Comment obtient-on le consentement pour un TV sur patiente endormie par étudiants? cc @ordre_medecins et @UnivLyon1 http://t.co/zLMlCqKHLh — Karim (@KarimIBZT) 28 Janvier 2015
Tout est parti de ce tweet daté du 28 janvier dernier. Celui d’un pharmacien basé à Paris et sensibilisé à la question des examens médicaux gynécologiques non consentis, comme il l’a expliqué dans les colonnes du Progrès du 30 janvier dernier (lien payant):
« Je suis très sensible à ces questions car ma femme est enceinte et qu’on lui a réalisé un frottis sans son accord. Là, je m’interroge vraiment pour savoir si on a interrogé la patiente avant de l’endormir et recueilli son consentement ».
Le lien pointe vers un carnet destiné aux étudiants en médecine de Lyon Sud pour leur stage en gynécologie. A la rubrique « savoir-faire », il est stipulé que les étudiants seront évalués sur
« l’examen clinique de l’utérus et des annexes par le toucher vaginal et le palper abdominal (apprentissage du bloc sur patiente endormie) ».
La fac de médecine l’a alors retiré de son site après sa diffusion sur Twitter. Mais il reste une version dans le cache de Google. Dans un second carnet de stage, dont un extrait a été mis en ligne sur le site de Métronews, il est demandé aux étudiants d’être présents tous les jours au bloc « parfaitement à 8h30″ pour rendre compte notamment de « TV/AG ». L’abréviation de « toucher vaginal sous anesthésie générale ». CARNET DE STAGE-lyon1
Pour la faculté, il s’agit « de vieilles méthodes »
Carole Burillon, doyenne de la faculté de médecine, assurait le 30 janvier dans Le Progrès qu’il s’agissait de vieilles méthodes :
« Ce sont de vieux documents qui ne sont plus utilisés depuis longtemps. C’est une négligence. Il faut éviter d’avoir des expressions comme cela dans nos carnets de stage », assurait-elle.
Le chef de service référent inscrit sur l’un des documents, assure lui à Métronews ne pas connaître l’existence de ce carnet, de fait ne pas l’utiliser et n’avoir jamais « entendu dire qu’une telle pratique se fasse à Lyon Sud”. Pourtant, publiés sur site de la faculté de médecine de Lyon Sud (rattachée à l’université Lyon 1), ces carnets de stage sont présentés par les enseignants et servent de grille d’évaluation des étudiants. Ces documents sont plutôt récents si on observe les différentes dates de mise en ligne. Selon les disciplines, ils ont été mis en ligne entre 2010 et 2014. La même professeure Burillon, a affirmé que ces actes se pratiquaient lors d’opérations chirurgicales « abdomino-pelviennes » où « les patientes savent qu’on va les examiner quand on les opèrent » :
« On est dans la transparence avec les patients ».
Le 2 février, elle déclare pourtant sur Métronews :
« On pourrait effectivement demander à chaque personne l’accord pour avoir un toucher vaginal de plus mais j’ai peur qu’à ce moment-là, les patientes refusent. »
La question du consentement
La question que soulève ces documents est bien celle du consentement. A la faculté de médecine ont assure que l’apprentissage des étudiants se fait lors d’opérations réalisées par un chirurgien ; un interne et un externe sont présents pour l’assister. Les choses seraient donc claires pour les patientes. Mais les intitulés des documents décriés jettent le trouble. En clair, la faculté de médecine ferait-elle s’entraîner ses étudiants à des examens gynécologiques sur des patientes endormies qui n’ont pas nécessairement donné leur consentement à les recevoir en plus de ceux du praticien titulaire ? Différents témoignages sur la toile d’étudiants en médecine évoquent de telles pratiques. Notamment celui du docteur Christine Maynié à Lyon, sur son blog. Pour Béatrice Kammerer, présidente de l’association de parents Les Vendredi Intellos, très active sur Twitter pour relayer l’existence de ces documents, la situation est claire :
« C’est un secret de polichinelle. Ces documents révèlent une pratique, on ne peut pas dire que ça n’existe pas. Il faut affirmer qu’on ne peut pas se passer du consentement de la patiente ».
Pour elle, si la pratique se vérifie, elle évoque la définition juridique du viol sans pour autant la qualifier comme tel. Ce mardi 2 février, un étudiant en médecine à Lyon Sud, affirme dans une tribune sur le site du Plus de l’Obs que ces pratiques n’ont pas cours dans sa faculté. Impossible pourtant d’affirmer pour l’heure à la simple lecture des documents l’existence d’un encouragement systématique à de telles pratiques d’apprentissage dans la faculté de médecine de Lyon Sud, sans consentement préalable. La fac a démenti officiellement dans un communiqué encourager ses étudiants à pratiquer « sur des patientes anesthésiées ». Nous avons sollicité l’université, mais c’est finalement lors d’une conférence de presse ce mercredi matin qu’elle tentera d’éclaircir sa position.
