Tu vas dire, lecteur, que je fais des raccourcis hasardeux, voire du syllogisme. Alors va dans un tribunal, au hasard celui des comparutions immédiates. Passes y un après-midi entier et écoutes. Les juges font du 49-3 à longueur d’affaire.
L’audience est une mascarade car en lisant le dossier ou en le découvrant, avant même d’entendre la personne prévenue, l’avocat ou qui que se soit, le juge a déjà pris sa décision et va la faire passer avec la complicité du procureur. Et ce qui est valable pour ce tribunal d’exception (les comparutions immédiates) l’est aussi pour tous les autres. Je ne parle même pas du prétoire interne à la taule où tu ramasses du mitard à la pelle.
Il y a bien des couacs de temps en temps évidement. Quelquefois, ça passe par maille comme on dit. Tiens, Taubira par exemple, qui n’a dit mot pendant toute l’affaire des attentats et sur la pseudo radicalisation dans les taules qui va justifier, petit à petit, la création des Guantanamo à la française, c’est-à-dire très hypocritement, va à l’ONU, hors du pays donc, et dit clairement que la prison n’est que très secondairement un lieu de radicalisation. Pourquoi ne vient-elle pas le dire à la décharge sauvage qu’est le journal de Pujadas ?
Avec la loi Macron, les patrons ne risquent plus la prison
On te parle du travail le dimanche pour cette loi ignoble imposée, des autocars, des notaires (mais là il y a eu reculade, comme par hasard), des autos-écoles, mais rien sur le fait que les patrons peuvent maintenant tordre le code du travail, les conventions collectives et toutes les dimensions sociales des travailleurs, ils ne risquent plus la prison, juste des amendes. Bon, faut dire qu’ils étaient déjà extrêmement rares dans les quartiers VIP.
En France, on interpelle des gamins de 8 ans ou 10 ans parce qu’ils ont ânonné une connerie entendue au bas de leurs cages d’escaliers et ne savent même pas ce qu’ils disent, on condamne à la prison avec sursis une mère de famille débordée pour l’absentéisme de son fils à l’école et Ciotti et Estrosi s’en réjouissent ouvertement à la télé avec leur sourires carnassiers. Et pendant ce temps là :
- Balkany fanfaronnent devant les caméras
- Macron, encore lui, affirme que les français sont trop payés
- Un député déclare à la question des coûts des transports en commun pour les chômeurs qu’ils n’ont qu’à marcher puisqu’ils n’ont que ça à faire…
l’arbitraire est démultiplié entre les murs de la taule
Voilà, lecteur, ces quelques miettes de l’arbitraire que tu peux constater, si tu en as l’envie et la possibilité, sont démultipliés de manière exponentielle dans les murs et c’est en ça que la taule en est la loupe. Et c’est pour cela que tu devrais suivre attentivement ce qui se passe dans ces lieux clos. C’est dans cet endroit que l’on teste les futures limites qu’on pourra faire reculer, comme on la fait pour les caméras dans les taules, puis dans les rues. Ce n’est pas du complot, juste du réflexe chez ceux qui cherchent à être élus ou réélus.
On te dit : les QHS en France n’existe plus. Rigolade ! Va regarder de près la dernière prison sortie de terre, à savoir Alençon-Condé-sur-Sarthe, tu vas voir si ça n’existe plus. Et la future sera encore pire. On a raison de parler de torture blanche, ce n’est pas de la rhétorique, je te l’assure. Tant que les prisonniers se suicident ça va. Et les quelques uns qui tentent l’évasion, obligatoirement violentes puisqu’on ne peut plus passer par les toits, servent de justificatifs aux renforcements de la trique.
Quelques voix s’élèvent par ci par là pour dire la vérité, à savoir que les chiffres de la délinquance baissent, que la France est le pays européen où il y a les moins de crimes de sang, que l’insécurité est une manipulation entretenue par les médias sous la houlette des politiques, que toutes les autres prisons européennes voient le nombre de prisonniers diminuer, on continue à vouloir enfermer toujours et encore comme les gamins qui se réjouissent autour d’une bagarre dans la cour de récréation en gueulant : du sang, du sang !!!
