Dans la nuit du 17 au 18 mars, Anthony, 20 ans, et son cousin du même âge fêtent la Saint-Patrick dans les pubs du Vieux Lyon. En fin de soirée, vers 1h du matin, ils restent un moment place du Change. C’est là qu’ils se sont fait agresser.
« Je revenais d’un kebab et j’ai vu mon cousin se faire courser par des types. J’ai essayé de m’interposer mais j’ai pris un coup de poing puis ils m’ont enchaîné à quatre alors que j’étais au sol. Mon cousin a réussi à leur échapper ».
Anthony a été hospitalisé trois jours, suite à de multiples fractures au visage et à la main. Il a dû être opéré.
Le médecin lui a délivré 60 jours d’ITT (incapacité temporaire de travail). Son cousin s’en sort avec un tendon de la main sectionné. Quelques jours plus tard, les deux étudiants ont porté plainte. L’affaire est actuellement dans les mains du Procureur de la République.
Anthony habite dans le Vieux Lyon mais n’y est pas retourné pendant un mois, suite à l’agression. Ses parents ne voulaient pas qu’il circule dans les rues.
Plusieurs semaines plus tard, il a décidé de témoigner. Pour cet étudiant, ses agresseurs sont à relier à une mouvance d’extrême droite.
Anthony pointe le GUD (Groupe Union Défense) dont plusieurs militants ont déjà été lourdement condamnés pour un lynchage à Villeurbanne ou pour une agression raciste dont on reparle aujourd’hui.
Un post Facebook publié quelques jours plus tard sur la page du GUD Lyon fait en effet référence à la Saint-Patrick et à une course poursuite.
Anthony raconte une agression gratuite, « au faciès », comme il y en a déjà eu place Saint-Jean :
« Ils en voulaient à mon cousin car il porte des dreadlocks. Un mec lui a dit « toi, tu votes à gauche, moi à droite ». Mon cousin leur a dit d’aller se faire foutre. Il a pris une claque mais il a réussi à s’échapper ».
Agressions et locaux d’extrême droite suivis de près
L’histoire d’Anthony vient s’ajouter à une liste déjà longue des agressions qui portent la marque de l’extrême droite.
La dernière à avoir été médiatisée remonte à février 2014. Deux mineurs avaient pris un coup de couteau. Une semaine après les faits, cinq personnes, dont l’auteur présumé des coups de couteau, avaient été mises en examen. La police les connaît comme étant proches de la mouvance identitaire. L’information judiciaire vient d’être bouclée.
Selon la police, pour trouver semblable récurrence de violences d’extrême droite dans la région, il faut aller dans les Monts du Lyonnais.
Jean-Yves Sécheresse, adjoint à la sécurité, affirme être « très vigilant » et régulièrement en contact avec les services de renseignements territoriaux au sujet de ces groupuscules.
La mairie dit également suivre de près les locaux ouverts ces dernières années par les différents groupuscules de l’extrême droite radicale.
- Les identitaires possèdent un local Montée du change officialisé en 2011. C’est l’ouverture de ce local puis la « Marche des cochons » organisée dans la foulée qui avaient alerté certains habitants du quartier, comme nous l’expliquions dans cet article.
- Les nationalistes proches d’Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac, respectivement dirigeants de l’Oeuvre française et des Jeunesses nationalistes (dissoutes en juillet 2013) ont récemment investi deux repères. L’un est une salle privée, rue Saint-Georges et l’autre un bar, dans le même secteur du quartier. Les deux chefs nationalistes ont été mis en examen pour « reconstitution de ligue dissoute ».
- Quant aux membres du GUD, ils sont régulièrement présents dans le quartier. On les a notamment vus lors du rassemblement contre la GPA organisé le 8 juin dernier. Mais c’est à Sainte-Foy-lès-Lyon qu’ils ont tenté, en vain, de s’implanter.
Jean-Yves Sécheresse avoue son impuissance :
« Ceux qui possèdent ces locaux se tiennent correctement. Je n’ai rien à dire. S’il y avait des débordements, je n’aurais aucun problème pour les faire fermer, comme nous l’avons déjà fait à Gerland ».
Pas de Marche des Fiertés mais deux rassemblements contre la GPA
Dans ce contexte très particulier, le refus de la préfecture d’autoriser la Marche des Fiertés dans le Vieux Lyon a fait réagir.
D’autant que dans le même temps, les anti-GPA ont pu organiser deux rassemblements, les 8 et 18 juin, sur les quais de Saône. Précisément là où le cortège devait passer. Une question hautement symbolique.
Dans un communiqué publié après le premier rassemblement anti-GPA, Edwige Marty, Présidente de la Lesbian and Gay Pride de Lyon considérait que « l’Etat laisse ainsi cet arrondissement aux mains de l’extrême droite la plus radicale ».
Il y a une semaine, le lancement de la Quinzaine des cultures LGBT se faisait au musée Gadagne, au coeur du Vieux Lyon.
Le maire du 5e arrondissement, Thomas Rudigoz, et le premier adjoint, Georges Képénékian avaient fait le déplacement. Tous deux ont regretté la décision du préfet.
Très discret sur le sujet, le maire du 5e s’est toutefois fendu d’une déclaration où il a affirmé que le quartier ne devait pas être « une zone réservée aux néo-fascistes ».
Amandine Barioz, militante PS et co-responsable de Homosexualité et Socialisme, s’est réjouie de cette déclaration :
« Cette condamnation publique fait du bien. C’est la réaction qu’on attendait depuis un moment. »
L’identité du quartier
Mais cette prise de position a minima, n’est pas de nature à satisfaire les attentes des deux associations du quartier qui mènent depuis plusieurs années des actions contre l’extrême droite.
A quelques dizaines de mètres du local des nationalistes, la Maison des Passages est un lieu qui promeut l’interculturalité et la « créolisation sociale ».
Bruno Guichard, président de la Maison des passages, veut des « actes politiques » :
« Il y a six mois, avec la MJC, nous avons rencontré la mairie. Nous avions proposé de co-organiser un événement pour montrer l’ouverture du quartier aux différentes cultures du monde. Les élus avaient semblé intéressés. Mais ça ne débouche sur rien ».
Antoine Tasseau, le directeur de la MJC du Vieux Lyon, ajoute :
« Ces groupes procèdent à un marquage du quartier, notamment avec leurs autocollants ou leurs manifs. Au quotidien, si on n’est pas au courant de l’existence de leurs locaux et des agressions, on peut passer complètement à côté de leur présence. »
Pour lui, c’est l’identité d’un territoire qui est en jeu.
« Il faut casser cette image d’un quartier où il n’y aurait que des touristes et des fachos. Au contraire, c’est un quartier de brassage. Il ne faut pas laisser penser que certains pourraient aller dans le Vieux Lyon et d’autres pas. »
> Article mis à jour à 19h suite à la condamnation ce vendredi 19 juin d’un troisième membre du GUD pour une agression raciste qui s’est déroulé en juin 2013.
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