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Indemnités des élus de la Métropole de Lyon, scandaleuses ou très justes ?

[Explicateur] L’annonce de l’augmentation des indemnités versées aux conseillers métropolitains (+ 20% par rapport à ce qu’ils touchaient en tant que conseillers communautaires) à l’occasion de la création de la Métropole de Lyon a suscité… un tollé. Annoncée à côté d’une autre délibération amendée, l’augmentation des impôts locaux de 5% pour les contribuables de cette collectivité à compétences élargies, le choix du montant des indemnités n’est pas passé du tout. Comment a-t-il été calculé, quelle est la réalité de son contenu ?

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siège de la Métropole de Lyon, rue du Lac (Lyon 3ème). © Guillaume Bernard/Rue89Lyon

siège du Grand Lyon rue du Lac (Lyon 3e). © Guillaume Bernard/Rue89Lyon

Pourquoi le principe d’une augmentation a-t-il été voté

Car la loi le prévoit et l’autorise donc, au regard de la charge de travail supplémentaire induite par les nouveaux dossiers de la Métropole (liés aux nouvelles compétences sociales). Gérard Collomb a donc proposé parmi une longue liste de délibérations la fixation des indemnités des élus, correspondant à des augmentations individuelles.

C’est Michèle Vullien, maire divers droite de Dardilly et vice-présidente à la Métropole, représentante du groupe Synergie (petites communes de l’agglo plutôt classées à droite mais partenaires du président PS Gérard Collomb), qui s’est collée aux réponses :

« Je le regrette comme vous car en annonçant ça en même temps que l’augmentation des impôts, on donne un signal… Bon, c’est si comme si on augmentait les impôts pour pouvoir faire cette augmentation des élus. Mais ce n’est pas ça ! »

Pierre Hémon, conseiller métropolitain EELV et appartenant à un groupe politique qui a voté cette délibération, nous l’a expliqué dans un échange public sur un réseau social :

« Le travail, le nombre de dossiers augmente de 30 à 50%. Soit on est un riche rentier et un héritier fortuné et tout va bien. Sinon cela veut dire diminuer son temps de travail professionnel pour compenser. »

La justification donnée par Thérèse Rabatel (du groupe Métropole Gauche solidaire), rapportée par le Progrès, en a estomaqué plus d’un :

« Si on n’indemnise pas correctement les élus, on provoque le cumul des mandats« .

Michèle Vullien a tenté de rattraper le coup en élargissant le débat et en regrettant qu’en France, il n’y ait pas de véritable statut de l’élu qui, s’il perd son mandat, peut se retrouver le bec dans l’eau.

Pour ce qui est de l’argument de l’augmentation du travail qui justifie une augmentation mécanique des indemnités, il a du mal à passer : par exemple, un riverain de Rue89Lyon notait, non sans une pointe d’ironie, que si les agents de Pôle Emploi voient la masse de leurs dossiers augmenter de 30%, sans personnel supplémentaire, ils ne sont en aucun cas davantage rémunérés.

 

Pourquoi une augmentation de 20 % et pas davantage ou pas moins

Michèle Vullien ne veut pas de « bataille rangée » pendant les six années de mandat à venir © Pierre Maier/Rue89Lyon.

La loi fixe un barême maximum. Un maximum que Gérard Collomb a choisi de ne pas atteindre. Michèle Vullien s’énerve presque en le disant :

« On a fait le choix de ne pas accorder aux élus le montant maximal auquel ils pouvaient prétendre. C’est la raison pour laquelle un conseiller métropolitain recevra une indemnité mensuelle brute de 1312 euros ; c’est à dire moitié moins que ce qu’autorisait le maximum légal qui était de 2661 euros. On l’a mis à l’équivalent de ce qu’a un élu de la Ville de Lyon, c’est le minimum que l’on pouvait faire, vous n’imaginez pas que le conseiller métropolitain ait une indemnité moindre qu’un conseiller communautaire, ce n’est pas indécent. « 

Ensuite les membres de la commission permanente recevront une indemnité brute de 2444 euros ; le maximul légal allant jusqu’à 2927 euros. Les vice-présidents sont à 2688 euros bruts ; le maximum légal étant de 3725 euros.

Le président PS Gérard Collomb touchera 4889 euros ; son maximum étant à 5512 euros. Michèle Vullien justifie particulièrement cette indemnité :

« Ce n’est pas extravagant pour le président d’une Métropole de plus d’1,3 millions d’habitants. Je vous rappelle que ça ne s’additionne pas avec ses autres activités car il y a un plafonnement ! Dans l’imaginaire populaire, les élus c’est des affreux. Mais les élus ça travaille aussi. On va avoir à gérer toute une série de dossiers dont on n’avait pas connaissance avant, on est moins nombreux que si on avait additionné le nombre de vice-présidents de l’ancien conseil communautaire et ceux qui étaient conseillers généraux, on est moins pour faire le boulot et qui va encore croître. »

Certains font le parallèle avec la situation des agents salariés de cette nouvelle Métropole. Ceux du Département et ceux du Grand Lyon ne gagnaient pas les mêmes sommes : dans les situations de revalorisation des salaires (qui aura pour but d’égaliser les statuts), elle devra se faire progressivement, sur six années.

