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November man, pas si Bond

Vu de mon canapé, ça partait mal. Une première photo de Pierce Brosnan dans cette pose mille fois déjà vue du héros imperturbable marchant vers l’objectif tandis qu’une voiture explose derrière lui. Et puis les inévitables allusions à James Bond, vu que dans le film en question qui vient de sortir sur nos écrans, The November Man, Brosnan revient naviguer dans les eaux troubles de l’espionnage douze ans après avoir été brutalement éjecté du rôle qui fit de lui une star.

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Pierce Brosnan.

Pierce Brosnan, en super-héros… pas si habituel.

Quelque chose de différent

Si vous n’avez pas trop suivi la carrière de Brosnan, rappel des faits. Né en 1953 à Navan, en Irlande, le petit Pierce découvre Bond en 1964 en allant voir Goldfinger avec papa. Il devient acteur au début des années 80, incarne Remington Steele dans la série éponyme de 1982 à 87 et, enfin, rôle de sa vie, il est le cinquième acteur à enfiler le smoking de James Bond dans GoldenEye, de Martin Campbell en 1995.

Son incarnation élégante et dynamique fait oublier son prédécesseur, le sombre et shakespearien Timothy Dalton, jusqu’à ce que, coup de tonnerre, et malgré le carton au box office de ses quatre apparitions dans le rôle, on lui retire son permis de tuer sur un simple coup de fil de la productrice Barbara Broccoli, alors qu’un cinquième film était dans les tuyaux.

« On veut faire quelque chose de différent, désolée, » lui dit-elle.

Quelque chose de différent, ce sera Daniel Craig. On connait la suite, un profond reboot de la série et le méga succès planétaire de Skyfall en 2012. Brosnan est assommé et aujourd’hui encore, on le voit soupirer, mélancolique et lointain lorsqu’en interview, on évoque cette rupture.

 

De Bond à Novembre

Toutefois, devenu star internationale, Brosnan ne va pas chômer comme d’autres acteurs après leur départ de la franchise.

Affiche de November man.

Il va alterner les rôles dans des comédies : gentilles (Une affaire de coeur, Remember me, Love is all you need, Mais comment font les femmes ?…), cyniques (The Matador, Salvation Boulevard…) et musicale (Mamma Mia!).

Il va aussi tourner pour Polanski (The Ghost Writer) et développer sa maison de production, Irish Dream Time qui produisit entre autres son honorable remake de L’Affaire Thomas Crown en 1999. Et en 2014, le voilà de retour dans cet étrange November Man, qu’il produit également. Douze ans après son dernier Bond, Meurs un autre jour (Lee Tamahori, 2002), son image d’ex-James Bond est encore si forte qu’il suffit de lui coller une arme entre les mains pour que les comparaisons avec 007 s’accumulent.

A tort, car exceptée la présence de l’ex-Bond Girl de Quantum of Solace, Olga Kurylenko, il n’y a rien de très Bondien dans ce petit thriller qui peine à trouver sa place entre Jason Bourne et John Le Carré. Bourne pour la castagne et Le Carré pour les implications géopolitiques et les arcanes de l’espionnage international.

November Man est l’adaptation du septième roman des aventures de Peter Devereaux (Brosnan) inventées par l’auteur Bill Granger (1941-2012). Mais c’est surtout une énième variante d’un thème éculé, le tueur à la retraite reprenant les armes pour une dernière mission et contraint d’affronter un ancien élève.

Jugez plutôt : Peter Devereaux est un ex-agent de la CIA chargé d’assurer la protection d’Alice Fournier, la responsable d’un centre d’accueil pour réfugiés dont le témoignage risque de compromettre un candidat à l’élection présidentielle en Russie. Mais il comprend qu’il a été manipulé et qu’il est devenu la cible de son ancien et meilleur disciple. Voilà.

 

Déjà vu

Tout cela sent donc un peu trop souvent le déjà vu, malgré la mise en scène énergique de Roger Donaldson (Sens Unique, 1985) qui dirigea Brosnan dans Le Pic de Dante en 1997, et malgré des scènes assez violentes qui, elles, pourront surprendre. Dans ce scénario un peu daté, les fausses pistes se succèdent, tout est un peu prévisible, les méchants ont des gueules de méchants et les scènes d’actions, quoique bien réglées, sont loin de renouveler le genre.

A certains moments, le film semble se prendre un peu trop au sérieux, comme s’il incarnait le renouveau du film d’espionnage alors qu’il accumule les clichés.

Parmi le casting, seul Brosnan tire excellemment son épingle du jeu. Un peu patiné, grisonnant, revenu de tout, il incarne avec son élégance coutumière cet agent usé porté sur la bouteille. Bien sûr, difficile de ne pas voir en Peter Devereaux une sorte de James Bond à la retraite, légèrement imbibé de vodka-martini remuée mais non agitée.

Un aperçu de ce que 007 serait devenu si Brosnan n’avait pas été remplacé par Craig ? On ne le saura jamais. Mais en faisant trop souvent balancer Devereaux entre les remords d’un passé douteux et des accès de violence un peu gratuits, ses motivations restent troubles pour ne pas dire contradictoires.

 

Et bientôt, December man ?

Si Donaldson a souhaité en faire un personnage complexe, il n’en a fait qu’un personnage confus. Brosnan, malgré son talent, ne peut que plonger le nez dans son verre de whisky. Les autres personnages ne sont pour ainsi dire pas développés et donnent même l’impression de n’avoir été assemblés autour de Devereaux que pour faire réagir ce dernier lorsque l’un d’entre eux est supprimé.

Question musique, on dit qu’une bonne BO ne se remarque pas. Celle de Marco Beltrami doit donc être bonne, mais un John Powell aurait su créer ce parfum d’urgence et de tension absent des compositions de Beltrami en général (Die Hard 4 et autres Terminator 3) et de ce film en particulier.

Bref, lorsque la salle se rallume, même si on ne s’est pas ennuyé une seconde, c’est plutôt un sentiment d’inachevé, voire de frustration, qui domine. Visiblement contents d’eux, les producteurs ont annoncé qu’une suite était en chantier (December Man ?), information confirmée par Brosnan au Tonight Show de Jimmy Fallon. Peut-être une occasion de revoir la copie.

 


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