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Entre Jean-Jack Queyranne et Laurent Wauquiez, « c’est la guerre »

Au cours d’une campagne électorale, rien de bien étonnant dans le fait d’assister à des accès de colère chez des candidats chauffés à blanc face aux journalistes.

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Jean-Jack Queyranne, candidat PS aux élections régionales 2015 (Rhône-Alpes-Auvergne). ©Eric Soudan

Si les élections régionales ne passionnent pas (encore) les foules, comme s’accordent à le dire les deux têtes d’affiche, Jean-Jack Queyranne et Laurent Wauquiez, la moindre prise de parole de l’un fait lancer son poing en l’air à l’autre. Petit compte-rendu de match.

Jean-Jack Queyranne, candidat PS aux élections régionales 2015 (Rhône-Alpes-Auvergne). ©Eric Soudan

« Mais il raconte n’importe quoi. Je vais le remettre à sa place, moi. Je vous le dis, c’est la guerre ! »

Ces mots sont sortis de la bouche de Jean-Jack Queyranne (JJQ), l’habituellement très calme président de Région socialiste.

Vendredi midi, c’est l’apéro qui suit la présentation de ses 15 premiers colistiers. La raison de sa colère ? Une question que nous lui avons posée, au sujet du premier projet décliné par son adversaire, Laurent Wauquiez.

La veille, jeudi, le candidat « de la droite et du centre » a présenté fissa ce qui doit être le « marqueur fort » de sa campagne 2015 : la lutte contre la désertification médicale en Rhône-Alpes-Auvergne. Un peu étonnant, ce choix de thème, que l’on placerait plutôt en dehors des compétences d’un président de Région. Laurent Wauquiez a déroulé, très convaincu :

« Figurez-vous que c’est un sujet majeur car il est à la croisée d’au moins trois choses pour une Région : l’aménagement du territoire, la vie quotidienne des gens et leur santé, la formation professionnelle. »

Laurent Wauquiez dans le local de campagne, dans le 6è arrondissement à Lyon. Crédit : DD/Rue89Lyon.

Médecine pas très douce

Dans sa démonstration, Laurent Wauquiez a donné ses chiffres. Il compte débloquer 10 millions d’euros par an pour :

  • favoriser la création de nouvelles maisons de santé, en doublant les aides aux municipalités qui les mettront en place,
  • faire en sorte de débloquer le numerus clausus (limitation du nombre d’admis en médecine après la 1ère année d’étude),
  • donner des bourses à des internes en médecine afin qu’ils soient incités à se former sur le territoire puis qu’ils y restent.

C’est sur ce dernier point que les deux candidats ont pu s’écharper. Le maire du Puy-en-Velay, venu entouré de deux médecins de sa ville et d’un cardiologue grenoblois (qui est aussi sa tête de liste dans le Département de l’Isère) a fustigé la politique menée en la matière par Jean-Jack Queyranne, l’accusant de n’avoir trouvé que trois étudiants en médecine éligibles à cette bourse (déjà existante, donc) par an.

Il n’en a pas fallu davantage pour que ce dernier s’étrangle avec une rondelle de saucisson, nous assurant qu’il nous trouverait les chiffres exacts dans l’après-midi. C’est un communiqué-démenti que l’équipe de campagne a finalement envoyé : depuis 2010, 500 internes en médecine auraient été accompagnés par la Région Rhône-Alpes « qui finance plus de 100 bourses de 2400 euros par semestre », pour que les étudiants effectuent des stages dans des zones où l’offre de soins est la plus fragile (milieu rural, quartiers urbains sensibles, zones de montagne).

Depuis deux semaines, le jeu du ping-pong est particulièrement alimenté par les deux hommes, aucun ne cachant son agacement vis-à-vis de l’autre. A chaque accusation son démenti, à chaque prise de parole son dénigrement immédiat.

Un train peut en cacher un autre

En tant que « sortant », Jean-Jack Queyranne mène donc ce début de campagne depuis le fauteuil du président qu’il est encore -il ne sera « que » candidat peu de temps avant l’échéance du premier tour.