Evidemment la masse salariale est plus importante que la masse indemnitaire des élus et ne pouvait donc pas être traitée de la même façon mais à côté d’un discours global prônant prudence et restrictions économiques, l’augmentation des élus ne donne pas une image positive.

 

Où se situent les indemnités des élus dans le budget

A noter, le premier budget global de la Métropole de Lyon a été évalué et amendé, pour 2015, à hauteur de 2,2 milliards d’euros. La nouvelle masse indemnitaire des élus de la Métropole de Lyon représente un total de plus de 4,4 millions d’euros annuels. Il s’agit d’une dépense de fonctionnement.

Ci-dessous, le graphique montrant la répartition des dépenses de fonctionnement. La ligne correspondant à la masse indemnitaire se trouvent dans le segment bleu foncé « autres charges » :

Répartition des dépenses de fonctionnement (budget principal de 2187,5 millions d’euros). Crédit : Métropole de Lyon.

Une particularité est à relever également pour quelques élus : 38 cantons ont été impactés par la création de la Métropole. Avant cela, 16 élus qui cumulaient les mandats de conseiller général et de conseiller communautaire. Lorsque les compétences des deux anciennes collectivités, 13 élus ont perdu leur mandat de conseiller général et sont devenus conseillers métropolitains. Les 3 autres élus ont encore un bout de leur canton sur le Nouveau Rhône et restent donc conseillers généraux à ce titre : ils cumulent les mandats métropolitains et départementaux.

Tous les autres perdent un mandat et, par conséquent, plus de la moitié de leurs indemnités.

 

Pourquoi la Métropole parle d’une économie de plus d’1 million d’euros

C’est Pierre Hémon, conseiller métropolitain EELV qui a le premier évoqué l’économie :

« L’argument financier que vous n’avez (peut-être) pas repris est que la Métropole économise les 3 douzaines de conseillers généraux qui étaient plutôt grassement indemnisés par le Département. Donc sur le territoire dit Métropole qui regroupe ex-Grand Lyon et ex-conseil général , pour traiter l’ensemble des compétences, le nombre d’élus est moindre et le total des indemnités est moindre aussi (de l’ordre d’1 million d’euros par an). »

Lorsque nous avons sollicité la Métropole pour entrer dans le détail et aborder sous d’autres angles cette augmentation de la rémunération des élus, un communiqué a été envoyé à toute la presse dans la journée pour redire cela et préciser le montant de l’économie : 1 125 553 euros.

Mais cette économie fait-elle mieux accepter l’augmentation des élus ? Pas vraiment. Parmi la multitude de voix qui s’est élevée contre cette augmentation, Stéphane Sacquépée, ancien directeur de campagne d’un candidat centriste aux municipales et représentant d’Anticor à Lyon, a écrit :

« Comment illustrer par le comportement que l’on fait en temps qu’élu l’inverse de ce que l’on préconise aux autres : les autres, ces contribuables, fonctionnaires, petites gens et autres entrepreneurs. L’argument sur l’augmentation du nombre de dossiers ne semble pas être le plus judicieux. »

 

Pourquoi les élus de droite ont-ils voté contre l’augmentation

Les élus de droite ont voté contre la délibération qui a fixé leurs indemnités, à cause de la hausse qu’elle impliquait. Mais en réalité, c’est la hausse des indemnités des 24 membres de la commission permanente que les élus d’opposition pointent plus précisément (aucun d’eux ne siège dans cette commission permanente). La loi autorise que leur indemnité soit supérieure de 10% à celle du conseiller métropolitain « classique ». Gérard Collomb a appliqué la règle et l’opposition la conteste donc.

Une simple querelle politique ou un véritable problème de structure indemnitaire ? Plusieurs élus de droite nous ont confirmé qu’un recours devant la justice était bien à l’étude.

« Il n’y a rien d’illégal dans ce qu’on a fait, assure Michèle Vullien. L’opposition n’a pas voulu participer à la commission permanente, c’est normal que maintenant… elle s’oppose ! C’est le jeu. »

Les conseillers métropolitains UMP donnent dans cette affaire le sentiment d’opter pour une posture, puisqu’ils communiquent sur le refus des hausses, mais vont en bénéficier malgré tout. S’ils n’en veulent pas, on peut leur suggérer de reverser la différence à la collectivité, à une association, de façon publique, pour une protestation concrète.

 

Les élus peuvent-ils être rémunérés en fonction de leur présence et de leur travail ?

Oui. C’est même une idée qui plairait « beaucoup au président », selon Michèle Vullien. La commission en charge du règlement intérieur va éventuellement plancher sur l’éventualité de moduler l’indemnité selon la présence et l’absence des élus. Ce qui est plutôt dans l’air du temps : l’assemblée nationale vient d’adopter un amendement, défendu par le député UMP de Haute-Savoie Lionel Tardy, qui permettra donc de moduler les indemnités des élus des conseils régionaux et départementaux en fonction de leur présence.

Une promesse à surveiller pour voir si elle se transforme dans une prochaine salve de délibérations.

 


#Economie

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