Au programme, de nombreuses photos, des images d’archives, des tracts mais aussi des textes et des articles de presse. Le mouvement initié par les prostituées lyonnaise est le premier à être vraiment médiatisé, à l’échelle nationale et très vite internationale, notamment via le Times.
Elles sont moins de 100 le premier jour, elles atteignent les 200 le quatrième jour. Rapidement, les prostituées de Lyon sont rejointes par les prostituées des villes alentours. Quand elles rentrent chez elles, elles décident de faire la même chose. Et c’est comme ça qu’en une semaine, plusieurs églises sont occupées dans toute la France.
« On est post mai 68, un climat de lutte règne encore »
Il faut dire que les prostituées ont su trouver des soutiens de différents collectifs. Elles font notamment appel au Mouvement du Nid, une association catholique de réinsertion. Grâce à son réseau, le mouvement fait en sorte que les prêtres de différentes villes acceptent l’occupation de leurs églises par les prostituées. Tout est donc négocié en amont.
Pendant une semaine, elles dorment sur place, et bénéficient de la solidarité des riverains. Les prostituées attirent la sympathie. Comme le rappelle l’une des militantes de Cabiria, c’est aussi l’époque qui veut ça :
« On est post mai 68, un climat de lutte règne encore dans la société. Il suffit de demander aux personnes de plus de 60 ans, généralement c’est un événement marquant ! »
Durant l’occupation, les prostituées tentent en vain de trouver un soutien auprès du gouvernement, elles contactent un à un les ministres de l’époque, Simone Veil y compris. Au bout d’une semaine, le 10 juin 1975, l’ordre d’expulsion est donné par le gouvernement.
C’est dans la violence que les forces de l’ordre arrachent les prostituées à leurs églises. La presse s’en émeut, tout comme l’opinion publique.
Depuis avril l’association a fait un travail de recherche conséquent auprès des archives municipales et de la bibliothèque de la Part Dieu, comme en témoigne l’une des militantes de Cabiria :
« On a surtout épluché les journaux, et on a notamment eu accès aux archives privées de Michel Chomarat [le monsieur « mémoire gay » de Lyon, passé des rangs socialistes de Gérard Collomb à ceux des écologistes, ndlr] qui semblait sensible aux questions de prostitution et d’homosexualité. »
Pour compléter l’exposition, l’association s’est aussi basée sur une thèse de Lilian Mathieu ainsi que sur l’ouvrage du correspondant de Libération à Lyon à l’époque, Michel Jaget, intitulé « Une Vie de putain ». Il a été réalisé avec les femmes qui ont occupé Saint Nizier.
40 ans après, les mêmes revendications
Avec un savant mélange d’images d’archives et de textes -il y aura onze panneaux en tout-, l’exposition revient aussi sur le contexte qui précède cet événement, c’est à dire la dégradation des conditions de travail des prostituées entre 1972 et 1974. Cela passe par l’augmentation des taxes, le nouveau risque de faire de la prison mais aussi la fermeture des bordels. Seules deux voix manquent à l’exposition, celles de Barbara et Ulla, les deux têtes de file de l’occupation des églises.
Le vernissage de l’exposition (mardi 2 juin à 19h, au bar de La Fourmilière), tombe à pic. C’est la date choisie pour la Journée internationale des luttes des travailleuses du sexe, il y aura donc une manifestation à ce moment devant Saint-Nizier. Cela n’a rien d’anodin, comme le confie l’une des militantes de Cabiria :
« Notre exposition est militante et politique. C’est alarmant, en 40 ans il n’y a pas grand chose qui a avancé. Finalement, les prostituées demandent encore la même chose. Les revendications n’ont pas bougé d’un poil. »
Rue89Lyon a régulièrement fait écho de la répression policière et municipales vis à vis des prostituées installées dans la ville. L’exposition se termine le 10 juin.
A voir (ou à revoir) : notre webdoc sur les Filles de Gerland.
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