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Désaccord sur le voile : les militantes lyonnaises d’Osez le féminisme claquent la porte

L’association Osez le féminisme (OLF) possède une forte implantation sur les territoires grâce à ses antennes locales. Celle de Lyon, la plus importante en France, vient d’annoncer la démission de l’ensemble de son équipe. Chez « Osez le féminisme 69 », on dénonce des positions inacceptables au sein des instances nationales, à Paris, sur la question des femmes voilées.

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Désaccord sur le voile : les militantes lyonnaises d’Osez le féminisme claquent la porte

Capture d’écran du site d’Osez le féminisme 69.

« OLF a toujours été claire sur sa position concernant le voile. »

Pour Claire Serre-Combe, l’une des porte-paroles nationales de l’association, la réaction des militantes lyonnaises, réunies au sein d’OLF69, est aussi inattendue qu’injuste.

Leur communiqué a été diffusé dans la soirée du jeudi 28 mai, via le site et le compte Twitter @OLF69. Il dit sans détour les raisons de ce départ, qui sont :

  • d’une part un fonctionnement entre instances nationales et antennes locales jugé autoritaire, trop « pyramidal »,
  • d’autre part, un violent désaccord sur la position relative aux femmes musulmanes voilées.

Elles l’ont ainsi écrit :

« Nous ne pouvons plus militer au sein d’une association qui refuse de se positionner sur certains sujets, laissant ainsi l’islamophobie gangréner la société alors que les femmes en sont les premières victimes. […]

Dans un contexte de montée de l’islamophobie et du racisme, rester silencieuses sur des lois qui discriminent et stigmatisent une population, toujours la même, c’est laisser la possibilité au racisme de s’exprimer en récupérant insidieusement les arguments féministes. »

Claire Serre-Combe, qui a immédiatement répondu à notre sollicitation, tombe des nues, rappelant ce qui lui semble être les fondements d’OLF :

« On vise à l’émancipation de toutes les femmes. On considère que le voile est un instrument de domination patriarcale. Ce n’est pas nouveau. Aussi, je ne comprends pas la méthode employée par Lyon, envoyer un communiqué sans avoir tenté d’ouvrir le dialogue. Il y a toujours eu des temps d’échanges possibles. »

Les militantes lyonnaises, qui ont également déploré le blocage à l’accès de leur page Facebook OLF69, n’ont plus souhaité s’exprimer suite à la diffusion de leur communiqué. Nous avons toutefois eu quelques échos internes :

« Non, il n’y a pas de position officielle d’OLF sur le voile. Ce n’est pas aussi clair ! Relisez la charte des valeurs, rien n’est écrit aussi explicitement. »

La prise de décision des militantes lyonnaises a des airs de coup de sang, provoqué par « une goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». C’est un reportage réalisé par Canal +, diffusé début mai, qui aurait en effet mis le feu aux poudres.

« On a été traitées de racistes »

Le Supplément de Canal + a consacré à Anne-Cécile Mailfert, l’une des porte-paroles parisiennes d’OLF, un portrait intitulé « La féministe 2.0 ». Elle y est aussi présentée comme la « patronne » d’Osez le féminisme, « proche du parti socialiste, même si elle a pris ses distances dernièrement ».

Déjà, comme entrée en matière, le terme de « patronne » a eu de quoi faire grincer des dents les militantes qui aiment croire à une gestion horizontale de l’association.

Dans ce portrait plutôt dithyrambique d’Anne-Cécile Mailfert, on la voit en découdre avec des représentants de Google auxquels elle demande des sous ; on la voit discuter dans un parc avec une jeune femme africaine, émue aux larmes de l’avoir aidée à sortir de la prostitution.

Le reportage donne aussi la parole à l’écrivaine Rokhaya Diallo, qui ne mâche pas ses mots sur OLF :

« Osez le féminisme reste à l’image de tous les mouvements qui se disent progressistes en France, les syndicats, les partis politiques, c’est très très blanc et assez bourgeois. Je ne sais pas quelle place aurait aujourd’hui une femme musulmane, féministe, voilée dans Osez le féminisme. Or, ces femmes-là, je pense qu’elles portent une voix, une voix singulière mais une voix quand même de femme française de 2015. Et je ne suis pas certaine qu’elles seraient perçues comme des féministes légitimes. »

Sur le plateau de l’émission, la porte-parole d’OLF est interrogée par la présentatrice Maïtena Biraben, qui lui demande : « Si une femme vient vous voir voilée, vous ne lui demandez pas de l’enlever ? ».

Anne-Cécile Mailfert a du mal à cacher son malaise, et tente un « Non, on ne dévoile pas, on n’impose pas, c’est un peu violent » :

« Nous on a une position, c’est de dire : les voiles, pas seulement le voile musulman, c’est un signal qui est de se cacher pour les femmes, et ça c’est vrai que nous on est contre. »

A Lyon, OLF69 accuse le coup.

« Après l’émission, on a été traitées de racistes ».

Femmes voilées, femmes prostituées…

Après la diffusion du Supplément dédié à Anne-Cécile Mailfert, elles ne veulent plus assumer ce qui leur semble devenir une « voix officielle » portée par une « patronne ».

Les militantes d’OLF69 ont pris leur décision : les huit membres du conseil d’administration (l’une d’elles démissionne pour d’autres raisons, personnelles) et les quatre membres du comité d’organisation jettent l’éponge. Lors d’un conseil d’administration extraordinaire fixé au 18 juin prochain, elles quitteront toutes leurs fonctions. Si personne ne prend le relais, l’antenne OLF69 sera de fait dissoute.

Dans une autre antenne locale d’OLF, on regrette largement cette démission. Une militante montpelliéraine explique que le débat sur les femmes voilées traverse et anime OLF « depuis des années » et que, en effet, « Paris » ne laisse que peu de place aux éventuelles remises en question.

Claire Serre-Combe convient d’une « difficulté » :

« On est dans un contexte politique très compliqué ; c’est vrai que l’Islam et les droits des femmes sont instrumentalisés par l’extrême droite. Mais l’extrême droite, nous la combattons. Nous avions fait à Paris une plénière, pour montrer qu’il y avait dérive du concept de laïcité. »

Après l’annonce de la démission des militantes d’OLF69, les réactions ont été nombreuses dans les milieux militants impliqués dans les questions féministes et LGBT. Certains ont salué ce qu’ils ont considéré être une « décision courageuse ».

Le petit coup de tonnerre a aussi été l’occasion de remettre sur la table d’autres positions d’OLF sujettes à controverse, comme son ambition abolitionniste vis-à-vis de la prostitution, autre thème qui divise largement les groupes féministes.

 


#Féminisme

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