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Cinq choses à savoir sur le crowdlending, exemple lyonnais à l’appui

[Dans nos archives] Avoir un projet et tenter de le faire financer par de généreux inconnus, c’est maintenant possible. On appelle ça le crowdfunding ou le financement participatif. A peine née, cette pratique mute déjà vers de nouvelles possibilités. Une des dernières modulations du principe est non plus de donner via une plateforme participative mais de prêter : il s’agit du crowdlending. Nous avons rencontré deux lyonnaises qui ont utilisé le système pour monter leur resto.

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Illustration article Crowdlending



1. Pour l’emprunteur, un taux d’intérêt très élevé à rembourser

 

Caroline Allard, restauratrice et emprunteuse sur Unilend

Caroline Allard, co-gérante du restaurant « Julie & Caroline » aux Halles de Lyon, a fait appel à Unilend pour souscrire à un crédit lié à l’acquisition du restaurant :

« A l’époque où je recherchais des financements, les banques ont refusé mon projet jugeant que j’avais un taux d’endettement trop fort. »

En 18 jours, elle a obtenu 70 000 euros, grâce à 257 prêteurs. Une rapidité appréciable qui n’empêche pas Caroline d’anticiper sur le remboursement de cet emprunt :

« Dès le départ, quand on a su que notre dossier était validé par Unilend, on s’est dit qu’on allait tout faire pour rembourser avant les cinq ans prévus par la plateforme en rachetant notre dette avec un autre crédit, à un taux d’intérêt moins élevé. »

Une fois les liquidités perçues, la séparation d’avec les prêteurs de la plateforme a été rapide, d’autant plus qu’Unilend n’inflige pas de pénalités aux emprunteurs s’ils parviennent à rembourser leur crédit intégralement avant la date fixée (cela peut aller de quelques mois à plusieurs années, 5 ans pour les soeurs Allard).

Cette fois les banques ont accepté de faire crédit à Caroline pour rembourser Unilend. La restauratrice passe d’un taux d’intérêt fixé à 9,2% par Unilend à un taux de 2,5% dans une banque classique.

Au final, Caroline n’est pas déçue par Unilend :

« Les banques classiques refusent de plus en plus de jouer le jeu. Pour quelle raison on m’a refusé un crédit en 2014 mais pas en 2015 ? Ça n’a pas de sens. Au moins avec Unilend j’ai pu disposer de cash rapidement à un moment où j’en avais vraiment besoin. »

Quand on lui demande si elle connaît les particuliers qui l’ont aidée à financer son projet, elle a comme un haussement de sourcils. S’il y a bien un donateur qui est passé au restaurant pour lui dire qu’il lui avait prêté une somme, alors que Caroline était absente, cette personne n’est jamais revenue et n’a pas laissé son nom.

2. Des risques importants pour le prêteur

 
Christian Valin, un épargnant de 75 ans, s’est inscrit sur Unilend à la suite d’une conférence sur le crowdfunding. Emballé par l’idée, il décide alors de prêter à six entreprises.

Aujourd’hui, deux d’entre elles rencontrent des problèmes, Bio-Froid et Shala Sarl. La première est en redressement judiciaire et la seconde, en défaut de paiement, est engagée das une procédure de recouvrement. Christian Valin témoigne :

« Il y en a une qui ne me rembourse pas mais, selon Unilend, cela va être réglé. Si ça se passe pas trop mal, j’aurai des pertes sur mes intérêts mais pas sur mon capital. »

L’une des principales critiques de Christian Valin sur ce système d’investissement concerne la « paperasse administrative » en cas de défaut de paiement :

« Il y a une charge de travail à laquelle je ne m’attendais pas, il y a tout un processus avec plein de documents à envoyer au liquidateur. »

Malgré tout, ce prêteur n’est pas totalement mécontent :

« Mon taux d’intérêt était théoriquement de 9% pour l’ensemble des projets que je soutiens. Si je prends en compte les pertes liées aux entreprises défaillantes, ça me revient à 3,4%. Ce n’est pas mal non plus ».

 

3. La question du taux d’intérêt qui bénéficie au prêteur

 
Alors que le crowdfunding se base exclusivement sur le don pour porter un projet, le crowdlending, lui, propose à ceux qui souhaitent financer un projet de toucher des intérêts.

Le crowdlending est un placement de courte durée et plus rémunérateur qu’un livret A (en ce moment à 1% sur l’année) malgré les prélèvements fiscaux (impôt sur le revenu et CSG).

