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Roms à Lyon : les expulsions au bout du programme d’insertion

Ce mardi matin, les trois principaux bidonvilles de la Métropole de Lyon ont été évacués sur décision du préfet du Rhône.


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Une soixantaine de Roms de Roumanie vivent depuis octobre 2014 dans ce bidonville. ©LB/Rue89Lyon

C’est l’aboutissement, un peu inattendu, d’un nouveau programme d’insertion lancé en octobre dernier.

Une soixantaine de Roms de Roumanie vivaient depuis octobre 2014 dans ce bidonville de Saint-Priest. ©LB/Rue89Lyon

Comme d’habitude en matière d’évacuation de campements de Roms, les forces de l’ordre sont intervenues tôt ce mardi matin. Chose nouvelle, la police a agi simultanément dans trois bidonvilles : à Vaulx-en-Velin (rue Jacquard), à Saint-Priest (rue du Dauphinée) et à Villeurbanne (la Feyssine).

Surtout, les policiers en nombre étaient accompagnés d’agents de la Direction de la cohésion sociale (DDCS) chargés de proposer des hébergements d’urgence à tous les occupants qui vivaient encore dans les maisons de fortune.

Ce n’était pas l’habitude des précédentes expulsions de squats ou bidonvilles qui laissaient leurs occupants sur les trottoirs.

Le préfet du Rhône, Michel Delpuech, ne voulait pas rater cette opération et son aspect « humain » (selon ses propres mots). Mardi en début d’après-midi, il tenait même un point presse exceptionnel pour s’expliquer :

« Sur ces trois sites nous avons recensé environ 400 personnes qui vivaient dans des conditions de salubrité déplorables. J’ai voulu mettre fin à ces situations indignes de la République. (…) On l’a fait en marchant sur deux pieds : humanité et fermeté ».

En d’autres termes, après son prédécesseur Jean-François Carenco et son programme Andatu, le préfet a voulu lancé un nouveau programme d’insertion qui concerne seulement ces trois bidonvilles pour les vider de ses habitants avant de les raser.

« Humanité et fermeté »

Dans l’idée du préfet, côté « humanité », c’est donc le lancement du programme « village d’insertion » pour les familles avec enfants. Un projet baptisé I2E (que nous avions raconté en octobre dernier).

Malgré l’opposition des habitants de l’ouest lyonnais, le premier village de bungalows a accueilli 16 familles à Saint-Genis-les-Ollières la veille de Noël.

Début janvier, ce sont 7 familles qui se sont installées dans des bungalows sur un autre site à Saint-Priest.

Pour être sélectionné, il fallait « ne pas être connus défavorablement des services de police » et s’engager « à ne plus mendier ».

Au terme d’un diagnostic social mené par l’association lyonnaise Alpil, 145 personnes (adultes et enfants) ont été retenues et vont vivre sur les deux sites retenus. Pour l’instant, on compte 110 personnes, toutes issues des trois bidonvilles.

Il faut également ajouter six familles (soit 25 personnes) dont l’hébergement est pris en charge par les mairies de Vaulx-en-Velin et Villeurbanne car, selon la préfecture, leur « insertion était plus avancée ».

 

Quatre personnes placées au centre de rétention de Lyon

Pour les autres, c’est le volet « fermeté » qui tombe. Le préfet a d’abord demandé, comme c’est l’habitude, à la police de distribuer les obligations de quitter le territoire français (OQTF).

Depuis le mois de septembre 110 OQTF ont été notifiées dont 25 ce mardi, jour des trois évacuations. Quatre personnes ont été arrêtées puis conduites au centre de rétention de l’aéroport Lyon-Saint-Exupéry.

Le message de fond est toujours celui tenu par Manuel Valls : les Roms ont vocation à vivre en Roumanie. Autrement dit, par le préfet du Rhône :

« La vraie réponse pour les Roms est en Roumanie ».

Mais la situation administrative est confuse. Dans la majorité des cas, les OQTF sont rédigées avec comme motif l’« absence de ressources ». Ce qui est le cas de la majorité des Roms de ces bidonvilles. Certaines familles qui sont arrivées en décembre à Saint-Genis-les-Ollières avaient d’ailleurs reçues elles aussi des OQTF.

250 personnes hébergées « temporairement »

Ce matin les forces de l’ordre ont recensé encore 233 personnes sur les trois bidonvilles (dont 164 à Vaulx-en-Velin).

Mises à part les 4 personnes placées en rétention, les autres ont toutes reçu une proposition d’hébergement, certaines en même temps que leur OQTF. Elles seront hébergées pour la plupart à l’hôtel ou dans une ancienne caserne de pompiers ouverte pour le plan froid.

Alors que ce plan froid est déjà saturé à Lyon (environ 1500 personnes était sans solution d’hébergement fin décembre), la préfecture a donc réussi à trouver des solutions d’hébergement.

Mais ce n’est que « temporaire », insiste le préfet, sans préciser le nombre de jours. Cela dépendra du temps nécessaire pour les faire partir de Lyon, peut-on déduire des propos de Michel Delpuech :

« Ces personnes sont mises à l’abri de façon temporaire. Leur vocation est de rentrer en Roumanie ».

Conclusion : ces familles hébergées à partir de mardi soir vont devoir rentrer de gré ou de force en Roumanie. Le préfet envisage même un « transport collectif ».

« Si quelqu’un a la solution, présentez le moi ! »

Les associatifs qui soutiennent les Roms sont partagés sur la politique du préfet.

Certains mettent en avant le programme d’insertion et le fait que pour la première fois un préfet du Rhône procède à des expulsions en proposant de reloger tout le monde. Gilberte Renard de l’association CLASSES (scolarisation des enfants des squats) :

« Le préfet respecte la circulaire en proposant un relogement. C’est bien. Mais ce n’est que temporaire. Que va-t-il se passer pour eux dans quelques jours ? »

D’autres soulignent l’inutilité d’expulser les Roms du territoire, à l’image du Mrap, dans un communiqué délivré ce mardi en fin d’après-midi :

« La délivrance d’OQTF à des citoyens de l’Union Européenne n’a absolument aucun sens étant donné qu’ils bénéficient de la libre-circulation et peuvent revenir quelques jours plus tard sur le territoire français. (…) Si cette opération n’était finalement que de la poudre aux yeux et ne devait consister qu’à héberger quelques nuits les familles, les bidonvilles se reconstitueront et tout ceci n’aura servi absolument à rien si ce n’est à dépenser inutilement encore un plus d’argent public. »

Questionné à ce sujet, le préfet a retourné la question :

« Si quelqu’un a la solution, présentez le moi ! »


#Michel Delpuech

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