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Blog du taulard #20 : le téléphone, le courrier, la bouffe, mon quotidien en prison

Il est essentiel, lecteur, que tu entendes que dans une prison française, chaque heure qui passe, chaque minute qui s’écoule, l’organisation pénitentiaire et son action n’a qu’un but : faire en sorte que le taulard n’oublie jamais son statut de paria sous surveillance.

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La prison, par Vergin Keaton pour Rue89Lyon.

La prison, par Vergin Keaton pour Rue89Lyon.

Le fonctionnement d’une rate, au-delà même des matons, stigmatise en permanence et rabaisse les hommes et les femmes enfermés au niveau du rebut.

A longueur de journée on leur rappelle qu’ils sont indésirables. Le mépris, les insultes, les coups sont le quotidiens de l’incarcéré.

Dès qu’on franchit le mur, le tutoiement est systématique. Pas de monsieur ou madame, juste le nom de famille, et uniquement parce que c ‘est plus facile a retenir qu’un numéro d’écrou.

Que dire des fouilles à nu, qui, si elles ne sont plus systématiques, restent largement en vigueur pour des prétextes de « sécurité » : lève les bras, tourne, ouvre la bouche, penche toi. Une humiliation aussi violente que celle que pratiquait les nazis en faisant baisser les pantalons pour vérifier si il y avait ou pas circoncision.

 

Linge froissé, des jours d’attente pour une réponse…

Lorsque la famille, si elle ne baisse pas les bras, vient au parloir, subissant la suspicion et les tracasseries qui vont avec, montre le linge pour son proche, qu’elle a plié soigneusement, avec amour, et ce dernier le reçoit en tas, chiffonné et jeté dans le sac, car, bien sûr, pas question de le replier après contrôle.

Oui, lecteur, au-delà de l’idéologie ambiante, ce sont toutes ces « petites » choses, accumulées à chaque instant, qui détruisent aussi sûrement qu’un supplice assumé. Ces « petites » choses, anodines en apparence, qu’on appelle, de triste mémoire, un détail.

Allez d’autres exemples pour que tu laisses de côté ta tendance à minimiser.

Dans les murs, le taulard ne peut avoir aucune initiative. Il fait des mots pour tout et attend que le surveillant le ramasse avec le courrier partant. Ensuite, il attend la réponse trois jours, une semaine, parfois un mois et souvent il n’y en a pas. Alors il refait un second mot, puis un troisième. Il attend en permanence qu’on lui ouvre la porte de sa cellule et le vocable qu’il entend le plus de la part des matons c’est : « non » !

 

Et les soins, et la bouffe ? Et le courrier ?

Pour le médical il faut entre trois jours et une semaine pour être convoqué à l’infirmerie, 1 mois pour voir le dentiste, 1 trimestre pour rencontrer un spécialiste, même en cas d’urgence. La bouffe, évidemment dégueulasse, est servie dans des barquettes qui respectent les normes d’hygiène. Les repas d’hosto sont des menus 4 étoiles à côté. Comme si une formule chimique et le calcul de calories pouvait être nourrissant et savoureux.

Tiens ! Le courrier, lien fondamental avec l’extérieur quand il existe, est trié et dispatché ou posté par le personnel du vaguemestre si celui-ci n’est pas en congé, en arrêt maladie ou en récupération, ou encore « réquisitionné » à autre chose.

Le courrier arrive dans les cellules si le maton d’étage a envie de le distribuer, si il a fini son « rapport », qui est surtout le moment du café. Nous, les taulards, on n’est pas à un jour près hein ? On a le temps hein ?

 

Le téléphone

Voilà le téléphone, grand sujet de discussion stérile à,l’heure actuelle, parlons en. Outre son coût prohibitif (0,12 centime d’euro toutes les 50 secondes- j’ai calculé montre en main) est principalement accessible dans la cour dite de promenade.

Si les deux appareils marchent c’est de la balle, souvent un sur deux est en panne, car on est entre 25 et 50 à attendre de pouvoir téléphoné. Bien heureux que les lignes restent ouvertes au moins une demie heure pour une sortie d’1 heure, une heure et quart.

Oui, un maton ouvre et coupe les lignes depuis un local de commande. Le téléphone de la coursive faut être bien vu pour l’obtenir ou que le maton soit là. Le compte téléphonique n’est rechargeable qu’une fois par semaine. Il ne faut pas louper le jour et mettre suffisamment pour tenir la distance.

 

Ces petites choses du quotidien…

Allez, je ne vais pas te saturer, lecteur, avec ces « petites » choses, ces « détails » pas intellectuels du tout. Bien sûr, il y aura toujours tel ou tel petit contre exemple selon les rates qui va faire polémique. Une manière récurrente de refuser la réalité quand elle est trop perverse.

Et pourtant, la réalité c’est que les 68 000 et des broutilles taulards n’ont qu’un seul droit, celui de fermer leur gueule . Un banni ne peut que se taire non ?

On me dit qu’il y a moins de monde qui lit le blog quand je parle des suicides, des « petites » choses, de la souffrance des taulards que lorsque je dis la vérité sur les avocats. Étonnant quand même !

La prochaine fois je vais parler des intervenants extérieurs, histoire de faire le buzz avec les visiteurs de prisons, les aumôniers, les accueils familles et autres qui vont monter au créneau défendre leurs actes de charité au service de leur propre rédemption.

 


#Blog du taulard

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