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Un Grand stade de l’OL hyper-connecté, c’est « fuck WiFi, support the team » ?

En janvier prochain, l’Olympique Lyonnais inaugurera son « stade des Lumières ». Le club le présente comme une structure hyper-connectée.

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Le Groupama Stadium en construction

Des services seront proposés à travers notamment une application smartphone, qui devient alors quasi indispensable. C’est tout un business développé autour du digital qui pose question en termes d’expérience de spectacle ou encore de protection des données personnelles.

En octobre 2015 les sièges étaient posés sur une moitié des tribunes du stade environ. © BE pour Rue89Lyon

L’Olympique Lyonnais, par la voix de son président Jean-Michel Aulas, vante depuis longtemps la modernité de son futur stade. Un stade « 100% connecté » où il sera possible de tout faire à distance, depuis son siège, dans les tribunes. De son billet de match à son sandwich de mi-temps en passant par l’achat d’un produit dans l’une des boutiques du club.

A tel point qu’on se demande s’il sera possible d’aller voir un match de l’OL à Décines si on n’a pas de smartphone. La réponse est, malgré tout, oui. C’est  David Banget, responsable de la stratégie digitale de l’Olympique Lyonnais, qui le dit :

« On pourra venir au stade avec son billet classique mais on ne vivra pas l’expérience de la même façon ».

Du Wifi en complément de la 4G

Le futur stade affichera une capacité d’accueil de 59000 places environ. Plus grand et forcément plus moderne que l’actuel stade de Gerland (40000 places), il est censé devenir un levier de revenus supplémentaires pour le club, à travers sa connectivité et ses services digitaux. Pour cela, il faut donc pouvoir assurer une connexion aux presque 60000 personnes assises en tribune.

Les stades comme les autres lieux de grands rassemblements posent de gros problèmes de connexion réseau les soirs de match. Difficile de se connecter à internet ou même parfois de passer ou recevoir appels et textos.

A l’image de grands stades de foot européen (Madrid, Liverpool, Manchester City ou Barcelone), l’OL entend donc apporter une connexion Wifi en complément de la 4G. Mais il n’y en aura pas pour tout le monde, 25000 connexions simultanées sont promises, au mieux (soit la moitié du stade environ).

« On a regardé notamment du côté des stades américains et on voit qu’environ un tiers du public se connecte en Wifi », explique David Banget.

Il explique que le club va équiper de « 800 bornes Wifi haute densité » son nouveau stade. La connexion Wifi ne doit pas surcharger le réseau mobile et doit permettre notamment de mieux assurer la diffusion des flux vidéos sur les smartphones des spectateurs.

Des antennes spécifiques pour le réseau cellulaire seront également installées. Mais « ça ne sera pas tout à fait prêt pour les premiers matchs », indique-t-on au club.

« Mon concurrent ? Canal + ou beIN sports »

L’application mobile, réalisée par Microsoft, constitue un élément central dans la stratégie du club. Elle permettra de gérer depuis son smartphone la billetterie (place de match et éventuelle contre marque transport) et d’avoir sous la main de nombreux flux vidéos, uniquement accessibles en Wifi.

Ces vidéos seront proposées en live avec des angles de caméra différents pour revoir des actions ou des moments clés du match ou en VOD pour des séquences de match et une option multicam. Des statistiques sur le match seront également proposées via l’application.

En septembre dernier, Xavier Pierrot, stadium manager de l’OL, affirmait dans le journal l’Equipe en septembre 2015 que :

« En termes de services aux consommateurs, mon concurrent ne s’appelle pas l’OM, Saint-Etienne ou le PSG mais plutôt Canal+ et beIN sports ».

Aujourd’hui, il en sourit.

« Tout le monde me reparle de cette phrase. »

Et précise son point de vue. Regarder un match devant sa télévision coûte moins cher que venir au stade et offre des services en plus, y compris « dans la zone de chalandise ».

