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Boucherie fine : Yves-Marie Le Bourdonnec lance une « Steak (R)évolution »

Yves-Marie Le Bourdonnec, surnommé le « boucher star », devient vedette de cinéma dans « Steak (R)évolution », documentaire de Franck Ribière qui fait le tour de la planète à la recherche du « meilleur steak du monde ». Ou comment le plaisir de la viande se conjugue avec une démarche éco-responsable. Rencontre avec le personnage.

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Le "boucher star" devient vedette de cinéma dans "Steak (R)évolution.


Le "boucher star" devient vedette de cinéma dans "Steak (R)évolution.
Le « boucher star » devient vedette de cinéma dans « Steak (R)évolution.

Il squatte plateaux télé et émissions de radio ; on voit régulièrement sa tronche dans les magazines ; on s’est même inspiré de lui pour un roman (Comme une bête, signé Joy Sorman). Cette semaine, Yves-Marie Le Bourdonnec va franchir une étape supplémentaire dans sa starisation : il est le héros d’un film appelé Steak (R)évolution, réalisé par Frank Ribière, que l’on connaissait jusque-là pour ses activités de producteur et distributeur des films d’Alex De La Iglesia, ainsi qu’une malheureuse tentative pour faire renaître une tradition du cinéma de genre en France.

Le Bourdonnec, pourtant, n’est ni acteur, ni chanteur, ni vedette de la télé-réalité ; il est boucher. Pas n’importe quel boucher : un boucher révolutionnaire, décidé à redonner ses lettres de noblesse à son art et, surtout, à transformer en profondeur l’approche française de la viande, de sa production à sa consommation.

Ce qui lui a valu sa réputation ? La maturation. Mais ce n’est que l’aboutissement d’une démarche globale mêlant plaisir du goût et responsabilité écologique et économique. Son credo :

«L’histoire de la viande, c’est l’histoire d’un paysage, c’est une histoire sociale».

 

La vache française n’est pas montée dans le train…

Sa biographie officielle dit que c’est à 8 ans, en voyant la précision des gestes d’un boucher venu découper une des vaches de son oncle dans sa ferme bretonne, qu’il a trouvé sa vocation. Sa première boucherie, il l’ouvre à Asnières en 1987 — Le Couteau d’argent ; depuis, il en a ouvert quatre autres à Paris intra-muros, et s’apprête à exporter son savoir-faire du côté de Bruxelles… Dans Steak (R)évolution, Le Bourdonnec est à la fois guide et témoin, caution et cobaye de l’expérience menée par Ribière.

«Je connaissais déjà la moitié des personnages du film. Je les avais déjà rencontrés, je les connaissais de réputation ou par collaboration. Et après, il y a eu des découvertes : en Suède, au Japon, où je n’avais jamais été…»

D’où la scène, géniale, où après avoir assisté à la préparation minutieuse d’un steak tiré d’un bœuf Matsusaka, on voit le boucher star fondre de plaisir à la vitesse où la viande fond dans son palais. «C’était une vraie émotion» confirme-t-il.

Comme tous les gens qui ont fait de leur passion leur métier, Le Bourdonnec possède encore cette capacité à l’enthousiasme non feint, malgré une science avérée qu’il prodigue à tour de bras. Car, et c’est le point de départ du documentaire mais aussi de la philosophie de Le Bourdonnec, la viande française n’est pas bonne.

L’erreur originelle consiste à ne pas s’être adapté aux nouvelles manières de consommer le bœuf : en passant de la viande bouillie à la viande grillée, les producteurs n’ont pas vu que leurs vaches, en particulier la Blonde d’Aquitaine, ne répondaient plus aux attentes des consommateurs ; trop vieilles, pas assez grasses, avec un trop fort taux de collagène. Pendant ce temps, les Anglais sanctuarisaient leur Angus, les Japonais choyaient le bœuf Wagyu et celui de Kobé, l’Espagne préservait sa Rouge de Galice…

«En France, on a fait une énorme connerie lors de la crise de la vache folle : on n’a pas su se remettre en cause. On avait une chance inouïe de se dire qu’on avait fait fausse route, qu’on pouvait tout recommencer à zéro. Mais non. On a sorti notre drapeau français en disant « Viande française ! On est les meilleurs ! ».

Ça montre bien notre incohérence et notre incapacité à nous remettre en question. Je travaille avec des éleveurs qui sont proches de moi : on a fait venir des animaux d’ailleurs, on a joué sur la génétique, mais on les a inscrits dans un paysage. Il m’arrive de leur dire : on va se baser sur votre troupeau. On va le croiser car les bêtes n’ont pas les qualités que je recherche, mais on reste dans votre paysage avec votre troupeau».

 

Néo-butchers responsables

Fer de lance d’une communauté de néo-butchers réunis sous le slogan légèrement provocateur «I love bidoche», Yves-Marie Le Bourdonnec n’est pourtant pas un va-t-en guerre irresponsable prônant le massacre barbare des bêtes et leur consommation effrénée. Au contraire.

«On réinvente l’usage du steak avec une vraie sensibilité écologique. Aujourd’hui, la production de viande est vraiment à la croisée des chemins. Avec la population de demain, on ne pourra pas fournir de la viande comme on en a fourni jusqu’à présent. Il faut le faire de façon durable, écologique. Si on n’a pas cette sensibilité-là, il n’y a pas d’avenir pour la viande».

Donc : moins de viande, mieux produite et pas bradée.

«La vraie problèmatique, c’est comment bien produire avec son paysage. C’est comment on produit en France, en Suède, en Espagne… On n’a pas la même vache selon les pays. C’est ça l’avenir : faire en fonction de ce qu’on a sur place, être en autonomie complète là-dessus».

Son rôle de boucher redevient central et sa pratique de la maturation est comme une manière de sublimer cette révolution :

«La maturation, c’est pour prouver quelque chose : j’ai instauré de nouveaux élevages, j’ai lancé des éleveurs sur de nouveaux modes et je veux prouver par la maturation que leur travail est exceptionnel. Une viande très bien élevée va prendre des goûts intéressants, des goûts de miel, de noisette, c’est comme l’affinage pour le fromage. Je veux prouver par cette maturation extrême que ce qu’on fait est sérieux».

Autrement dit : ne pas se poser en mode branchée, mais en garant d’une tradition perdue, dont cet animal médiatique se fait le représentant farouche et convaincant.

Par Christophe Chabert sur petit-bulletin.fr.


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