Ses prises de parole en tant que président de Région résonnent malgré tout très différemment depuis la rentrée de septembre et ne peuvent être lues qu’à l’aune de cette position complexe de l’élu qui doit continuer de fournir un service à la collectivité mais qui fait spécialement sa propre promotion à cette période.

La semaine dernière, c’est en tant que président de Rhône-Alpes que Jean-Jack Queyranne a tapé du poing sur un sujet qui touche de nombreux citoyens et électeurs : les trains SNCF. La convention qui lie la Région et la SNCF pour l’exploitation des TER prend fin en décembre 2015 ; les discussions menées en ce moment pour la renouveler n’ont pas abouti. Pour l’instant. Occasion pour JJQ d’envoyer un communiqué de presse qui tend à montrer comme l’exécutif tient à ce que ce service de transports, très souvent critiqué, soit (enfin) amélioré :

« Le Conseil régional exige un meilleur service de la part de SNCF, à la hauteur de ses investissements en matière ferroviaire. Il investit chaque année près de 100M€ sur les infrastructures, autant sur le matériel roulant. Il paie 437 M€ de redevance à SNCF pour faire circuler les trains. »

Jean-Jack Queyranne s’explique :

« Pour les six prochaines années, SNCF nous proposait, sans diminution de la redevance due par la Région, de réduire significativement le nombre de trains sur certaines lignes. Ce n’est pas acceptable, alors même que l’Etat et la Région viennent de s’engager […] à investir près d’un milliard d’euros pour l’amélioration du réseau ferroviaire. »

Il y a peu de chances que les discussions entre la Région et la SNCF n’aboutissent pas et que le contrat relatif aux TER ne finisse pas par être renouvelé. Seulement, en ce moment, les coups de gueule peuvent avoir opportunément un peu d’allure.

La question des trains avait par ailleurs déjà donné lieu à quelques articles de presse, Laurent Wauquiez ayant lui aussi décidé de s’en saisir, sous un angle qui lui est cher, celui de la sécurité.

Le candidat de la droite et du centre a prétendu qu’un peu plus de 7600 agressions avaient été commises dans les TER de la grande région Sud-Est. Une fois encore, Jean-Jack Queyranne a apporté un démenti en traitant (quasiment) son adversaire de menteur.

Gérard Collomb sur répondeur… et une peluche pour le FN

Pour la présentation de son « quinze », Jean-Jack Queyranne n’était pas peu fier de réunir la presse dans un bar des pentes de la Croix-Rousse.

« Lyon ne m’est pas interdite », a-t-il lâché.

Il a ainsi fait référence au maire PS de la ville, Gérard Collomb, qui a tenté et réussi en partie à faire le vide autour du candidat qu’il devrait en toute logique soutenir, en interdisant à tout militant ou élu de Lyon d’apparaître sur sa liste.

Des bisbilles internes au parti socialiste qui font doucement rire Laurent Wauquiez. Ce dernier trouve d’ailleurs aussi souvent que possible l’occasion de dire que Gérard Collomb est un bon élu, qui a de bonnes idées pour sa ville. De quoi entériner l’image au minimum centriste, au maximum droitière, de ce maire lyonnais porteur du mouvement réformiste du PS.

On n’ira pas jusque parler de roucoulades. Certains prédisent que Gérard Collomb finira même par « être raisonnable ». L’un des colistiers de Jean-Jack Queyranne a glissé, ce vendredi :

« On le connaît, Gérard Collomb : il a bien des défauts mais il sait parfaitement où il doit être et quand il doit l’être. Il finira par nous rejoindre et par accompagner la campagne, au moment voulu. »

Alors dans ce cas, on ne mise pas avant le mois de novembre. Les listes définitives ne seront pas rendues publiques avant fin octobre.

D’ici décembre, Jean-Jack Queyranne et Laurent Wauquiez comptent faire des apparitions régulières sur les projets qu’ils souhaitent porter pour la nouvelle grande région.

Les deux candidats les plus visibles marquent le rythme.

Et ailleurs, comment cela se passe-t-il ? Le Front national a présenté ses listes. Son candidat, le Lyonnais Christophe Boudot, s’est affublé d’une mascotte, un coq en peluche façon foire du Trône, qui apparaît en photo sur Twitter sous le nom de @Toubo2015.


#Elections régionales 2015

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