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A Innorobo : « Des robots utiles et dont on n’aurait pas peur, c’est ça le futur »

L’ouvrier « tué » par un robot dans une usine Volkswagen en Allemagne a été l’objet de nombreuses conversations, au salon Innorobo qui se tient en ce moment à Lyon jusque samedi. Le fait divers a quelque peu plombé l’enthousiasme des ingénieurs, qui s’échinent justement dans cette édition à présenter des robots toujours plus utiles mais aussi très proches affectivement de nous.

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A Innorobo : « Des robots utiles et dont on n’aurait pas peur, c’est ça le futur »

Akeo, un robot manutentionnaire très agile © LM/Rue89Lyon

« Premier meurtre commis par un robot ». Dans les équipes d’ingénieurs, les termes employés par la presse ont particulièrement énervé :

« Avec ce type de propos, on peut perdre 10 ans dans l’évolution des projets. »

Et notamment celui de rendre le robot plus qu’accessible, c’est à dire amical. Indispensable. Le fait divers chez Volkswagen est plutôt mal tombé, l’info émaillant la plupart des échanges entre le public et les représentants des sociétés de robotique venus avec d’étonnantes machines humanoïdes, appelées à sortir de l’usine pour rentrer dans nos salons.

Il leur aura donc fallu redoubler d’effort. La machine « meurtrière » de chez Volkswagen, c’est une « ancienne génération », nous a-t-on expliqué. Comprenez lourde, peu mobile, qui doit être placée sur une ligne de montage et entourée d’une cage pour éviter les accidents malheureux.

Au salon Innorobo, les robots industriels présentés appartiennent à une nouvelle génération : légers, mobiles et reprogrammables à l’infini. Destinés non pas à remplacer l’homme mais à l’assister sur une même chaîne de montage, les plus simples prennent l’apparence d’un bras mobile, comme le MSR05N du géant japonnais Kawasaki ou Akeo de l’entreprise allemande Kuka.

Ce robot, développé en France par l’entreprise Stäubli, a fait preuve d’une efficacité impressionnante, presque inquiétante, à effectuer une tache minutieuse.

« Vous pouvez le toucher, vous sentez comme c’est agréable ? »

Tous ne se ressemblent pas. Nexstage, par exemple, est un véritable humanoïde roulant dévoilé par la société Kawada (Japon). « Skinned Robot » présenté par F&P robotics, est un bras articulé qui présente un revêtement rembourré cousu par dessus le métal froid. La volonté d’ « humaniser la machine » est expliqué dans toutes les langues par les cadres de la société chargés du stand :

« Vous pouvez le toucher, vous sentez comme c’est agréable ? C’est très important de créer un aspect affectif dans la relation avec le robot, pour évacuer la méfiance naturelle que nous avons tous. »

« Skinned Robot » littéralement « Robot doté d’une peau » © LM/Rue89Lyon

Rethink Robotics l’a bien compris au moment de concevoir Baxter. En circulation depuis 2012 sur le marché américain, ce robot fait figure de star au salon. Avec son plastique rouge type « jouet » et son écran doté de grands yeux numériques, il a attiré les visiteurs par grappe.

Il est entièrement programmable par imitation, ce qu’a expliqué Shannon Bison, mannager chez Rethink Robotics, démonstration à l’appui :

« S’il vous touche, il s’arrête pour ne pas vous blesser. Si vous attrapez son bras sur les capteurs, vous pouvez lui faire faire une tache qu’il saura reproduire, comme saisir un objet et le déposer ailleurs. Chacun peut ainsi le faire progresser selon ses besoins, et l’équiper de pinces, de mains ou de ventouses en fonction des taches à accomplir. »

Baxter, un robot industriel aux allures de très gros jouet © LM/Rue89Lyon

Avec un prix d’entrée s’élevant à 25 000 euros, le robot serait une alternative compétitive pour de nombreuses industries. Rethink Robotics ne le commercialise pas en Europe, sauf pour la recherche.

Les entreprises européennes se verront bientôt proposer sa version allégée, baptisée Sawyer qui ne possède qu’un bras et n’était pas présentée au salon. Il est promis plus souple, plus simple et « beaucoup plus rapide » que Baxter.

