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Une appli pour mieux vivre sa foi, au hackathon catholique de Lyon

La Bible a beau être d’ores et déjà disponible sur l’Apple Watch, l’Eglise n’a pas l’image d’une institution ultra connectée. A Lyon, le week-end de Pentecôte a pourtant été l’occasion d’un hackathon réunissant geeks, cathos et journalistes curieux : « Hack my church », ou trois jours de « marathon créatif » dans un local posté face à l’église Sainte-Blandine.

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Messe Sainte Blandine hack my church

Messe de la Pentecôte, le dimanche 24 mai 2015 à l’Eglise Sainte-Blandine à Lyon. ©Thomas Bernardi

Nous voilà à la Maison des familles, centre communautaire de la paroisse situé en face de l’Eglise Sainte-Blandine (Lyon 2e), ce dimanche 24 mai. Il est 11 heures. Les murs des salles de travail sont parsemés de post-it et de feuilles de paperboard. Il s’agit à ce moment de la composition des équipes du « hackathon autour de l’Eglise connectée ».

En tout, 45 personnes se sont réparties, selon une terminologie choisie par les organisateurs (codeurs, bricoleurs, artistes, communicants et humains), dans sept équipes, chacune planchant sur différentes thématiques. L’objectif : rendre l’Eglise « connectée » grâce à des « projets utiles » qui utilisent le numérique et les technologies.

L’équipe « Light my prayer », par exemple, s’est emparée du thème : « montrer l’invisible ». Elle a imaginé une grande table tactile devant permettre aux paroissiens d’écrire des messages et des prières avec un stylet. Ces petits mots seront diffusés sur l’un des murs de l’Eglise Sainte-Blandine grâce à un rétroprojecteur. Jean-Théophane, dit J.T., étudiant en master de droit, s’est occupé du contenu et nous l’a ainsi résumé :

« On a réfléchi hier, et puis on est parti sur l’idée de créer un mur de prières. »

Qui sont les geeks de l’Eglise connectée ?

Chez les « Light my prayer », chacun a sa propre conception de la religion et se dit plus ou moins pratiquant. Samuel, codeur en herbe, est un croyant catholique :

« Je n’utilise pas le terme de pratiquant. Je ne l’aime pas. Pour moi être croyant ou pratiquant c’est la même chose. Ça ne se réduit pas à être présent à la messe. »

Dans les croyants affichés, il y a aussi Martin, un « maker bricoleur » :

« J’ai la foi, mais je suis pratiquant quand je veux. J’ai un background catho, je suis l’un des moins engagés de ma famille. En général je trouve les événements de l’Église peu adapté à mes envies. »

Contrairement à Cyril, 42 ans, l’ « artiste » de l’équipe, qui se dit plutôt agnostique :

« J’essaie d’être ouvert à l’ensemble du monde. Le format du marathon créatif m’a plu. Et participer à ce projet me permet de voir qui sont les porteurs de cette religion. L’idée de pouvoir contribuer à un projet collectif sous l’égide de l’Eglise je trouvais ça intéressant, même si je ne suis pas croyant. »

F.G. (qui préfère qu’on l’appelle uniquement avec ses initiales), 28 ans, pratiquant et anthropologue, a trouvé l’occasion de rencontres :

« Je ne suis pas du tout technophile ou technogaga, mais voilà, je prends plaisir à venir rencontrer de nouvelles personnes. »

Charlotte, 20 ans, catholique et étudiante en management, a eu envie de « tester » :

« Ce qui me plaisait c’était la collaboration, le fait de bosser ensemble. J’avais déjà plusieurs fois entendu parler de festivals d’innovation comme celui-ci mais jamais dans le domaine catho. Ça m’a donné envie de tester. »

Mathieu, 36 ans, se définit comme « ancien athée converti au catholicisme » :

« J’ai décidé de participer à Hack my church parce-que c’est typiquement le genre de projet qui m’intéresse et qui est à la croisée des chemins : à la fois celui de la foi et de la créativité. »

« Si je n’étais pas prêtre, je serais dans le numérique »

Yves-Armel Martin qui se balade entre les groupes est l’initiateur du hackathon. Il fait partie de l’équipe des organisateurs qui guide les participants et joue l’attaché de presse :

« Mon rôle c’est de répondre aux journalistes… C’est surtout de piloter l’ensemble et de challenger un peu les équipes. Pour éviter que le projet présenté ne soit pas trop bateau. »

Il avait déjà organisé Museomix, un événement qui ressemblait beaucoup à « Hack my church » puisqu’il s’agissait de travailler et de « brainstormer » en équipe pour réaliser des dispositifs numériques et ensuite les utiliser avec le public dans les musées.

David Gréa, pendant la messe de Pentecôte du dimanche 24 mai. ©Thomas Bernardi

En pensant à Hack my church, Yves-Armel Martin s’est dit qu’il y avait également des choses à faire au sein de l’Eglise :

« Je suis parti du constat qu’il y a plein de choses non exploitées par l’Église dans les technologies numériques, tout ce qui touche aux objets par exemple. »

Le choix de l’Église Sainte Blandine ne s’est pas fait au hasard. C’est en consultant pendant l’été David Gréa, le prêtre de l’église Sainte-Blandine, qu’il a pu commencer à préparer ce hackathon :

« Je voulais le faire avec une paroisse facile pour démarrer. Et surtout trouver un prêtre intéressé. »

Sainte-Blandine, située à deux pas de la gare Perrache, rassemble plus de 1200 fidèles, et son prêtre David Gréa a tout de suite été très emballé par le projet.