La prison n’est pas l’école du crime
On te dit : la population carcérale a diminué en 2014. 400/500 de moins ? La belle affaire alors qu’elle a doublé en 10 ans passant de 35 000 à quasiment 70 000.
La France est montrée du doigt par toutes les organisations qui tentent d’œuvrer pour les droits de l’homme sur sa surpopulation carcérale, sur les traitements dégradants des prisonniers, sur l’ignominie des accueils de migrants. Il est dit aussi que ce pays est le plus sévère en matière d’immigration de tous ceux de l’union européenne et le recordman des reconduites à la frontière. Mais non, les boucs émissaires restent solidement désignés comme si de rien n’était. Et certains de plaider hypocritement pour plus d’humanité en prison, comme si cela était possible.
Quelques uns tentent avec bonne conscience de dire le coté néfaste de la taule en parlant de prison comme école du crime, (ça claque ça comme expression hein?) alors qu’elle n’est en aucun cas cela. Tu penses bien qu’on attend pas d’être enfermé pour avoir les renseignements qui permettent de monter sur telle ou telle affaire et comment il faut s’y prendre. C’est juste une espèce de « romantisme » sordide, comme l’était ce film bidon d’Audiard avec « Un Prophète » (voir la bande annonce ci-dessous). Dans les ghettos des cités, et en regardant faire les dirigeants et les élus il y a largement de quoi avoir tous les éléments pour faire un coup.
Parler avec conviction n’est pas agresser, c’est dire sans détour
Je sais, tu dis, peut-être, lecteur, que je fais des liens entre des événements complètement différents, que je mélange les choses, que j’embrouille des fils pour tisser un patchwork afin de fuir les responsabilités, que je ne suis pas un expert et que je pète plus haut que mon cul. Facile ! C’est ce qu’on nous a appris à faire depuis toujours : discréditer celui qui dérange.
Mais en vérité, je dérange qui ? Avant d’entonner la ritournelle, si tu le fais, va vérifier si je dis des conneries. En taule, enfermé, j’arrive quand même à avoir les sources d’information. Et crois moi, ce n’est pas facile, mais, comme dit l’autre, j’ai que ça à foutre. Mais toi qui est dehors, qui a accès très facilement à tout ça, comment ça se fait-il que tu ne le saches pas, ou que tu n’y a accordé aucune importance ?
Contrairement à ce que disent certains commentateurs de mon blog, je ne t’agresse pas lecteur, je te parle droit. C’est juste que je n’utilise pas cette langue de bois qu’on appelle le politiquement correct et qu’on en n’a plus l’habitude. Parler avec conviction n’est pas agresser, c’est dire sans détour. Et mon intention n’est pas de soliloquer sur ce 9 mètres carrés. Je te parle, je m’adresse à un interlocuteur comprenant. L’ironie peut être de bon goût, et parfois déclencheur de réflexion, si elle n’est pas méprisante et tu peux être sûr que je ne te méprise pas.
Je fais volontairement les ponts entre le dehors et le dedans, car je ne veux pas faire dans l’écrit misérabiliste qui se rengorgerait à décrire le quotidien insupportable des taules, et bien réel, pour faire pleurer Margot. Je ne fais pas dans le gore, et pourtant il y a matière, parce que je ne suis en aucun cas un journaleux. Je refuse le spectaculaire et je ne veux pas utiliser le sordide et le sanguinolent pour me faire entendre, sinon je risque d’accentuer encore plus l’isolement et cette fausse exception que sont les taules. Je souhaite que chacun entende qu’il n’est pas extérieur à la prison et qu’il est concerné par elle, dans sa dimension éthique et humaine comme dans celle de sa citoyenneté. Et je dis : tu ne peux pas t’en laver les mains.
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