Treize ans que Les Invites tordaient le cou aux idées reçues sur les artistes de rue et/ou engagés – des zonards qui creusent le trou de l’intermittence, en gros. Et soudain, patatras : les mains sont moites, les réflexes peut-être émoussés, on lâche prise et on se retrouve avec un concert du Collectif 13, « super » groupe de chanson pas contente et néanmoins décontractée du dreadlock où émargent des mecs de La Rue Ketanou, de Massilia Sound System, de Tryo…
Le reste de la programmation musicale de cette quatorzième édition, bien qu’il ne renoue pas avec l’exubérance des têtes d’affiche de ces dernières années (Jean-Louis Murat et son orchestre, Har Mar Superstar, SKIP&DIE, La Femme, Rachid Taha…), propose une approche heureusement beaucoup plus authentique et subtile de l’altérité culturelle.
Avec des chercheurs d’or black (l’éclectique radio host Gilles Peterson, pour un Black Atlantic Club hors les murs qui devrait faire date, les ethnomusicologues du label francfortois Analog Africa, le baroudeur de longue date DJ Oil), des bluesmen passés maîtres dans l’art du désensablement d’esgourde (le quatuor Songhoy Blues, privé de désert malien par Damon Albarn) ou des sommités encore vertes du groove sud-américain (Cumbia All Stars), Villeurbanne bruissera plus que jamais des rythmes chargés d’histoire de la sono mondiale.
Militants quotidiens de l’humanité
Côté théâtre et cirque, il y en aura des surprises comme d’habitude à tous les coins de rue.
A celui de la rue Léon Chomel par exemple, où Les Grandes Personnes d’Aubervilliers délaisseront leurs marionnettes géantes au profit de santons, acteurs d’une étonnante reconstitution miniature des luttes syndicales qui agitèrent l’usine Renault de Cléon.
À celui de la Rue princesse, du nom d’une recréation scénique des très moites et très colorées soirées dansantes d’Abidjan (par la compagnie ivoirienne N’Soleh).
À celui de l’avenue Henri Barbusse, où le vénérable et protéiforme Teatro del Silencio (rassemblant plasticiens, acteurs, danseurs, musiciens et autres acrobates – fondé en 1988 au Chili) retracera l’histoire russe contemporaine, le long d’un défilé plein de fureur et aux proportions littéralement soviétiques.
Sur la place Lazare-Goujon, où le chorégraphe Patrice de Bénédetti interprétera Jean, un «solo pour monument aux morts» (avec béquilles) aussi physique que dérangeant.
Ou sur le parvis de l’Hôtel de ville, où Yoann Bourgeois présentera Cavale, une version dédoublée de sa Fugue, minimaliste et gracile variation pour un escalier et un trampoline sur le mythe de Sisyphe (qu’il reprend d’ailleurs aux Subsistances ce mercredi 17 juin).
Autant de spectacles et quelques autres qui, au milieu du vacarme de lamentations nombrilistes (et souvent hypocrites) dont les périodes de crise sont fécondes – suivez notre regard, pas très loin, jusqu’à la place Lazare-Goujon – disserteront d’une manière salutairement festive sur la fragilité et l’iniquité de la condition humaine.
> Les Invites
Du mercredi 17 au samedi 20 juin – spectacles gratuits
Toute la programmation du festival : Ici
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