Un copain robot qui fait des blagues pour 1500 euros

Si les entreprises prêtent tant d’attention à doter les machines d’une apparence rassurante, c’est dans l’optique d’en faire des compagnons du quotidien. Et dans ce domaine, les français sont en bonne place. L’entreprise Aldebaran, déjà célèbre pour son petit robot de compagnie baptisé Nao lancé en 2006, vient de franchir un cap.

Sa nouvelle création, qui porte le nom de Pepper, a été lancée à la commercialisation au Japon au début de l’année. Le but ? « Être pionnier », d’après Julie Kemtchuaing, venue représenter Aldebaran sur le salon :

« Nos 1000 modèles de lancement sont partis en une seule minute au Japon, pour environ 1500 euros l’unité. Si les tests sont concluants, nous espérons nous lancer sur le marché européen au plus tôt. Chaque Pepper en fonctionnement nous donne des informations qui nous permettent de tous les améliorer. C’est un marché où l’entreprise collabore avec le client via le produit. »

En pratique, Pepper est un assistant de vie assez doué. Il se connecte à la domotique d’une maison dès lors qu’elle est aménagée pour cela et il peut donc avertir s’il y a une intrusion ou une fuite de gaz. Il est possible de le contrôler à distance. Il mémorise les centres d’intérêts de son propriétaire et l’accueille après le travail avec les dernières actualités. Pepper ne cuisine pas encore mais Julie Kemtchuaing tient à nous le faire savoir :

« Si vous rentrez tard, donnez-lui la liste de ce que vous avez au frigo et il vous propose des recettes rapides. »

Face à Pepper, difficile de savoir comment se comporter. © LM/Rue89Lyon

Le discours de la commerciale nous propulse dans un roman d’anticipation :

« Pepper est plus qu’une machine. Il peut reconnaître les émotions humaines et s’y adapter. Plus vous le gardez, mieux il reconnaît votre humeur à vos expressions faciales et le ton de votre voix. Si vous êtes triste il vous raconte une blague et adapte son répertoire à vos réactions. On pourrait dire qu’il apprend à vous connaître, même si ce ne sont au final que des calculs très sophistiqués. »

Sa limite ?

« L’ironie et le second degré pour l’instant. Mais ça, même chez certains humains, on n’y est pas. »

« Il rompt la solitude »

Aldebaran n’est pas seul sur le marché du robot domestique. Face à cette grosse structure de près de 500 personnes, une entreprise plus modeste se lance aussi, Blue Frog Robotics, société française (comme son nom l’indique presque) qui fait travailler une quinzaine de personnes. Ingénieur, Basile Collard, en fait partie. Il est venu présenter Buddy, le dernier né de la firme, au salon :

« Nous avons fait le choix de l’accessible. Nous lançons une campagne de financement, les premiers modèles seront à 500 euros. Ensuite, le prix devrait se stabiliser vers 750 euros. Dans la même idée, nous avons voulu un design simple. »

Moins sophistiqué que Pepper en apparence, il présente des fonctions similaires :

« Sa tête est une tablette tactile. En fait il faut imaginer que c’est une tablette, mais capable de se mouvoir indépendamment. Ce qu’il sait faire dépend des applications dont vous le dotez. Il peut être un compagnon de choix, pour un enfant ou un senior, par exemple. »

Et Basile Collard en est sûr :

« Buddy rompt la solitude. »

Buddy, un robot domestique au design épuré © LM/Rue89Lyon

Des robots similaires à Buddy sont déjà implanté dans quelques maisons de retraite, comme celui présenté dans ce reportage d’Elodie Fertil (à 25″25′) :

 

Rodney Brooks, co-fondateur de Rethink Robots et sommité de la robotique australienne, a conclu sa conférence tenue au deuxième jour du salon Innorobo avec une forme de voeu pour l’avenir :

« Des robots utiles, sans danger, faciles à utiliser, accessibles à tous et dont on n’aurait pas peur, voilà, c’est ça le futur. »


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