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« A Sainté, un arrêté et des policiers municipaux pour virer les zonards du centre-ville »

Tribune / Le maire de Saint-Étienne, Gaël Perdriau (Les Républicains) a signé en avril un « arrêté anti-zonards » qui va bien au-delà d’un simple arrêté anti-mendicité puisqu’il interdit également sur un large périmètre du centre-ville les « occupations abusives et prolongées des rues ». Il doit prendre fin le 15 septembre prochain. Xabi, habitant de Saint-Étienne, réagit à son application.

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« A Sainté, un arrêté et des policiers municipaux pour virer les zonards du centre-ville »

Saint-Étienne, « Sainté » comme on dit ici, est une bonne petite bourgade, fleurie comme il faut, en difficulté économique comme un peu partout, où les habitants sont assez fiers de leur appartenance gaga malgré les articles délétères du grand méchant Monde.

Saint-Étienne, suite aux dernières municipales et l’élection de Gaël Perdriau, suit de façon bien moins spectaculaire que nos voisins de Béziers, le mouvement national de défense des citoyens par sa municipale police.

Affichage publique sur la police municipale à Saint-Étienne.

Ici, point de provoc’ sur-médiatisée, nous préférons le charme discret des blogs et réseaux sociaux vantant la beauté de la ville. Dans les affichages publicitaires Decaux, la pub municipale présente quelques sympathiques visages pâles sur uniforme neuf et annonce que la municipale police est là pour veiller à la tranquillité de tous. Idem dans le journal municipal.

Rien de bien choquant dans la France des gens simples et normaux. Enfin, pour moi qui suis parti une dizaine d’années pour trouver un travail chez nos voisins de derby, le changement est assez… fort, pour que je ressente le besoin de le coucher sur papier pour éviter l’implosion citoyenne menant à l’outrage.

« L’uniforme vous va si bien »

Le nombre d’uniformes rutilants, surmontés de lunette à la Chips a fortement augmenté.

Les promesses de campagne sont certainement tenues. En tout cas, dans l’ultra-centre, c’est-à-dire sur les place Jean-Jaurès, Hôtel de ville et la grand’rue. En tout, deux places et la rue la plus commerçante de la ville, plus quelques rues. Il y a même un arrêté municipal spécialement pour ces surfaces lisses.

Ainsi, si les trottoirs ne permettent toujours pas dans les 4/5ème de la ville de passer en fauteuil roulant ni en poussette sans devoir faire un tour sur la chaussée, si le retour des voitures en centre-ville se fait à l’opposé de toutes les dynamiques des autres grandes villes de France et de Navarre, si le nettoyage des petites rues simplement destinées à l’habitation et non au commerce laisse à désirer, ne nous inquiétons pas, l’uniforme leur va si bien.

Bien sûr la mairie donnera toujours des chiffres sur l’efficacité des services de voirie. Moi aussi je pense que lesdits services travaillent bien. Je doute, en tant qu’habitant, que la dotation en personnel soit suffisante car au quotidien, la poussette, les merdes de chien, les trajets en vélo, la propreté de ma rue, tout cela laisse à désirer.

 « De (trop) nombreux matins commencent par un contrôle systématique des zonards »

Par contre, lorsque je vais travailler tous les matins (car je fais partie de cette catégorie de personnes qui a la chance d’avoir un travail), et lorsque je reviens car j’ai du temps pour moi en dehors du travail, j’observe très souvent les services de la municipale police, faire acte de présence toujours dans les mêmes rues bien propres de l’ultra-centre.

Ainsi, soudain, dès que le soleil estival se lève, je constate la convergence de deux destriers policiers. Pas de crissement de pneu mais presque, lorsque ils et elles sortent, les deux pouces sous le gilet pare-balle. Encerclement et contrôle d’identité. L’ambiance est menaçante, et cette scène s’est reproduite plusieurs fois depuis quelques mois.

Fin juillet, l’équipage galonné n’est même pas descendu sur l’asphalte, ils ont juste fait un signe de main, demandant d’approcher. Toisant les zonards avec leur Ray-Ban, ils disent d’un ton presque désinvolte :  « allez les gars, il faut y aller ». Et ce matin du dimanche 16 août, ils leur ont fait vider leurs bouteilles dans le caniveau.

En vélo, en scooter, en moto ou en Berlingot, on peut voir qu’en ce domaine, la commune ne manque pas de moyens. Et je ne parle pas de l’armement : Flashball (fierté locale, produit chez nous par Verney-Carron et mis en cause dans de nombreux incidents et blessures parfois graves et irréversibles), gazeuse familiale, et j’en passe. Les ceintures sont mieux fournies que celles des charpentiers.

Photo prise par Xabi. Sa légende : « Le 25 août à 8h30, Place Jean Jaurès. Les zonards ont préféré ne pas être sur la photo. Du coup, ils sont juste derrière moi quand je prends la photo, ils se posent habituellement sur ces marches. »

« Ces indiens des bancs publics méritent-ils les assauts de la police municipale ? »

Je pense à ces personnes, ces habitants de la rue, ces indiens des bancs publics qui se saoulent du soir au matin, qui font partie de notre monde puisque notre société les a produits. Ils sont là depuis tellement d’années qu’il me semble les connaître tous de vue, d’avoir échangé des bonjours souvent, et d’avoir parfois changé de trottoirs parce qu’ils n’avaient l’air pas sympa ce jour-là.

Je pense aussi aux jeunes, cible préférentielle des publicitaires, mais chargés également de nombreux maux sécuritaires. Il est vrai qu’ils sont souvent assis par terre, où bien sur une margelle dans une zone encore interdite à la circulation et qu’ils font du bruit. Grands crimes ? Méritent-ils un assaut de la brigade cycliste en action coordonnée par talkie-walkie, lorsqu’ils sont assis de la sorte ?

Il me semble souvent qu’une société trop propre et trop silencieuse est un « meilleur des mondes », surtout quand je lis des livres d’Histoire du XXème. Les vagabonds étaient mis en prison il y a bien peu d’années, lorsqu’ils trainaient de façon un peu trop ostentatoire sur la voie publique. Maintenant les derniers des Mohicans sont chassés du centre-ville car « les marginaux » ça ne fait pas bien dans les quelques rues propres de « Sainté ».

Ainsi, de (trop) nombreux matins commencent par un contrôle systématique des zonards avec menaces « dégagez »,  « on vous aura prévenus ».

Alors oui, je veux bien entendre que la municipalité doit protéger la population, mais de quoi ? La pauvreté, les risques sanitaires, le respect de tous et toutes et la solidarité me semblent des sujets plus urgents que la mission de relégation des clochards ainsi que celle de flicage des jeunes que remplit actuellement la police municipale.

Pour conclure, même si l’uniforme vous va si bien et que vous avez l’air d’en être fiers, qu’il doit être bien amusant d’avoir des nouveaux pistolets et jouets divers, j’aimerai bien a minima que les attitudes et les missions soient revues dans le sens d’un service respectueux envers tous les citoyens, et que dans le meilleur des cas, les emplois créés le soient pour autre chose qu’une sorte de répétition pour passer au JT de TF1 un soir d’élection.

Arrêté municipal du 1er avril 2015 sur la tranquillité publique à Saint-Étienne


#Gaël Perdriau

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