd’hui, à la tête du mouvement Colibri, il est ultra-sollicités par les médias (Rue89 entre autres). Mais à cette époque, il n’était presque connu que de son cercle proche, autour de son association « Terre et humanisme ».
Outre Pierre Rabhi, le salon a convié l’actuelle députée européenne écolo Michèle Rivasi dès la création de la Criirad en 1987 ou encore l’ethno-botaniste Jean-Marie Pelt.
D’autres penseurs, inconnus du grand public, ce sont fait connaître du milieu écologiste à l’occasion de Primevère qui a porté ces personnalités.
On pense à Charles Rojzman en 1999, le père de la « la thérapie sociale » qui a fait une conférence sur violences de la société française et qui revient cette année sur le thème d’« une urgence de la réconciliation de la société française ». Ou encore François Terrasson qui ne voulait pas « mettre la nature en boîte » et prônait une « éco-psychologie » pour découvrir les « causes de la haine ou de la peur de la nature ».
6. Contre le nucléaire, les premiers pas du solaire et de l’éolien
Pour comprendre la dynamique autour de Primevère, il faut remonter à la fin des années 70 et aux luttes contre les centrales nucléaires. En Rhône-Alpes, c’est la lutte pour le démantèlement de Superphénix à Creys-Malville, le long du Rhône, à 30 km de la centrale du Bugey.
La mobilisation a duré jusqu’au début des années 90 et l’arrêt définitif de la centrale. Le reportage ci-dessous montre une des manifestations en 1992.
Marc Jedliczka (maintenant directeur d’Hespul) a présenté pour la première fois « la centrale Phébus » à Primevère en 1990. Premier pas vers la production d’énergies solaire reliée au réseau EDF.
L’installation photovoltaïque a été fixée devant la Halle Tony Garnier où se déroulait le salon. Patricia Fridmann se souvient :
« C’était la première centrale photovoltaïque reliée au réseau EDF. Du coup, le compteur tournait à l’envers car on injectait du courant plutôt que d’en consommer. »
Testé à Primevère en février, la centrale photovoltaïque a été installée au printemps chez un particulier à Creys-Malville.
« On voulait montrer que les alternatives au nucléaire étaient crédibles. »
Dans la foulée, une pale d’éolienne a été présentée en 1994, à la suite de la première éolienne installée en France, à Dunkerque.
7. Electrosensibles et les alertes sur la santé environnementale
Primevère se veut le lieu de rencontre des lanceurs d’alerte sur la santé.
Le thème des ondes de téléphones portables et Wifi a été abordé en 1994 avec le professeur de l’Insa de Lyon Roger Santini.
Cette année encore ce thème fera l’objet d’une conférence.
En 1998, c’est le docteur Jean Melet qui alertait sur la problématique du mercure dans les amalgames dentaires.
La coordinatrice du salon, Patricia Fridmann, commente :
« On est plein de métaux lourds. L’un des endroits les plus pollués en ville, ce sont les cimetières. C’est grâce à des personnalités, comme Jean Melet, qui nous avertissaient de ces dangers, que le cancer environnemental est reconnu ».
8. Le bio local et les transports
En 1999, le thème dominant du salon était l’alimentation.
Après la création du logo AB, les labels privés comme Nature et Progrès et Demeter se sont rendus compte qu’il pourrait y avoir une agriculture biologique à deux vitesses. Primevère s’est ainsi lancé dans le « bio local » autrement appelé aujourd’hui « circuits courts ».
« On a soutenu tout de suite cette démarche, explique Patricia Fridmann. Pour nous le bio doit être local et équitable »
C’est la manière de Primevère de s’attaquer à la question de l’impact du transport, sans se limiter à la question du « développement du vélo en ville ».
La gageure est d’être à l’affût de toutes « les initiatives nouvelles ».
Primevère a ainsi présenté le premier bus au gaz naturel en 1998. Un bus de la municipalité de Colmar.
De manière plus anecdotique présente le vélomnibus. Une sorte de voiture constituée plusieurs vélos. Voir la photo ci-dessous prise lors du lancement du programme le 13 février dernier.
9. Éthique et cohérence dans l’organisation du salon
Sensibiliser fortement les exposants à utiliser tel ou tel produit oblige à une certaine cohérence dans l’organisation d’un événement écolo qui accueille plusieurs milliers de personnes sur trois jours.
En 2006, avec d’autres salons écolos français, l’association Primevère a signé une charte inter-salon.
Elle impose des modes d’organisations tels que : le compostage, l’interdiction des bouteilles d’eau, l’utilisation de la vaisselle non jetable, une cantine bio locale.
Et, depuis 15 ans, Primevère distribue des sacs en coton bio équitable pour éviter les sacs plastiques.
Par ailleurs, Primevère veut être une référence en terme de sélection d’exposants.
L’AG de l’association permet d’analyser en profondeur les critères de sélection.
Pour chaque secteur, les critères sont différents. Par exemple, pour une association de yoga, les critères ne sont pas les mêmes que pour l’agriculture bio.
Les exposants payent leur emplacement selon la grille « Minga » du commerce équitable.
« On nous prenait pour des fous quand on a mis ça en place, raconte Patricia Fridmann. Mais ça dure depuis cinq ans. »
Chaque année en AG, un thème est plus particulièrement débattu. Cette année, doit-on prendre le recyclé. Réponse : non. Et pour justification :
« Ça contribue à la promotion des produits industriels polluants ».
Et la coordinatrice du salon d’affirmer :
« Il y a la recherche d’une cohérence globale ».
10. Naissance de la presse alternative
Lieu de débats et de rencontre, Primevère s’est naturellement appuyé sur la presse alternative écolo pour faire sa com’.
Ce qui a permis de soutenir ces titres, avec la publication de numéros spéciaux qui présentaient le programme du salon, dans les revues comme :
- La Garance voyageuse
- Observez
- Nature et Progrès
A Primevère, ont également été diffusés plusieurs numéro zéro de revues :
- La Maison écologique, bimestriel depuis février 2001, est devenu le magazine sur le sujet de la construction écolo.
- Le journal papier Reporterre lancé en 1989 par Hervé Kempf et une équipe avant d’être relancé par le même en 2007 mais uniquement sur Internet.Kaizen, « bon changement » en japonais, est présenté comme un magazine « 100% alternatif » qui « Donne la parole aux initiatives pionnières ».
- Le mensuel, L’Age de Faire, créé en 2005, entend témoigner « des expériences alternatives en matière de réappropriation de l’économie, de création de lien social, d’écologie et d’engagement citoyen ».
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