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Blog du taulard #30 : « Les aménagements de peine sont une vaste blague »

Voilà 2015 et la litanie des bons vœux ! Bons en quoi tant qu’on en reste aux vœux pieux ? Bonne année qu’ils disent croyant à du nouveau. Ça ne mange pas de pain, OK ! Mais nouveau, ça veut dire changement non ? Et c’est vrai que depuis Hollande, la valeur du mot changement a dégringolé en bourse, hein ?

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Un bracelet electronique. © site ministère de la Justice.


Alors peut-être nouvelle dans le sens où on va atteindre encore plus profond, plus nauséeux, plus brun, l’année de tous les records sordides. C’est comme l’inversion de la courbe du chômage qui continue d’augmenter, entre autres. Et justement, le chômage concerne ce dont je veux te parler, lecteur. Des aménagements de peine.

En effet, les lois Taubira pour faire baisser le taux d’emprisonnement devraient commencer à s’appliquer. Et on va nous bassiner avec cette réinsertion qui n’existe pas. Comment les corbeaux dans leur fauteuil de prétoire vont-ils décider des peines de probation alors que celles sur l’aménagement ne sont pas prononcées ?

 

« Les aménagements n’ont jamais été si difficiles à obtenir »

La loi pénitentiaire de 2009 n’est pas appliquée. Les aménagements n’ont jamais été si difficiles à obtenir. Dans les commissions, c’est refus sur refus et le casier judiciaire, parallèlement, est prolongé jusqu’à 120 ans après la peine !
Je rappelle pour mémoire que la loi 2009 dit que toutes les personnes condamnées à 2 ans et moins sont aménageables immédiatement, sans attendre que la moitié de la peine soit effectuée. Et si cela était fait, non seulement on ferait sortir 80 % des prisonniers mais les maisons d’arrêt resteraient vide au 9/10ème.

Tu le sais, lecteur, en réalité il se passe exactement le contraire. L’aménagement est très rarement décidé à la barre car le juge estime que c’est le rôle du JAP de s’occuper de ça, ce qui est parfaitement faux. Alors le gars va en taule, attend 4 mois que son dossier soit instruit pour la commission d’aménagement et se le voit souvent refuser. 66 % des taulards zappent cette fausse possibilité parce qu’ils ne sont pas cons et vu qu’ils sortent sans contrainte ni demande avant que leur dossier soit examiné autant ne pas rajouter d’inutile à l’inutile. S’ils n’ont pris que 6 mois, ils vont faire effectivement 4 mois et demi avec les remises de peine. Ils ne demandent même pas le bracelet probatoire des 4 mois de fin de peine, prévu lui aussi par la loi, et exclusivement du ressort du procureur, qui, lui, ne respecte pas ce qui est un droit. Il le donne au compte goutte pour le dernier mois et encore, j’ai vu un mec l’obtenir à 12 jours de la sortie.

Alors je te dis, lecteur, que les lois Taubira c’est du vent. Les tenants de la répression sans bride sont juste dans une posture politicienne à la critiquer. On en aura confirmation d’ailleurs avec le projet de réforme des lois pour les mineurs.

 

Un bracelet électronique. © site ministère de la Justice.

Les dossier d’aménagement jamais assez solides

Mais revenons aux dossiers d’aménagements. Ils ne sont jamais assez solides pour un juge d’application des peines (JAP), ils n’offrent pas assez de garanties. Même présenter une promesse d’embauche, sésame obligatoire, n’est plus suffisant, c’est dire ! Mais il faut quand même en avoir une. Et le juge ne veut rien savoir de la galère pour trouver une promesse d’embauche depuis la geôle. Car en trouver une est un exploit.

D’abord si tu n’es pas entouré, oublie, c’est plus sage et moins déprimant. On ne peut pas, non plus, compter sur les Services pénitentiaires d’insertion et de probation (Spip) pour trouver du taf. Elles, (ce sont majoritairement des femmes), elles font de la paperasse. Quand elles la font. Parfois elles t’informent d’un chantier extérieur sous contrôle, mais il y en a si peu. En fait, elles valident juste ce que tu proposes, formation ou taf, c’est tout.

Donc, tu as intérêt à avoir de la famille ou des amis bien placés qui connaissent du monde pour te pistonner. Quelquefois, miracle tu as une touche ! Faut-il encore avoir une permission de 12h pour aller à un RDV d’embauche et là non plus c’est pas gagné. Et je te fais grâce d’autres turpitudes croustillantes qui viennent prouver que ce qui compte c’est l’enfermement à fond et non le retour dans la collectivité, par exemple quand tu es enfermé à Grenoble et que ta famille est à Lille ou à Brest.

 

Comment trouver un CDI aujourd’hui ?

Mais surtout, comment trouver de nos jours un emploi avec 3 millions et demi de chômeurs officiels et plus de 6 millions de travailleurs précaires, en temps partiel et où plus de 90 % des postes sont des CDD. Hé oui, le JAP veut du CDI, lecteur, pas du provisoire, même s’il n’y a que ça.
Je sais, on te dit que Pôle emploi se déplace deux fois l’an en prison pour des journées de recherche. Attends, déjà quand tu es seulement chômeur, sans casier, vu la compétence des gens de cette structure ajoutée à la réalité du marché du travail, il n’y a rien de valable. Alors pour un taulard, ils ne font que du théorique. En plus faut qu’on t’ouvre la cellule pour aller les rencontrer, et ça non plus c’est pas gagné, surtout si tu es repéré comme revendicateur parce que tu as protesté, ne serait-ce qu’une seule fois pour, par exemple avoir été « oublié » pour aller à la biblio.

 

Le travail, preuve de la réinsertion ?

Mais enfin, en quoi travailler serait-il la preuve indiscutable de la réinsertion ? J’ai du mal à utiliser ce mot vide de sens, alors que la valeur travail a disparu. Aujourd’hui, tu bosses juste pour gagner de quoi consommer et payer tes factures, car la fierté de bosser qu’ont connue nos parents a sombré dans les dividendes des actionnaires, la financiarisation de l’économie et dans les jobs Kleenex pour faire monter les actions avec les licenciements. Les salariés sont une charge te dit-on et coûtent trop cher, ne bossent pas assez le dimanche, ne sont pas flexibles etc…

Et le juge pense encore que la valeur travail est une preuve de resocialisation ? On voit bien que c’est la déconnexion complète de la réalité. Pourtant, les juges savent lire la loi Macron non ? Tu sais le ministre qui traite les salariés d’illettrés. C’est plus élégant que « casse toi pauvre con » mais c’est la même chose.


Mais tout ça, pour ce système judiciaire et pénitentiaire, ça n’existe pas. Pour sortir en aménagement il te faut un boulot. Cela donne une idée d’ailleurs de comment sont considérer les gens au chômage et au RSA. Rien que des fraudeurs, ça va de soi. Tu m’étonnes que c’est ceux là qu’on retrouve en taule.

Alors pour l’année 2015, tu m’excuseras, mais garde tes bons vœux, je n’en ai pas besoin.


#Prison

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