« Ce carnet de stage je ne sais pas d’où il sort »
Ce mercredi 4 février à 10h30, les Hospices Civils de Lyon et l’Université Lyon 1 tenaient donc une conférence de presse. Etaient présents devant les journalistes : Carole Burillon doyenne de la faculté de médecine de Lyon Sud; François Golfier et Daniel Raudrant respectivement actuel et ancien chef du service de chirurgie gynécologique et cancérologique – obstétrique de l’hôpital Lyon Sud. Ils ont réitéré leur démenti total concernant l’apprentissage au toucher vaginal sur patientes endormies par leurs étudiants. Selon eux :
- personne ne sait à l’hôpital d’où provient ce carnet de stage ;
- aucun acte ou examen médical n’est pratiqué sur des patientes sous anesthésie générale au bloc par des étudiants dans un but de formation ;
- les patientes sont informées durant tout le temps de leur prise en charge, de la consultation jusqu’au post-opératoire, des personnes assurant le suivi et les soins y compris les étudiants en médecine.
Le professeur Daniel Raudrant, dont le nom figure sur le carnet de stage incriminé, a assuré être « tombé des nues » à sa découverte.
« Ce carnet, je ne sais pas d’où il sort. J’exerce ici depuis 1986 et aucun de nos carnets de stage n’a mentionné de toucher vaginal réalisé sous anesthésie générale. Cela ne s’est jamais passé et ça ne se pratique pas. Je cherche à savoir d’où il vient. Ce n’est même pas une fiche de Lyon Sud. »
Alors, un canulard, une mauvaise blague, un faux ? « Ce doit être une secrétaire qui a dû la récupérer et transposer mon nom dessus comme j’étais chef de service en 2010-2011 », répond le médecin. Les trois praticiens ont également invoqué un transfert de documents à l’occasion de la refonte du site internet de la faculté à la même époque. « Nous aurions dû purger ces vieux documents », a ainsi regretté Carole Burillon.
« Le professeur de médecine qui examine devant 50 étudiants c’est fini ça »
Concernant la formation des étudiants, Daniel Raudrant assure que :
« Le moment de l’apprentissage se fait en consultation. Avant de pratiquer sous notre contrôle les étudiants se sont entraînés sur des mannequins. »
François Golfier, de son côté a insisté sur le « respect de la dignité des femmes qui est [notre] leitmotiv quotidien » et sur l’information qui leur est faite concernant la composition du personnel médical au cours de leur opération.
« Dans une équipe chirurgicale il n’y a un seul étudiant en médecine. N’imaginez pas qu’il y a 4,5 ou 6 étudiants dans le bloc durant une opération. Le professeur de médecine qui examine devant 50 étudiants c’est fini ça. Les femmes sont donc bien informées quand elles arrivent au bloc qu’il y a des internes et des étudiants dans l’équipe. »
L’actuel chef du service de chirurgie gynécologique et obstétrique a écarté les doutes suscités par les intitulés des méthodes d’évaluation contenus sur ce fameux carnet de stage d’un revers de main : « Avant ça a peut-être été pratiqué mais ce sont de vieilles méthodes ». Avant d’apporter une précision :
« Des examens médicaux de formation sur des patientes endormies par des étudiants ça n’existe pas. En revanche des gestes médicaux dans le cadre d’une opération sous anesthésie générale, oui ça se pratique. Un chirurgien n’opère jamais seul, nos aides opératoires sont des étudiants. »
Pour cette conférence de presse des étudiants en médecine étaient aussi présents. « Venus spontanément » selon les médecins, ils ont témoigné du respect des protocoles d’examens et de soins gynécologiques de leurs aînés. Daniel Raudrant, visiblement ému et la gorge serrée, larmes aux yeux, s’est dit « choqué » par cette polémique et a tenté de mettre en avant la qualité des soins pratiqués par son service :
« C’est un bloc où ne travaillent que des femmes quasiment, si de telles pratiques avaient eu lieu il y aurait déjà eu un rapport d’incident. Il y a aussi de toute façon une sanction du marché. Le service est plein à craquer, on a des délais d’attente démentiels. »
Avant de conclure : « Un jour où l’autre on en arrivera à filmer les opérations ».
> Article mis à jour mercredi 4 février 2015 après la conférence de presse
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