Plusieurs plateformes ont vu le jour récemment et certaines sont même déjà mortes. Chacune propose des conditions de prêt et d’emprunt qui se ressemblent, avec des taux d’intérêt compris entre 3 et 12% et des délais de remboursement de l’emprunt de 3 mois à 5 ans. Ces plateformes perçoivent des commissions sur les sommes prêtées.

Parmi les plateformes françaises, le leader qui se dégage est bien Unilend. Elle propose d’investir exclusivement dans des PME, à partir de 20 euros. D’autres, comme SmartAngels, s’adressent à une cible plus fortunée. Sur cette plateforme, les particuliers ne peuvent pas prêter en dessous de 1 000 euros. Chaque site a une spécialité : sur Lendopolis par exemple, les entreprises peuvent emprunter jusqu’à un million d’euros.

Restaurant lyonnais Julie & Caroline qui a fait appel à Unilend

 

4. Une tendance récente et fragile

 
Pour savoir s’il est risqué de prêter sur les plateformes de crowdlending, un taux de défaut est nécessairement indiqué par ces sites. Le pourcentage donne une idée du nombre d’entreprises qui n’ont pas correctement remboursé leur emprunt.

Chez Unilend par exemple, on affiche un taux de défaut à 2,04%, ce qui peut paraître raisonnable. Cependant, comme le rappelle un article parut sur le site Contrepoints, derrière ce bilan, c’est quatre projets (sur les 127 sélectionnés par la plateforme) qui rencontrent des difficultés. Le taux de défaut serait donc plus élevé.

Avec seulement deux ans d’existence, il semble donc difficile d’évaluer précisément la viabilité de cette plateforme.

Le pourcentage du taux de défaut peut rapidement augmenter, comme ça a été le cas avec Isodev qui a été placée en liquidation judiciaire après deux ans d’existence.

Comme l’indique le magazine UFC Que Choisir, c’est surtout la nature des entreprises emprunteuse qui module le taux de risque : il s’agit bien souvent de PME et leur ressources sont limitées.

Pour rassurer les prêteurs, chaque plateforme procède à une sélection très stricte des dossiers puisqu’une minorité est acceptée. Malheureusement, toutes les plateformes n’ont pas les mêmes exigences, et il peut exister un décalage trompeur entre elles.

Sur Unilend, pour dix demandes, seulement deux sont validées. Toujours chez Unilend, aucun projet de start up n’apparaît. Le site privilégie les entreprises installées, qui affichent des exercices comptables à l’équilibre trois ans avant la demande de prêt.

Pour séduire et rassurer les prêteurs, les plateformes attribuent donc des notes aux entreprises, en se basant sur de multiples critères. Chez Unilend, un algorithme fait une part du travail d’analyse.

Page d’accueil d’Unilend

 

5. Le crowdlending inquiète les banques

Contacté par Rue89 Lyon, le vice-président de l’association française des banques et directeur de Groupama Banque, Bernard Pouy, admet que le crowdlending est un sujet qui « anime toutes les réunions », car certaines banques considèrent cette concurrence comme dangereuse.

En janvier 2015, la plateforme Unilend annonce fièrement que Groupama Banque va prêter sur son site. Au total, la banque s’est engagée à verser progressivement 100 millions d’euros à différents projets sur une durée de 4 ans. En février 2015, Gan Assurances, filière de Groupama, annonce à son tour qu’elle mettra en place le même type de partenariat avec Lendopolis.

Des banques et des assurances participent donc au financement de plusieurs TPE, via le crowdlending.

Cela montre une autre limite du crowdlending qui ne parvient pas, pour le moment, à attirer suffisamment de petits épargnants pour financer ses projets. Il faut compléter par les prêts des bonnes vieilles banques et sociétés d’assurance.

Et du côté des banques, quel intérêt à nourrir à la concurrence ? Une banque qui prête sur une plateforme de financement participatif n’admet-elle pas son incapacité à répondre à la demande actuelle des TPE ? Selon Bernard Pouy, c’est « une question d’adaptation à son époque ».

Le directeur général de Groupama Banque considère que le crowdlending est un moyen pour la banque de compléter son réseau, en s’adressant à une clientèle situées dans des zones enclavées géographiquement (et qui se tourne donc vers des solutions web, mais pas celle de banques classiques), une clientèle qui n’a pas forcément le temps d’attendre pour recevoir un prêt. Pas vraiment d’arguments convaincants. On a davantage le sentiment que la banque classique y va, « juste pour voir » et pour ne pas passer à côté d’un système qu’elle pourrait adopter, mettre en place elle-même dans l’avenir.

La banque ne prêtera pas plus de 100 euros par entreprise pour « ne pas remettre en cause la notion de financement participatif ».


#Économie

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