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Le prêtre Gérard Riffard, hébergeur de demandeurs d’asile : la cour d’appel de Lyon incompétente

Ce mardi matin, la cour d’appel de Lyon a rendu son verdict concernant le père Gérard Riffard. Elle s’est déclarée incompétente, en précisant que le curé stéphanois aurait dû être poursuivi pour un délit et non faire l’objet d’une contravention qui relève du tribunal de police. La balle est désormais dans le camp du procureur de Saint-Etienne qui doit décider s’il poursuit ou non le curé.

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Gérard Riffard, curé à Saint-Etienne, poursuivi pour avoir logé des demandeurs d'asile. Crédit : Yann Petiteaux/Rue89Lyon.

Le 9 septembre dernier, le tribunal de police de Saint-Etienne avait acquitté le père Gérard Riffard. Mais le parquet avait contesté cette décision, ce qu’il lui avait valu de comparaître devant la cour d’appel de Lyon le 2 décembre dernier.

Le prêtre stéphanois était poursuivi pour avoir hébergé des demandeurs d’asile dans son église de Montreynaud, à Saint-Etienne, contre l’avis de la mairie. Depuis de nombreuses années, ce prêtre à la retraite accueille des dizaines de personnes en attente d’une nouvelle vie.

Nous republions le portrait que nous avions fait de lui, à l’occasion de son passage devant le tribunal de police.

 

Gérard Riffard, curé à Saint-Etienne, poursuivi pour avoir logé des demandeurs d'asile. Crédit : Yann Petiteaux/Rue89Lyon.
Gérard Riffard, prêtre à Saint-Etienne, poursuivi pour avoir logé des demandeurs d’asile. Crédit : Yann Petiteaux/Rue89Lyon.

 

Le 11 juin 2014, à l’issue de son audience devant le tribunal de police,  le ministère public avait requis une amende de 11 950 euros. Plus de 200 personnes étaient venues le soutenir.

Vue de l’extérieur, la petite église Sainte-Claire ne paie pas de mine. Avec son toit pentu et sa chair de béton, elle conserve le charme désuet des années 1970. Le modeste lieu de culte n’est pourtant pas anodin. Né il y a quarante ans avec la ZUP stéphanoise de Montreynaud, il sert actuellement d’accueil provisoire à quarante adultes et douze enfants. Tous africains et demandeurs d’asile.

 

« Je suis comme Abraham, père d’une multitude »

Petit gabarit en bras de chemise, le père Gérard Riffard est la figure animatrice de cette petite communauté autogérée. La tâche est lourde pour ce retraité qui vit d’une pension de 700 euros, mais il est porté par le « désir de servir » :

« Je suis comme Abraham, père d’une multitude », plaisante le prêtre catholique.

A bientôt 70 ans, l’ancien curé de Montreynaud préside Anticyclone, une association qui a pour vocation d’accueillir et d’accompagner les demandeurs d’asile. Au fil des années, il a fait de l’église Sainte-Claire -située juste en face du bureau de police du quartier- un toit pour ces migrants démunis en attente d’une nouvelle vie.

Une situation qui ferait aujourd’hui de cet homme de foi un hors-la-loi. Car à l’été 2012, suite à une visite de la commission municipale de sécurité, les services de la mairie ont pris un arrêté interdisant toute activité d’hébergement au sein de l’église ; avant de saisir la justice pour non respect de cet arrêté.

Lors de l’audience qui s’est tenue ce mercredi 11 juin au tribunal de police de Saint-Etienne, le procureur de la République a requis une amende de 11 950 euros et le jugement a été mis en délibéré au 10 septembre.

 

« Notre ville est arrivée à saturation »

Les poursuites à l’encontre du père Riffard se basent sur des raisons sanitaires et de sécurité. Marie-Christine Buffard, adjointe en charge des affaires juridiques, plaide pour sa mairie :

« Imaginez une seule seconde qu’un incendie se déclare. La responsabilité de la mairie pourrait être mise en cause dans la mesure où nous avions connaissance de la situation ».