« Le match en live doit être complémentaire. Si les gens paient c’est pour avoir mieux. Chez lui, le spectateur a chaud, peut boire et manger facilement et il a des sanitaires propres. Au stade il doit pouvoir accéder facilement et en sécurité au match. »

Et d’ajouter :

« Et consommer facilement. »

Et donc davantage que dans l’ancien stade. David Banget parle lui de « reproduire l’expérience de la télévision ».

L’application permettra également de précommander depuis sa place et d’aller chercher son sandwich dans une buvette à la mi-temps ou un produit dans une boutique.

Et voir le match dans tout ça ?

Avec toutes ces possibilités « connectées » et cette concurrence avec les diffuseurs des matches, on en oublierait presque qu’un des avantages du stade est de venir vivre le match en direct. En vrai.

« L’idée ce n’est pas non plus d’être devant son téléphone tout le temps », assure le directeur du digital de l’OL.

Même si vous êtes équipés d’un smartphone, rien ne vous oblige en effet à utiliser les fonctionnalités de l’application et de répondre aux sollicitations. Elle se veut donc une offre complémentaire, pour ceux qui souhaitent ou acceptent une logique de « deuxième écran ».

Ailleurs en Europe, ce n’est pas toujours le cas. Ou alors certains supporters ne le voient pas d’un bon oeil. Ainsi, en 2014, l’arrivée du WiFi gratuit dans le stade du PSV Eindhoven aux Pays-Bas avait suscité le rejet de certains de ses fans. Avec une banderole « Fuck WiFi, support the team », les fans en question dénonçaient ce qui représentait pour eux un « embourgeoisement » des tribunes.

Si le spectateur reste le nez collé à son smartphone, il ne supporte plus l’équipe et devient le simple spectateur d’un spectacle.

Avec le Grand Stade, l’OL et Jean-Michel Aulas adoptent en partie un modèle économique mis en place autour de nouvelles enceintes comme celles de l’Emirates Stadium d’Arsenal ou celle de Manchester City. Des stades flambants neufs, connectés et où il y a « plus de places VIP et davantage de places plus chères ». Au prix d’un public moins populaire ? Difficile à dire pour l’heure.

Xavier Pierrot ne veut pas y croire.

« Un stade c’est une ville. On ne va pas imposer une façon de vivre le match. Si le spectateur veut être debout dans un kop il peut, s’il veut rester à la buvette il peut, s’il veut être en loge il peut. Chacun vit son match comme il veut. Il n’y a pas qu’une façon. Certains ne comprennent pas qu’un mec dans un virage chante dans un micro dos au terrain tout le match. »

Objectif : optimiser le revenu par siège

Dans le futur stade, il ne sera pas possible de payer en espèces. Aucun argent liquide ne circulera. Seuls les paiements en carte bancaire ou au moyen d’une carte « cashless » mise en circulation par le club seront acceptés. Cette dernière, sous la forme d’une carte RFID, pourra être créditée via l’application, le site web, aux caisses ou via des hôtesses présentes dans le stade.

La dématérialisation des paiements doit être un argument marketing pour « fidéliser le public ».

« On veut inciter à consommer via la carte RFID. On va mettre en place un programme de fidélité qui récompensera les comportements et les achats via cette carte », explique David Banget.

Avec ces nouveaux services et moyens de paiement, il est aussi question selon le club de « nouvelle expérience » et de « fluidifier la circulation ou l’attente » dans le stade. C’est aussi un produit d’appel pour développer un business.

« Nous avons une volonté d’optimisation du revenu par siège, affirme David Banget. On va pousser de moins en moins l’abonnement mais plutôt dire ‘Venez au stade découvrir les nouveaux services’ ».

L’application mobile permet également, en plus du dispositif d’écrans répartis dans les coursives et les loges du stade, d’apporter une visibilité supplémentaire et plus directe au « namer » du Grand Stade et d’autres partenaires du club. C’est aussi un outil commercial plus intrusif.

