Ils répondaient à l’appel du virage sud de Lyon contre la « répression dans les stades et autour ». Ces supporters (et une poignée de supportrices) sont venus avec leurs écharpes et drapeaux des quatre coins du pays, de Grenoble, Guingamp, Caen, Montpellier, Lens, Metz, Reims ou Paris. Mais aussi de Belgique (Anderlecht), d’Italie (Vicenza) et de Suisse (Servette Genève).
Avant le OL-Montpellier, le 19 octobre dernier, alors que la police intervenait pour mettre fin à une bagarre entre supporters des deux clubs, un carreleur lyonnais de 25 ans, surnommé « Lex », avait été touché par un tir de flash-ball à la tempe. Ce qui lui a occasionné une cécité partielle de l’oeil droit.
L’histoire d’une contradiction
Alors qu’il y a un mois des supporters lyonnais et montpelliérains se mettaient sur la figure, alors que quelques Grenoblois et Lyonnais en sont venus au main dernièrement à Saint-Priest, ces rivaux historiques se sont réunis le temps d’une manif, au son des pétards et sous les fumigènes.
Tous n’ont toutefois pas répondu à l’appel. Les Bad Gones (principal club de supporters de l’OL), dans un communiqué, ont avancé leur « déception » concernant les tentatives d’union nationale pour expliquer leur absence. Les voisins stéphanois n’ont pas non plus fait le déplacement.
Ce n’est pas la première fois que ces clubs de supporters manifestent d’un seul pas. Il y a deux ans, à Montpellier, la même manifestation avait eu lieu après que « Casti », un supporter de la Butte Paillade, avait perdu un oeil à cause d’un tir de flashball.
Ce samedi, ce même « Casti » avait fait le déplacement avec une centaine de Montpelliérains. Sparadrap sur son oeil mort, il résume ce paradoxe par le slogan : « unis contre la répression ». Mais il va plus loin. Comme les autres ultras, il défend une certaine idée du football « populaire » et « libre ».
« La ligue de football et les flics nous stigmatisent »
Il y a le foot mais aussi les convictions politiques. Comment expliquer que les ultras de Grenoble, les Red Kaos, marqués à gauche, défilent à 60, à l’appel du virage sud de Lyon qui, lui, compte en son sein un grand nombre d’identitaires et de nationalistes ?
L’un des responsables des Red Kaos (qui a souhaité rester anonyme), écharpe du GF38 autour du cou, n’est pas dérangé :
« Aujourd’hui, on fait cause commune. Avant d’être de gauche ou de droite, on est des citoyens et des ultras. On se dit qu’après « Lex », même si c’est un identitaire, ça peut être nous ».
Il dénonce la mise en place d’un « football à l’anglaise » où les places sont vendues, comme au Parc des princes, 55 euros.
« Dès qu’il y a une bagarre entre supporters, les journaux en font des tonnes. Alors qu’une même bagarre dans un bal ou une boîte de nuit ne fera pas une ligne. La ligue de football et les flics nous stigmatisent. Ils veulent nous virer des stades ».
Pour lui, on sur-joue la violence entre supporters :
« Une bagarre de temps en temps entre supporters, c’est à dire deux/trois mandales échangées, n’empêche pas les familles de venir au stade. Jamais des pères de famille n’ont été pris dans des échauffourées. C’est leur politique de foot business qui exclut les classes populaires des stades. Les instances nationales (La ligue de football professionnel, ndlr) utilisent le moindre incident pour nous interdire de stade ».
« Instaurer un rapport de force avec la Ligue de foot »
Pour ce Grenoblois, qui travaille dans le BTP, l’utilisation du flash-ball ainsi que les interdictions de déplacement, comme celle concernant les Lyonnais lors du dernier derby à Saint-Etienne, fait des supporters « des citoyens de seconde zone ».
« On est victimes de lois d’exceptions. Par exemple, si on craque un fumigène dans un stade, on peut encourir jusqu’à un an de prison ».
Le Grenoblois, qui se présente également comme « antifasciste » trouve des points d’accord avec le Lyonnais « Roux », même s’il dit de ce dernier qu’il est « c’est un facho ».
Les deux annoncent que cette union des ultras ne s’arrêtera pas avec cette manifestation.
Casquette « virage sud » vissée sur la tête, « Roux », marche le long du cortège. Pour, lui, cette union sacrée est un « succès ». Il évoque la création, en septembre dernier, de l’Association nationale des supporters (ANS) pour défendre « la liberté de déplacement, la liberté d’expression sur les banderoles et le foot populaire » :
« L’Euro 2016 est demain. Ils veulent nous éliminer des stades. Il va falloir instaurer un rapport de force avec la Ligue de foot pour continuer à exister. »
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