Il a même déclaré devant nous à Yves-Armel Martin :

« Quand tu m’as écrit, pour moi c’était un signe du ciel. J’en suis convaincu. »

Le père Gréa est très à l’aise avec les nouvelles technologies et « la modernité ». Son église est quasi unique en France, avec écrans géants, micros et musiques diffusées à plein. Ses messes sont courues.

Messe du 24 mai à l’Eglise Sainte Blandine. ©Thomas Bernardi

Yves-Armel Martin confirme :

« David Gréa est vraiment à fond. Il fait des messes pour les jeunes le dimanche soir. Il est assez rock’n roll. »

Si pendant ses prêches il fait le show et convainc les foules, le père Gréa admet qu’il ne plait pas à tout le monde :

« Il faut l’assumer. C’est avec la pop louange qu’on a pu renouveler l’Église à Sainte Blandine. Si je n’avais pas ça, je serais dans le numérique. »

Une appli pour tenir ses engagements : « ça vous dit un régime spirituel ? »

Dans les salles de travail les sept équipes ont planché sur leurs projets afin qu’ils soient à la fois ambitieux et les plus aboutis possible pour le lundi après-midi, dernier délai avant le vernissage du soir.

Parmi les projets, on retrouve :

  • un site web qui doit permettre aux paroissiens de s’entraider,
  • un parcours dans l’Église façon jeux de pistes avec des flashcodes,
  • ou encore une chapelle nomade qui abrite un mini Corcovado réalisé avec une imprimante 3D.

« L’application propose à un chrétien qui le souhaite de mieux vivre sa foi. C’est un service pour l’aider à tenir ses engagements. L’appli va les lui rappeler. Le chrétien va choisir ses rappels lui-même. C’est un peu comme une appli qui aide à tenir un régime dans la durée. »

Paul et une plante, pas encore connectée : « Ceci est une révolution! »

Dans leur idée, l’application ne sera pas uniquement utilisable via un smartphone. Les messages doivent pouvoir être projetés depuis le pot d’une plante verte afin qu’elle puisse être un support qui représente l’engagement du chrétien. Paul poursuit :

« L’application donne un chemin. La plante, elle, est un objet concret, c’est la vie. »

Son chemin vers la religion n’a pour lui pas été si simple, a dévoilé le bientôt trentenaire, originaire de Givors. Sans trop de détails, il raconte qu’à l’adolescence il ne s’y retrouvait plus avec « les histoires qu’on lui a raconté au cathéchisme ». C’est ensuite grâce à un voyage au Maroc et à la rencontre d’un prête qu’il s’est finalement tourné vers la religion, convaincu.

« Manif pour tous » et geeks paranos

Harold et Guilhem font également partie de l’équipe « Les Intrépides ». Ils sont un peu méfiants lorsqu’ils apprennent que nous préparons un article pour Rue89Lyon. Harold tente de détendre l’atmosphère :

« Les geeks sont complètement paranos. »

Guilhem porte un polo de la « Manif pour tous ». Il finit par nous parler. Pour lui, il y a dans cet événement « un vrai sujet » :

« Il faut aider l’Église à trouver de nouveaux moyens de communiquer. »

Et à se donner une image plus innovante. Les organisateurs ont oeuvré à ce que  l’hackathon se déroule dans les meilleures conditions : repas et pauses cigarettes, comme dans tous les hackatons, ont permis les rencontres. Pendant le travail, pas un mot plus haut que l’autre, pas de dérapage dans les propos malgré les t-shirts affichant les opinions.

Pendant la messe de Pentecôte. ©Thomas Bernardi

Pentecôte, Saint-Esprit et créativité

Le hackathon a attisé la curiosité des médias en ce week-end de Pentecôte, mais pas question d’oublier la célébration religieuse. La messe du prêtre David Gréa était au programme du dimanche soir.

Et pour pouvoir y assister il aura mieux fallu prévoir s’y prendre tôt. Une foule de fidèles s’y est rassemblée, en plus de certains participants du Hack my church qui y ont également assisté, avant de retourner travailler pour une bonne partie de la nuit.

Yves-Armel Martin justifie le choix d’organiser l’hackathon à la Pentecôte :

« Le choix de la date de la Pentecôte est multiple : d’abord, il fait beau et cela permet de faire ça dehors. Ensuite, pour l’Église, c’est le moment où elle reçoit le Saint Esprit. Et le Saint Esprit c’est la créativité. »

Le hackathon avait pour objectif d’aller à contre courant de l’image traditionnelle, relativement austère, de l’Église et de la religion. Ce lundi après-midi, le rendez-vous était donné à 16 heures pour découvrir les fruits du travail des participants lors d’un vernissage dans l’Eglise Sainte Blandine. L’événement a été très suivi sur Twitter ().

La messe de la Pentecôte, ce dimanche 24 mai. Crédit : Thomas Bernardi.

David Gréa, utilisateur de Snapchat (en dehors des moments de messe, a-t-il tenu à préciser), aura-t-il davantage de fidèles ? Il est déjà ravi que la presse soit passée par là et, de ce point de vue, l’opération est réussie :

« Souvent avec les journalistes ce n’est pas très simple à faire passer que les chrétiens sont des gens normaux. On tweete, on a des smartphones ! Pour moi, ça va de soi. »

 


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