« En matière de push, on aura une politique très peu agressive, assure le directeur de la politique digitale du club. Trois ou quatre pendant la journée du match maximum, qui pourront être des push serviciels. Un ou deux push sur le merchandising pour dire d’aller à la boutique parce qu’il y a -15% sur le maillot de Valbuena. »

Si elle ne sera pas indispensable pour accéder et évoluer dans le stade, le club va « inciter à la télécharger ».

Plus globalement, le club entend développer un business model autour de tous les écrans, pas simplement les smartphones.

330 écrans IPTV seront disséminés dans le stade. Dans les coursives, aux buvettes ou dans les loges pour les VIP. Comment ? A travers de la publicité ciblée diffusée sur ces écrans.

« On aura des statistiques d’audience selon les flux et selon les endroits pour commercialiser ces espaces », indique David Banget.

Xavier Pierrot, stadium manager, indiquait dans l’Equipe :

« Coca Cola n’a pas forcément envie de communiquer dans les loges et peut-être que Hyundai (actuel sponsor maillot de l’OL, ndlr) aura envie de passer un message sur son dernier véhicule haut de gamme à l’intérieur des loges ».

« Ce n’est pas que pour le business »

Dans son nouveau stade, l’OL veut également développer l’interactivité avec son public grâce au digital. Un moment est particulièrement ciblé : la mi-temps des matchs. Aujourd’hui, à Lyon comme dans beaucoup d’autres stades de foot en France, l’animation à la pause des rencontres se résume souvent au challenge Orange. Des jeunes de clubs de foot de la région s’affrontent amicalement sur la pelouse lors d’une sorte de séance de tirs au but où les joueurs de chaque équipe partent du centre du terrain.

Pour Décines, l’OL dit travailler « le gaming ». Le club réfléchit à mettre en place des concours de selfie, des tirages au sort et d’autres animations en lien notamment avec les réseaux sociaux pour occuper la mi-temps. A travers un socialwall par exemple, possiblement en direct, au milieu duquel « s’intercaleraient des jeux et des votes comme le meilleur joueur du match ».

Le souci affiché concernant l’amélioration de la connexion mobile dans et autour de l’enceinte est donc lié à une volonté de diffusion de l’événement via les spectateurs.

Un argument utilisé également par plus modestes et irréductibles. Le FC United of Manchester, club amateur fondé en 2005 par des supporters du grand Manchester United opposés au rachat du club par l’américain Glazer, a annoncé le printemps dernier l’introduction du WiFi gratuit dans son nouveau stade, le Broadhurst Park.

Le grand stade n’accueillera d’ailleurs pas que les matchs de l’OL mais également d’autres rencontres sportives (les deux finales de coupe d’europe de rugby sont ainsi programmées au mois de mai prochain), des concerts et d’autres évènements.

« C’est pour ça que la mise en place du WiFi, par exemple, ce n’est pas que pour le business. Déjà, ça coûte cher à mettre en place. C’est aussi pour que le public puisse communiquer, pour permettre de faire rayonner l’événement », estime David Banget.

« Une logique de big data, nouvelle pour nous »

Un réseau Wifi qui permet également d’obtenir des données intéressantes : le type d’appareils utilisés par les spectateurs ou encore les flux regardés. Un moyen d’adapter les services mais aussi de mieux adapter le marketing.

Ces produits génèreront un volume de données très important sur le public, pour le club.

Par ailleurs, développée par Exakis en partenariat avec Microsoft, l’application fournira-t-elle à la firme américaine vos goûts en matière de sandwich, de bière, de moyen de transport et d’autres données personnelles ?

« On a une plateforme à disposition hébergée chez Microsoft mais la banque de données est chez nous », affirme-t-on au club.

Plus globalement, avec de tels dispositifs autour de l’application mobile ou de la dématérialisation des paiements, le club entre dans « une logique de big data ». « Qui est nouvelle pour l’OL », selon David Banget.


#Décines

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Photo : Pierre Maier/Rue89Lyon

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