Le sujet concerne pourtant le quotidien de plusieurs dizaines de milliers d’habitants d’Auvergne Rhône-Alpes.
Dans un communiqué du 24 novembre dernier, l’association UFC-Que Choisir tirait une nouvelle fois la sonnette d’alarme, au sujet de trains de plus en plus en retard :
« Sur les dix premiers mois de l’année, l’analyse des données officielles de la SNCF permet de mettre en évidence un taux de ponctualité de seulement 87,4 % sur les TER rhônalpins. Cette piètre performance place notre région au 15ème rang français.
Cela ne s’arrête pas là :
Pire, malgré les investissements publics colossaux de la dernière décennie pour améliorer la situation, la performance s’est encore dégradée par rapport à 2014, où 88,3 % des trains avaient été ponctuels dans notre région. »
Fort de ce constat (qu’aucune liste de ces élections régionales ne conteste) UFC-Que Choisir appelait « les candidats aux régionales à s’engager précisément sur les modalités d’amélioration concrète de la qualité dans les transports régionaux ».
Il faut dire que les propositions des principales listes ne sont pas à la hauteur des enjeux.
1. Jean-Jack Queyranne fait profil bas
L’actuel président PS de Rhône-Alpes n’a pas le bilan facile et fait profil bas, contrairement à la campagne de 2010 où il mettait volontiers le thème des trains régionaux en tête de gondole.
C’était une autre époque. La Région venait d’achever le cadencement des lignes qui avait permis d’assurer une fréquence à la demi-heure voire au quart d’heure pour certaines lignes et d’augmenter ainsi l’offre de 15 %.
Rhône-Alpes était la première région de France à le faire et les 630 millions d’euros (un quart de son budget 2014 de fonctionnement) dépensés se voyaient.
Aujourd’hui, le programme de Jean-Jack Queyranne est obligé de reconnaître de graves problèmes de « service » aux usagers alors même que la Région est l’autorité organisatrice des TER et que la SNCF est censée se plier aux directives de l’exécutif régional :
« C’est le niveau de service réalisé par la SNCF qui est pointé du doigt : retards, incidents, absence d’informations, constituent trop souvent le lot quotidien des usagers. »
Et de dénoncer :
« Une vision [de la SNCF] où le marketing commercial s’éloigne des attentes des usagers du quotidien ».
Lors du débat organisé par les radios France Bleu, le président sortant de Rhône-Alpes annonce qu’il a engagé le « bras de fer » avec la SNCF pour les contraindre à davantage de ponctualité.
En effet, la Région a refusé de signer une nouvelle « convention d’exploitation » qui prévoyait, à budget constant, de supprimer un tiers des trains pour améliorer cette ponctualité. La finalisation de la négociation a été repoussée à l’après élections, en 2016.
Mais rien dans le programme ne nous permet de comprendre comment les socialistes, s’ils sont réélus, vont emporter ce fameux « bras de fer ». L’heure est aux bonnes paroles :
« Nous porterons une ambition forte sur l’amélioration de la qualité du service et les informations que les usagers sont en droit d’attendre ».
Pour montrer qu’ils ont les moyens de faire plier la SNCF, les socialistes mettent en avant la « garantie voyageur » qui a déjà été obtenu et qui va être mise en place en 2016. Ce dispositif est censé permettre aux usagers de se faire rembourser en cas de retard mais dans certaines conditions restrictives.
Comme nous l’expliquions dans un précédent article, la Région mise tout sur le noeud ferroviaire lyonnais qui est la grande priorité du Contrat de plan Etat-Région (CPER) qui vient d’être signé pour la période 2015-2020.
L’Etat et la Région ont convenu d’investir 421 millions d’euros pour décongestionner ce carrefour ferroviaire qu’est Lyon et la gare Part-Dieu en particulier. Cet argent servira à augmenter la capacité de la Part-Dieu en ajoutant des voies.
Eliane Giraud, vice-présidente en charge des transports :
« Ce qui bloque dans la région lyonnaise, c’est un réseau surchargé. Si un train a des problèmes, ça entraine un retard sur toute la ligne voire sur d’autres lignes ».
2. La sécurité plus que la ponctualité chez Laurent Wauquiez
Une fois de plus, le chef de file Les Républicains n’a pas fait dans la demi-mesure pour évoquer la question des trains régionaux. Pour lui, la priorité concerne la sécurité.
Et pour noircir le tableau, il a cité des chiffres de délinquance qui lui ont assuré un coup médiatique avant d’être contestés par son adversaire socialiste.
Dans une lettre adressée en septembre au Premier ministre, Laurent Wauquiez écrit :
« Les agressions et outrages aux agents de la SNCF ont plus que triplé en sept ans et il y a eu en 2013 plus de 7.600 actes de délinquance dans (les) trains » en Rhône-Alpes »
Et de demander la création d’une police des transports pour le réseau » ferroviaire, « sur le modèle de la sous-direction régionale de la police des transports d’Île-de-France ».
Comme le soulignait 20minutes, les chiffres de la préfecture du Rhône, en 2013 font état de « 853 infractions » constatées sur le réseau TER rhônalpin, dont 450 faits contre des personnes.
Les 7 600 faits concernent la zone de la zone de Défense Sud-Est. Du côté de Laurent Wauquiez, il faut d’abord faire peur quitte à prendre quelques libertés avec la réalité, pour imposer la sécurité avant la ponctualité.
Avant cela, le chef de file de la droite et du centre avait fait un autre coup de com’ en empruntant la ligne Lyon-Ambérieu, récemment rénovée.
Cela a été l’occasion de dérouler ses propositions pour les TER qui se décline en deux objectifs (outre la question de la délinquance) :
- revenir dans la première moitié des régions en termes de ponctualité
- remettre partout des rames modernes et confortables
Mais Laurent Wauquiez n’explique pas comment il va s’y prendre pour contraindre la SNCF qui a tendance à se désengager, ni comment il va financer cela.
