Margaux Holtzwarth, étudiante à Sciences-po Lyon
1- A quoi sert le sommeil ?
D’emblée, Patrick Lévy précise que le sommeil est individuel et génétiquement réglé. Il n’existe donc pas une quantité optimale de sommeil universelle, celle-ci est propre à chacun. Concernant l’utilité du sommeil, l’article de Patrick Lévy publié dans le Huffington Post offre des réponses médicales. Ce médecin pneumologue, Président de l’Université Joseph Fourier de Grenoble, précise que le sommeil a trois fonctions principales.
Tout d’abord, il permet de maintenir l’énergie cérébrale. En effet, le sommeil préserve l’organisme et le cerveau en facilitant le repos et la restauration du système nerveux. Ainsi, comme le dit Patrick Lévy dans son article, le sommeil permet « une véritable maintenance énergétique cérébrale, indispensable notamment au maintien des fonctions cognitives ».
Ensuite, le sommeil est le lieu privilégié des productions hormonales, il stimule les sécrétions hormonales. Dès lors, durant cette période, il y a une augmentation de sécrétion d’hormones telles que l’aldostérone, la testostérone, la prolactine et l’insuline. Cette fonction est essentielle chez l’enfant qui grandit durant son sommeil en raison d’une forte sécrétion d’hormone de croissance.
Enfin, le sommeil diminue la pression artérielle, le débit cardiaque et la fréquence cardiaque. Ces éléments sont nécessaires à la préservation de la santé cardiovasculaire. En contribuant à l’élimination des toxines et autres déchets, le sommeil diminue le risque de maladies cardiovasculaires.
2- Qu’est-ce que le sommeil paradoxal ?
Inventé en 1961 à Lyon par Michel Jouvet, chercheur dans un des premiers laboratoires de neurophysiologie, le sommeil paradoxal est la dernière phase du sommeil après l’endormissement, le sommeil léger et le sommeil profond. Pour faire simple, il s’agit d’une période où le dormeur est paralysé, aveugle et sourd mais au cours de laquelle le cerveau est pleinement éveillé. Alors comment savoir si le dormeur est dans un sommeil paradoxal ?
Vous l’aurez compris, l’activité cérébrale intense permet de déceler cette étape, mais ce n’est pas tout ! Aristote avait déjà remarqué les mouvements oculaires fréquents chez les chiens qui traversaient la phase du sommeil paradoxal. Il en est de même pour les humains ! Enfin, le gonflement du sexe permet d’identifier le sommeil paradoxal. Selon Tobie Nathan, représentant de l’ethnopsychiatrie et enseignant en psychologie clinique et pathologie: « il s’agit d’un temps dans le sommeil où il y a une excitation de la sexualité sans sexualité quel que soit le contenu du rêve ». D’où votre érection matinale messieurs !
3- Qu’en est-il des rêves ?
Pour Tobie Nathan, le sommeil paradoxal est le temps du rêve. Il est donc le lieu privilégié de la fabrication des rêves. Le rêve consiste en la fabrication d’une « néo-réalité » à partir d’éléments de la veille et de la semaine précédant le rêve. Ainsi, le dormeur décompose les éléments antérieurs et procède à une recomposition qu’il se projette comme un film. « Le rêve est un film » d’après Tobie Nathan. Le dormeur fabrique une nouvelle réalité qu’il se projette comme un film. D’ailleurs, chez l’individu déprimé, le rêve est identique à la réalité. Cela signifie qu’il n’a pas réussi à créer quelque chose de neuf. Il est comme mort. Il est identique à la veille et répète indéfiniment les éléments de la réalité.
Le rêve est également un lieu de connexion. Selon Tobie Nathan, dans l’Antiquité par exemple, le rêve, disait-on, permettait de se connecter avec les divinités. L’ethnopsychiatre évoque également la pratique de l’incubation dans l’Egypte antique, sorte de rite divinatoire consistant à dormir dans un sanctuaire afin que le dieu vienne vous visiter dans le rêve.