« Le danger, est-il dans notre salle ou est-il dans la rue ? », interroge de son côté le père Riffard qui assure faire le maximum pour respecter les règles de sécurité.

Pour Marie-Christine Buffard, d’autres solutions doivent être mises en œuvre :

« Lorsqu’un demandeur d’asile arrive en France, il est logé par la préfecture pour le compte de l’Etat, précise-t-elle. S’il n’y a plus de places -ce qui est le cas à Saint-Etienne-, il faut en chercher dans les villes qui ont encore des capacités d’hébergement. C’est une charge sociale qui doit se répartir sur l’ensemble du territoire. Notre ville est arrivée à saturation. »

 

« On va faire quoi de ceux qui arrivent ? »

pere-riffard

Le père Riffard a accueilli les premiers demandeurs d’asile dans son modeste appartement. Mais, face à la nécessité, il a ouvert il y a sept ans l’annexe de l’église puis la petite chapelle où s’alignent aujourd’hui des rangées de matelas.

« Nous ne sommes pas une structure d’hébergement mais un abri le temps qu’on leur trouve un toit, se défend le prêtre. Les centres d’hébergement sont pleins. De fait, ceux qui arrivent sont laissés dehors. »

Peu après la visite de la commission de sécurité, la préfète de la Loire, Fabienne Buccio, a décidé de reloger 75 personnes accueillies à l’église Sainte-Claire en Ardèche et à Roanne. Mais cela n’a fait que résoudre temporairement le problème.

« Je ne me suis pas engagé à ne pas accueillir d’autres demandeurs parce que ce n’était pas possible, se justifie le père Riffard. On va faire quoi de ceux qui arrivent ? »

 

Soupçonné d’organiser des filières

République démocratique du Congo, Angola, Nigéria, Guinée, Cameroun, Côte d’Ivoire… Les origines des demandeurs d’asile sont multiples. Ceux-ci sont généralement envoyés par d’autres associations ou les services sociaux.

« La préfète pense que nous incitons les gens à venir, déplore le prêtre. En septembre dernier, nous avons été convoqués par le police. J’ai été interrogé pendant cinq heures. Ils me soupçonnaient d’organiser des filières. C’est me donner une importance que je n’ai pas. »

Gérard Riffard estime jouer un rôle de suppléant dans un contexte où l’Etat n’est plus en mesure d’accomplir pleinement sa mission.

« Au lieu de nous embêter, il vaudrait mieux que l’on nous aide, clame-t-il. Notre objectif n’était certainement pas de contrevenir à la loi. Mais nous arrivions à une situation dans laquelle le droit vient en contradiction avec quelque chose de beaucoup plus fort qui est le respect de l’être humain. »

 

Droit du demandeur d’asile : qui est en infraction ?

Calme et déterminé, le père Riffard n’entend pas renoncer :

« Dans une épreuve, soit on se couche, soit on reste debout, résume-t-il. La foi me permet de rester debout. »

Le prêtre et l’association Anticyclone ont déjà reçu de multiples soutiens, à commencer par celui de l’évêque de Saint-Etienne, Dominique Lebrun, ainsi que de nombreux partis et associations dont la Ligue des droits de l’homme.

Marc Urhy, directeur régional de la fondation Abbé Pierre, est atterré :

« C’est donc une longue chaîne de violations des droits individuels par les institutions sensées les protéger, que le geste de solidarité de Gérard Riffard vient répondre. A minima, le Procureur de la République pourrait demander autant de comptes à la préfecture, sur la formation d’une situation jugée insatisfaisante, qu’au citoyen qui visait à restaurer l’ordre public. »

Le Réseau éducation sans frontières fait actuellement circuler une pétition qui aurait déjà recueilli 1 500 signatures.


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