D’autant qu’il a annoncé, lors du débat de France Bleu, qu’il faut « investir sur les points noirs ». C’est ce qu’avance Jean-Jack Queyranne, puisque le principal point noir concerne le noeud ferroviaire lyonnais.
Autre point de convergence avec les socialistes, la renégociation de la convention avec la SNCF, comme le maire de Pierre-Bénite, Jérôme Moroge, le déclarait lors du débat de TLM (de 18’ à 32’ pour la partie sur les transports).
3. Le FN veut hâter la concurrence permise par Bruxelles
Pour contraindre la SNCF de mettre les moyens pour faire circuler ses trains à l’heure, Christophe Boudot du FN croit tenir la solution : l’Union européenne et l’ouverture à la concurrence pour le marché domestique des transports de voyageurs.
« Le FN préconise d’utiliser cette période pour étudier la viabilité de l’ouverture à la concurrence de l’activité TER. Cette ouverture à la concurrence est autorisée par l’Europe et appliquée déjà en Allemagne, Italie, Espagne, Grande-Bretagne avec des gains allant jusqu’à 30 %. »
Problème, l’ouverture à la concurrence inscrite dans une directive européenne a été repoussée par le gouvernement français à 2019, date buttoir fixée par l’Union européenne. Cette Europe honnie par le parti d’extrême droite devient, ici, le remède à tous les maux.
Mais lors du débat sur France Bleu, Christophe Boudot a préféré mettre en avant une autre proposition : donner une partie du budget (3 millions d’euros) aux usagers pour les dédommager du mauvais service.
Enfin, le FN qui a fait de la lutte contre l’immigration son sujet numéro 1 pour ces régionales n’a pas pu s’empêcher de glisser des mesures pour « limiter le nombre de possibilités de réduction des tarifs ». Cela concerne les étrangers : demandeurs d’asile et les bénéficiaires de l’Aide médicale d’Etat (AME). Même si le programme frontiste en convient jusque dans ses lignes : « l’économie est symbolique ».
4. Faire sans la SNCF, du côté du Rassemblement écolo-mélenchoniste
Membre de la majorité sortante rhônalpine, les écolos alliés à une partie du Front de gauche (mais pas au PCF) doivent se démarquer des propositions socialistes.
D’où l’annonce d’une mesure qui tranche fortement avec les autres principales listes : la création d’un « opérateur public régional » si la SNCF persiste à fermer des lignes ou à diminuer le nombre de trains. Cet opérateur assurerait, précisément, le service sur ces lignes fermées par la SNCF.
Pour le chef de file du Rassemblement, Jean-Charles Kohlhaas, « cela ne coûtera pas plus cher que la SNCF ».
Il s’appuie sur l’exemple de la Bretagne et de la Corse qui ont déjà créé ce type d’établissement. Sauf qu’il est difficile de comparer la nouvelle région Auvergne-Rhône-Alpes avec ces territoires. Il faudra par ailleurs toujours négocier avec la SNCF pour utiliser son matériel (une partie des voies et les centres de maintenance).
Bref, cette solution n’est pas pour demain.
A court terme, l’actuel président de la commission transport à la Région annonce qu’il faudrait recruter du personnel et rouvrir certaines unités de maintenance pour éviter d’embouteiller un peu plus le réseau par des trains qui circulent à vide.
« Bien sûr, il faut régler le problème du noeud ferroviaire lyonnais mais ça va prendre vingt ans. En attendant, il faut trouver des solutions avec du personnel. On a connu une baisse de 15% des effectifs entre 2007 et 2012. La SNCF a notamment supprimé certaines équipes d’astreinte. Ce qui fait qu’en cas de retard, des trains de peuvent pas partir. Il faut reconstituer ces équipes ».
Le coût en personnel ajouté aux investissements en matière d’infrastructure va nécessairement impliquer une augmentation du budget transport pour la Région.
Même si Jean-Charles Kohlhaas entend récupérer les potentiels fonds que les socialistes et la droite veulent mettre dans le Lyon-Turin, il explique que ça ne suffira pas et qu’il faut trouver d’autres moyens de financement :
« Tout le monde est d’accord là-dessus. La France a pris un retard considérable en matière d’infrastructure. Si on veut éviter que la SNCF nous ballade encore, il faudra trouver des sources de financement supplémentaires. Cela peut passer par le retour de l’éco-taxe, une part du versement transport versé à la Région, une part de la contribution foncière des entreprise (qui a remplacé la taxe professionnelle, ndlr) ou une augmentation de la part de la TIPP ».
Pour les écolos, il faudra donc en passer par la création de nouvelles taxes ou augmenter la part de certaines taxes qui reviennent déjà à la Région.
5. Les communistes dans la roue des socialistes
La liste communiste emmenée par Cécile Cukierman ne s’étend guère sur le sujet et a, au final, des propositions proches des socialistes avec qui ils étaient associés à la tête de la Région Rhône-Alpes depuis 2004.
« L’offre de TER sera renforcée en augmentant le nombre et la fréquence des trains et en améliorant le temps de transport ».
On est prié de les croire.
Tout comme le PS, le PCF est favorable à la ligne TGV Lyon-Turin. La seule différence consiste à proposer la gratuité pour les étudiants et les chômeurs. La liste Queyranne souhaitant la gratuité des transports scolaires.
Des projets pour désenclaver l’Auvergne ? Plus de rail entre Clermont et Lyon (ce qui aurait en plus l’avantage du symbole dans ce projet de fusion pour une grande et unique région) ? On n’en aura pas beaucoup entendu parler.
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