D’après Tobie Nathan, le rêve serait donc un lieu de rencontre collectif. Ce serait une place publique où le rêveur se connecte avec des gens qu’il ne connait pas et qu’il ne peut rencontrer autrement que dans son rêve.
Reprenant l’idée de Michel Jouvet selon laquelle le rêve serait une lutte contre la quicontisation, Patrick Lévy précise que le rêve pourrait être un élément de résistance à l’influence du monde extérieur. « Le rêve serait une sorte de résistance à l’uniformisation du moi » ajoute Tobie Nathan.
4- Pourquoi et comment interpréter ses rêves ?
Il existe une appétence naturelle du rêve à l’interprétation. D’après Tobie Nathan, le rêve n’a pas forcément un sens mais il nécessite une interprétation. « Un rêve qui n’est pas interprété est comme une lettre qui n’a pas été lue » (tiré du livre Une nouvelle interprétation des rêves de Tobie Nathan). L’interprétation du rêve permet d’aider le rêveur dans les différentes étapes de sa vie. Elle doit aider le rêveur à agir. Le rêve peut apporter des informations et des réponses aux questions que le rêveur se pose.
Aujourd’hui, il existe des milliers de sites internet d’interprétation de rêves. Pour interpréter un rêve, il faut le recueillir au moment où il est fait. Cela signifie qu’il faut réveiller le dormeur immédiatement après son sommeil paradoxal. Ni trop tôt avant, ni trop longtemps après.
Tobie Nathan réalise des interprétations de rêves dans la presse. Pour ce faire, il doit impérativement discuter avec le rêveur pour le connaitre. Un contact réel et un long échange sont nécessaires afin de produire une lecture du rêve qui sera utile au rêveur dans sa vie.
Tobie Nathan indique que diverses théories relatives au rêve se trouvent dans une partie du Talmud appelée le traité de Berakhot. Le Talmud est un texte représentant le versant oral de la Bible hébraïque. Le traité de Berakhot précise en effet que « Tout rêve va d’après la bouche ». Autrement dit, le rêve se réalise dans la réalité selon l’interprétation qui lui est donnée. D’où l’importance de trouver un bon interprète de rêves. L’interprétation est donc potentiellement dangereuse ou potentiellement bénéfique. Pour Tobie Nathan, la morale du Talmud serait : « Ne racontez pas votre rêve à n’importe qui ! ».
Pour plus de précisions concernant l’interprétation des rêves, vous trouverez ci-dessous une vidéo de Tobie Nathan extraite de la conférence « A quoi sert le rêve? » qui s’est déroulée en avril 2014 à l’Institut de Recherche sur les Expériences Extraordinaires.
5 – Quelles politiques publiques pour le sommeil ?
Dans une société où la compétitivité et la recherche de la performance sont reines, le sommeil n’a plus sa place. Depuis un demi-siècle, l’évolution du mode de vie et l’augmentation du rythme de travail ont réduit le sommeil quotidien d’une heure et demie environ. Alors même que le sommeil est vital, il n’est pas considéré au même titre que l’alimentation ou l’activité physique par les instances gouvernementales. Le sommeil est donc négligé par l’Etat mais aussi par les individus qui sont de plus en plus sollicités la journée et en soirée avec l’hyper-connectivité ambiante. Afin d’ériger le sommeil en impératif de santé publique, Patrick Lévy préconise avant tout d’apprendre aux citoyens les bienfaits du sommeil. A ce titre, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé a élaboré de nombreux documents visant à informer l’opinion publique de l’importance du sommeil. Patrick Lévy propose également de repenser l’apprentissage de la médecine. Cette discipline est conçue, selon lui, comme une médecine de l’éveil. Le médecin ne se préoccupe pas du sommeil. Favoriser l’enseignement de l’interaction entre le sommeil et l’organisme susciterait l’intérêt des professionnels comme des particuliers.
Interdire les réveils matin, voici l’idée émise par Tobie Nathan. Selon lui, ils interrompent le sommeil paradoxal et ont un impact négatif sur les individus durant la journée qui suit. Quoi qu’il en soit, il n’est pas certain que les employeurs s’accommodent de cette proposition !
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