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Blog du Taulard #39 : « La prison devient un instrument de gestion des inégalités »

La caste des politiques est montée au créneau après le suicide du maire de Tours. Que c’était émouvant de voir le Sénat, debout, faire une minute de silence ! Leur solidarité a joué à plein dans une belle démonstration médiatique. Tu m’étonnes, lecteur, ils ont tous mis, plus ou moins, les doigts dans le pot de confiture, alors ils se sentent concernés.

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L'ancienne prison Saint-Paul de Lyon, future campus de l'Université catholique © Laura Steen /

Ce qui est très intéressant, c’est de percevoir la ligne de défense de tous ces nantis et de mesurer son écart avec « la vraie vie », comme on dit, puisque dire « la vie » tout court n’y suffit plus tant on dévoie la réalité.

On peut repérer à quel point ils n’imaginent même pas être poursuivis pour leurs malversations récurrentes et sont outrés qu’on puisse les soupçonner et remettre en cause leurs privilèges.

Ils nous jouent l’air de l’injustice en parlant de ces journalistes qui les jettent en pâture à la vindicte publique et de l’acharnement des juges en mal de reconnaissance.

Protester sur les méthodes policières ?

La politique est dure nous disent certains, Devedjian en tête, en jouant les victimes. Mais alors, si c’est insupportable, pourquoi sont-ils prêts a vendre père et mère pour se faire élire ? Seraient-ils masochistes ? Dassault et Tibéri aiment-ils se faire fouetter  ?

Bien sûr, référence est faite à la figure emblématique de Bérégovoy, celui qu’on avait jeté aux chiens d’après Mitterrand. Car ils te serinent, lecteur, que les rares brebis galeuses chez les élus ne sont pas significatives. Pourtant la liste commence sérieusement à s’allonger : Balkany, Copé, Sarko, Cahuzac, Guerini, Guéant…

Quand on entend Ciotti, le pourfendeur de la délinquance et le chantre de la sécurité absolue, nous chanter le refrain de la virginité et de l’innocence naïve, quel comédien, on en reste sur le cul.

Je ne suis pas là pour ressasser ce que tout le monde sait, mais pour rappeler que, lorsqu’il s’agit d’un infracteur lambda, personne ne vient protester sur les méthodes policières, la férocité des juges, la logorrhée des médias.

Lorsque nous, les petits, les « délinquants » rejetés, mais cela vaut pour toi aussi, lecteur, nous tombons entre les mains des flics, puis des juges, outre que nous n’avons pas une armada d’avocats procéduriers à la recherche de la moindre subtilité juridique pour au moins retarder les échéances, on n’a pas droit à la parole. Nous ne sommes pas des témoins assistés. Se retrouver au commissariat, c’est déjà être coupable ! Il n’y a pas de présomption d’innocence qui tienne ni de fumée sans feu. Pour nous, lorsqu’un se suicide, c’est un aveu de culpabilité et une fuite devant ses responsabilités.

L’ancienne prison Saint-Paul de Lyon, future campus de l’Université catholique © Laura Steen / Rue89Lyon

Oui, il y a une justice de classe

Sais-tu comment cela se passe dans pendant une garde à vue ou dans le cabinet d’un juge d’instruction ? Tu dois répondre aux questions qu’on te pose et ne pas « digresser ». Pas de subtilités, d’explications annexes. Non ! Si tu veux parler d’un autre élément, d’une autre interprétation, si tu veux amener une contradiction, c’est impossible.

Il n’y a qu’au cinéma qu’on peut entrer dans le mythe de l’avocat qui s’insurge ou du présumé coupable qui peut protester et interpeller le magistrat. Dans la vraie vie ça n’existe pas. Nous lorsqu’on est mis en examen, c’est direct la taule pour rester sous la main du juge, car évidemment si on sortait libre de ces interrogatoires on ne pourrait que s’enfuir pour nous défiler ou suborner des témoins. Direct en taule pour avoir troublé l’ordre public, chef d’accusation fourre tout.

Oui, il y a une justice de classe : la comparution immédiate pour les pauvres qui distribue les mois de prison à tour de bras, et la procédure pour les riches et les nantis qui dure, qui dure… Et si un riche écope de quelques mois de taule, événement rarissime, il a l’aménagement direct à la barre. Comme le dit Fassin, (oui, on m’a offert le livre)  : « la prison devient de plus en plus clairement un instrument de gestion des inégalités ».

La prison est avant tout un résultat politique

Lecteur, il est temps que tu comprennes que la prison est d’abord et avant tout un résultat politique et idéologique, car il est établi, sans discussion possible, que le quasiment triplement du nombre des prisonniers en 20 ans, alors que les crimes sont en baisse constante (meurtres et viols. Si, si, ne crois pas la télé, va voir les vrais chiffres), n’a qu’un faisceau de causes qui sont tous liés à la paupérisation grandissante de la société.

J’ai lu, dernièrement, un doc qu’on m’a fait passer : dans une tribu en Afrique, lorsque quelqu’un commet une infraction, un groupe de personnes se réunit autour de lui et lui rappelle pendant un jour ou deux, toutes les choses bien qu’il a fait dans sa vie. Le vivre ensemble, dans cette tribu, est totalement harmonieux.

Je sais que tu as tout de suite des tas d’arguments qui montent dans ta tête pour te dire que ce n’est pas possible à l’échelle d’un Etat et que cela ne peut pas marcher et mépriser ce vécu là. Qui aurait pu dire, avant d’essayer que le poivre vert se mariait très bien avec les fraises et générait des saveurs fabuleuses ? On peut ne pas aimer, on peut ne pas vouloir remettre en cause ses habitudes culinaires, mais on ne peut pas dire que ça ne marche pas.

Quand un Estrosi dit qu’il faut savoir perdre quelques libertés individuelles pour protéger la liberté, passe moi l’expression, il t’entube, lecteur, et bien profond. Alors, s’il te plaît, n’applaudit pas ce genre de monstruosités.


#Prison

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