Nombreux ont été les riverains à observer d’un œil inquiet la longue flamme parfois enroulée de fumée noire qui s’est échappée de la torchère nord de la plateforme Total de la raffinerie de Feyzin, entre la nuit du dimanche 9 et la matinée du jeudi 13 août. C’était la seconde fois en un mois que la fumée noire était observée.
Je viens de passer sur l’A7 en zone urbaine de Lyon à 90 km/h pour ne pas polluer et faire plaisir à @RoyalSegolene pic.twitter.com/4E0xbyoXG4
— Le Cabinet Noir © (@Cabinet_Noir) 5 Août 2015
Fabien Allemand, responsable du département pétrochimie chez Total Feyzin, tentait de rassurer sur la toxicité des rejets en déclarant notamment dans un entretien donné au Progrès :
« En brûlant ces gaz, on génère du gaz carbonique et de l’eau. Quand la combustion est incomplète, cela provoque de la fumée et génère du carbone ».
C’est ainsi qu’il expliquait la présence d’une fumée noire. Mais quels gaz sont brûlés pour quels rejets dans l’atmosphère ? Quelle était la cause de cet incident ?
La réponse de Total : une pollution relative
Contacté par Rue89Lyon, Fabien Allemand a décliné la composition des gaz brûlés. Il s’agit d’éthylène, de propylène, de méthane ou d’hydrogène qui sont obtenus après un procédé de vapocraquage d’un hydrocarbure appelé naphta :
« Le naphta est un produit proche d’une essence. C’est un hydrocarbure dont les molécules sont constituées d’atomes de carbone et d’hydrogène. Il ne contient pas de composés oxygénés ou souffrés, car les charges sont raffinées avant. »
En d’autres termes, le responsable du département pétrochimie de Feyzin affirme que les rejets ne contiennent qu’une part « très marginale » de produits fortement toxiques.
Fabien Allemand ajoute que Total effectue des mesures en temps réel d’éléments toxiques (comme le dioxyde de souffre) à la sortie de la torchère, et assure respecter l’arrêté préfectoral sur les rejets atmosphériques.
Nous avons contacté Christophe Geantet, chercheur au CNRS et à l’Institut de Recherche Chimie-Environnement de Lyon (IRCELYON), pour en savoir plus.
Selon lui, il y aurait effectivement très peu de produits toxiques dans les rejets atmosphériques, grâce au raffinage subi par le naphta. Donc peu de dioxyde de souffre et d’oxydes d’azote :
« Je ne pense pas que ce soit particulièrement dangereux. C’est une contribution à la pollution supplémentaire mais ça ne représente pas grand chose en comparaison du trafic routier. »
Les fumées noires, résultats de la combustion partielle des gaz
Christophe Geantet confirme également que c’est bien la combustion partielle des gaz qui est responsable des épisodes de fumées noires. Ces fumées seraient des suies, des particules solides issues de la combustion partielle du carbone :
« C’est exactement la même chose que ce qui sort des vieux diesels des automobiles. C’est d’ailleurs pour ça qu’on installe des pots catalyseurs sur les voitures : pour améliorer la combustion et diminuer le rejet de particules. »
Il explique par ailleurs que si la combustion est incomplète, c’est entre autres parce que les molécules des gaz ont un « ratio hydrogène/carbone » qui les rend difficiles à brûler (ils sont constitués d’une majorité d’atomes de carbones, ndlr). Comme dans le cas du charbon.
Toute combustion partielle génère effectivement du monoxyde de carbone, mais Christophe Geantet relativise son importance dans ce cas précis :
« Le monoxyde de carbone ne pose pas de problèmes puisque c’est dilué presque immédiatement dans l’atmosphère. C’est en milieu fermé qu’il est problématique et entraîne l’asphyxie. »
Pour finir, le chercheur du CNRS a ce commentaire :
« La torchère de Feyzin c’est un peu comme un énorme camion qui tournerait en continu, sur plusieurs jours d’affilée. »
Fabien Allemand de Total assure quant à lui que durant les travaux qui ont eu lieu entre février et avril 2015, des mesures ont été prises pour améliorer la combustion :
« Depuis que nous avons changé l’extrémité de la torche en mars, pour un montant d’1,3 million d’euros, la combustion fonctionne mieux. En contrepartie, la flamme est plus longue et plus vive, et cela fait plus de bruit. »
Une panne électronique sur un compresseur de gaz
La panne du 9 au 13 août 2015 viendrait selon le responsable Total, Fabien Allemand, d’un problème électronique sur un compresseur de gaz, suite à une coupure d’électricité due aux orages.
La carte électronique installée dernièrement sur un compresseur de gaz a ainsi été déréglée et a nécessité un dépannage de la compagnie qui l’avait installée.
Toujours selon Fabien Allemand, pour des raisons de procédure, de telles interruptions entraînent généralement des coupures d’une durée générale de deux jours, pendant laquelle les gaz (Éthylène, etc) sont brûlés sur la torchère.
Car le fonctionnement en « flux continu » de l’installation fait que les gaz ne peuvent pas être stockés en cas d’interruption du processus et doivent être brûlés.
A l’origine des pannes, également un problème de personnel ?
Ce n’est pas la première fois que la torchère était utilisée pour les mêmes raisons : du vendredi 10 au matin du 13 juillet dernier, c’était déjà un défaut électrique sur un compresseur. Et plus anciennement encore, entre le 16 et 19 juillet 2013, c’était encore dû à la panne d’un compresseur.
Cette récurrence a conduit des riverains à effectuer, sur les réseaux sociaux, des rapprochements entres les dates de ces dysfonctionnements.
@Rue89Lyon regardez vos archives, vous trouverez que c’est TRÈS souvent pendant les congés… Éventuellement arrêts maintenance planifiés.
— OFonfon (@OFonfon) 12 Août 2015
S’agirait-il donc d’une cause humaine liée à une période de vacances ?
Hakim Bellouz, secrétaire du syndicat Force Ouvrière (FO) pour la raffinerie Feyzin, décrit ces pannes comme faisant partie de la marche « acceptable » de toute industrie de ce type.
« Les pannes sont le résultat d’un concours de circonstances. On ne choisit pas si ça tombe un dimanche, ou un jeudi, un jour férié ou pendant les vacances. »
Hakim Bellouz assure que les dysfonctionnements ne viennent pas de « problèmes de compétence » :
« Même si on était 20 par équipe l’été prochain, ce serait la même chose en cas de problème. »
Organisées en six groupes de dix personnes, les équipes se relaient sur trois plages horaires de huit heures chaque jour. Cet été, chaque équipe de dix s’est vue assigner un intérimaire – six en tout donc, pour soixante postes sur l’ensemble de la partie pétrochimie.
Le syndicaliste FO de Feyzin reconnaît tout de même que la question des remplacements reste une question délicate :
« La direction a le cul entre deux chaises : d’un côté il est presque impossible de recruter des intérimaires qui soient formés. D’un autre côté, si les équipes ne prennent pas de congés… avoir des gars en poste qui sont crevés, est-ce que ce n’est pas prendre des risques ? »
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