La situation de Philippe Layat, céréalier qui élève aussi des brebis à Décines, a suscité un intérêt immense et, bien souvent, un grand émoi. Ce « petit paysan », qui vit dans une ferme et une propriété vaste de 25 hectares appartenant à sa famille depuis 400 ans, a été exproprié sur 9 hectares par le Grand Lyon, pour la réalisation d’une voie d’accès qui mènera jusqu’au futur Grand Stade de l’OL.
L’agriculteur vient d’amortir un coup dur, en date du 7 octobre dernier : le juge de l’expropriation a débouté sa demande de stopper en urgence les travaux qui ont démarré sur sa parcelle, début septembre.
Le Conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcé sur l’annulation par la justice administrative, en mai dernier, de tous les arrêtés préfectoraux déclarant le Grand Stade d’utilité publique. C’est armé de ce motif qu’Etienne Tête, l’avocat des opposants au Grand Stade, avait imaginé pouvoir arrêter les pelleteuses. En vain.
Si la décision en dernière instance concernant ces déclarations d’utilité publique n’a donc pas été rendue, le Grand Lyon n’a pas attendu pour lancer le chantier sur la parcelle expropriée de Philippe Layat.
A la communauté urbaine, d’une part on a estimé que le dossier juridique « a des chances d’aboutir favorablement » devant le conseil d’Etat : les DUP ont été annulées pour des questions de forme, et une nouvelle procédure a été lancée en parallèle de l’étude du dossier par les juges. D’autre part, il s’agit d’une course contre la montre : sans ces voies d’accès finalisées, le schéma d’accessibilité au Grand Stade n’était pas garanti et remettait en cause le projet de l’OL. Rappelons que Jean-Michel Aulas espère pouvoir y accueillir le match d’ouverture de l’Euro 2016.
« Les routes de chaque côté de la ferme sont en service. La parcelle de Monsieur Layat, c’est le maillon manquant », nous indique le Grand Lyon.
Si le paysan continue à exprimer sa colère, sa dernière entrevue avec les services de la communauté urbaine, le cabinet de Gérard Collomb et Roland Crimier, l’élu en charge du dossier, ce mardi 15 octobre, aurait été moins houleuse qu’à l’accoutumée. Le Grand Lyon prétend avoir pu proposer un panel de solutions, en tout cas d’aménagements, « pour que Philippe Layat puisse poursuivre l’exploitation de sa ferme ».
Clôtures, boviduc et une indemnisation consignée
« Monsieur Layat ne sera jamais d’accord avec le projet, il ne dira jamais qu’il est bon, nous dit-on au Grand Lyon, en introduction. Et ça se comprend. Mais dans une démarche amiable, on réaffirme notre volonté de préserver l’intérêt général. Ce tracé-là est le meilleur compromis pour contourner le centre-ville de Décines et permettre d’accéder au Grand Stade. »
L’échange aurait été un peu moins virulent avec Philippe Layat ce 15 octobre, ce qui aurait permis au Grand Lyon de détailler trois propositions :
- Installer toutes les clôtures dont Philippe Layat a besoin pour ses brebis.
- Créer un passage qui passera sous la nouvelle voierie, de 2 mètres de haut sur 2,5 mètres de large, toujours pour que les bêtes passent. Soit une forme de boviduc.
- Créer des ouvertures, des portails jusqu’à 8 mètres de large donnant sur la voie d’accès, pour permettre au tracteur de Philippe Layat de se déplacer.
Il n’y a aucune obligation légale ou ordonnance qui poussent la communauté urbaine à monter ses installations. Devant l’emballement médiatique, relayant un soutien de plus en plus important pour l’agriculteur (une pétition en ligne a atteint plus de 100 000 signatures), le Grand Lyon ne voudrait pas passer pour une entité bureaucratique écrasante, sans visage ni voix. Et, en même temps qu’il tente de convaincre de l’intérêt général du projet, le pouvoir public promeut ses tentatives de dialogue.
A Philippe Layat, le Grand Lyon a signé pour cette expropriation des chèques d’indemnisation, additionnant les sommes de 102 707 euros et de 62 678 euros (cette dernière somme devant être divisée entre différents membres de la famille Layat). Elles sont à ce jour consignées, Philippe Layat a jusque là attendu que les recours devant la Justice obtiennent décisions.
Jean-Michel Aulas : faire pleurer dans les chaumières
Un autre personnage capital du dossier a fini par s’exprimer sur le « cas Layat ». Jean-Michel Aulas, président de l’OL, a déclaré à Lyon Capitale être « ému » par la situation de l’agriculteur.
Avant, finalement, de se lâcher, ne pouvant pas cacher davantage son agacement devant l’émotion générale qu’il doit juger disproportionnée :
« Ça émeut toutes les chaumières (sic), mais la route qui est faite est une route qui ne va pas qu’au Grand Stade, elle permet d’aller de Décines à une autre commune. »
Il a ensuite estimé que, lui aussi, d’une certaine façon, ne vit pas un moment facile et que tout ça lui coûte cher, sans compter le temps perdu pour le club :
« Dire que c’est injuste, oui, tout est injuste. Comme le fait qu’on ait prévu de construire le stade en 2010, moment où on était en Ligue des champions et qu’en 2015 on paye des sommes considérables en frais de procédure pour répondre aux 80 procès faits par une minorité de gens qui n’ont aucune notion de ce que ça coûte : plus de 10 millions d’euros. »
Si Philippe Layat laissera sans doute faire les aménagements proposés par le Grand Lyon, il n’en reste pas moins furieux. Sur place, il assiste à l’avancée du chantier. Les ouvriers ont régulièrement retrouvé les pneus des véhicules de chantier crevés.
Les autres opposants au Grand Stade, eux, sont essoufflés même si, depuis quelques jours, leur combat a pris la dimension médiatique qu’ils attendaient depuis longtemps, derrière la figure de Philippe Layat. Le Grand Lyon ne peut qu’attendre que la tempête médiatique se calme, que la voie d’accès Sud indispensable au projet de l’OL existe enfin et que l’agriculteur finisse par vivre avec et, peut-être, par s’y habituer. Le chantier de cette portion de route pourrait s’achever au printemps 2015.
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