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Clichés urbains et grosses bévues : « arrêtez avec le Saint-Etienne bashing ! »

Le 8 décembre dernier, Le Monde publie un article piquant intitulé « Saint-Etienne, un centre-ville miné par la pauvreté ». Dans la presse locale, sur les réseaux sociaux, la description à charge de Saint-Etienne suscite de nombreuses réactions. Elus de droite ou de gauche, chercheurs et citoyens se sont exprimés face à la vision caricaturale véhiculée par le quotidien. Nous, jeunes stéphanois d’adoption, souhaitons également réagir. 

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Cartes des aménagements. Source : www.saint-etienne.fr/cadre-vie/projet-urbain.

Tribune par le collectif COLAVERI*, professionnels de l’urbain

Un graff stéphanois sur www.allcityblog.fr.

Comment peut-on écrire qu’« Armeville, l’autre nom de la cité de Manufrance, semble être restée « pauvre ville », la capitale des taudis », et tous les clichés négatifs qui suivent ?

Morosité, taudis, immeubles délabrés, ruine, pauvreté… Si comme la journaliste du Monde vous aimez les sensations fortes et les romans d’Emile Zola, venez passer un week-end à Sainté pour un safari urbain inoubliable.

A l’ombre des crassiers et des immeubles en ruine, vous aurez l’occasion d’observer quelques gueules noires ingurgitant des kebabs et des râpées. Mais attention, à l’instar de l’auteure, ne restez pas plus de deux jours : la météo pourrie risque de nuire à votre moral !

Ceci dit, loin de nous l’idée de nier les problèmes de Saint-Etienne. Oui, il y a de la pauvreté. Oui, la mémoire d’une ville (ouvrière) est importante. Oui, ce jour-là le ciel était gris. Mais la situation est complexe et n’a pas besoin d’une caricature misérabiliste. De tels raccourcis ont déjà fait des dégâts, rappelons-nous l’Envoyé Spécial à la Villeneuve.

 

N’hésitez pas à sortir des sentiers battus

Le fameux brouillard stéphanois a sans doute contribué à cacher certaines réalités. Nous souhaitons revenir sur quelques inexactitudes et omissions présentes dans l’article.

Depuis les années 2000, l’habitat dégradé et la situation immobilière en général représentent des enjeux majeurs pour les institutions publiques. Nous ne sommes pas chargés de com’ à Saint-Etienne ou à l’ANRU (Agence Nationale de la Rénovation Urbaine), mais il faut reconnaître l’existence de programmes d’aménagement et de redynamisation du centre-ville. Pour le meilleur et pour le pire.

Source : www.saint-etienne.fr/cadre-vie/projet-urbain

Au fait, les bâtiments « mis en valeur » dans l’article sont la cible de ces programmes et ne vont malheureusement plus faire partie du paysage.

Mais si le parcours dans le « Croissant de la pauvreté » ne vous satisfait pas, n’hésitez pas à sortir des sentiers battus. D’autres quartiers existent et la solidarité ne se limite pas aux murs du CCAS (Centre Communal d’Actions Sociales). Comme dans n’importe quelle autre ville…

Une ville, quoi.

 

Construire une ville uniquement pour les classes moyennes ?

Oui, parce que le fond du problème n’est pas une histoire de fierté blessée (cf #stéphanoisfiers), mais bien cette vision sous-jacente de ce que doit être une ville.

Si on comprend bien, Saint-Etienne qui illustre pourtant « un cas de figure fréquent », devrait encore prouver qu’elle est une ville normale. Son centre-ville n’apparait pas « riche », et alors ? Si on comprend bien, l’Hôtel de Ville soi-disant cerné par les pauvres serait plus problématique qu’un Hôtel de Ville entouré de riches. Là n’est sûrement pas l’intention de l’auteure mais elle nous emmène sur une pente glissante et le risque est de stigmatiser des personnes et des groupes sociaux comme indésirables dans la ville.

Plus encore, le fait de créer un lien de cause à effet entre la présence de populations fragilisées et le délabrement du bâti du centre-ville. La pauvreté ne se mesure pas uniquement au degré de dégradation du bâti et vice versa. Mais l’éternelle question revient : va-t-on résoudre les problèmes d’emploi, de précarité, de pauvreté par la rénovation urbaine ?

C’est la solution qui semble (trop) souvent privilégiée aujourd’hui, et qui présente le risque de construire une ville uniquement pour les classes moyennes.

Finalement, parler de lutte contre la pauvreté en ville est un objectif louable que nous partageons. Mais cela nécessite de dépasser les amalgames véhiculés par des schémas préconçus sur ce qu’est la ville, d’aller au-delà de la gestion des simples apparences des paysages urbains, et de fait, repenser les politiques publiques et les actions collectives qui en découlent.

Face à la tendance de rendre les villes exclusives, des défis sont à relever pour inventer d’autres politiques en faveur de villes plus inclusives. Là où certains visiteurs voient un cas désespéré, d’autres imaginent des potentiels.

* Le collectif COLAVERI est conposé de sept jeunes professionnels, diplômés en politiques urbaines (du Master Altervilles).

A voir aussi, cette vidéo de la salle de concert Le Fil :


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