jeux vidéos.
A l’occasion du Congrès mondial des bibliothèques qui se tient à Lyon, Rue89Lyon continue son exploration de la bibliothèque du futur.
Couleurs flashy, sièges moelleux, aire destinée aux jeux vidéo, studios pour la musique, ordinateurs omniprésents… Bienvenue dans l’OBA (Openbare Bibliotheek van Amsterdam). Ici, le cadre souvent austère et silencieux des établissements traditionnels a disparu, place à un nouveau concept, la bibliothèque « tiers-lieu » qui se veut la pointe de la modernité.
Et le public aime. Avec ses 5 200 visiteurs par jour en moyenne qui se pressent entre ses murs, cet établissement nouvelle génération fait des envieux.
Car cette affluence, nombre de bibliothèques ne la connaissent pas.
Les visites sont moins nombreuses et les prêts déclinent.
Dans les années 75-76, le volume moyen d’ouvrages empruntés par personne était de 11,47. En 2002-2003, il avait diminué de moitié. Des chiffres inquiétants cités par Mathilde Servet, conservateur et chef du projet numérisation à la Bibliothèque Nationale de France, dans son mémoire de fin d’étude de l’ENSSIB.
Devenue l’une des expertes françaises de la bibliothèque « tiers-lieu », Mathilde Servet n’y va pas avec le dos de la cuillère, en nous déclarant :
« Si l’on continue à faire que du livre sur du rayonnage, c’est mort ».
La bibliothèque « troisième lieu » : une solution d’avenir ?
La solution ? Repenser intégralement la bibliothèque. Les étagères remplies de bouquins ont certes toujours leur place, mais les établissements nouvelle génération ne doivent plus se résumer qu’à ça. Désormais, la bibliothèque devrait être vue comme un espace de rencontre pour la population et non plus comme un simple lieu de lecture silencieuse.
Salle de spectacle, de conférence, auditorium, cours de cuisine, de langues ou encore cafétéria, cette bibliothèque du futur, « tiers-lieu », doit être pensée comme un véritable espace culturel, explique Mathilde Servet :
« Il faut que la bibliothèque redevienne le point d’ancrage de la société où la population aime se rencontrer. Pour cela, le livre doit rester au cœur de ces établissements, mais à côté, des services annexes doivent être mis en place pour répondre au mieux aux attentes des usagers. »
Finies donc les collections entières de livres quasiment jamais empruntées. Les bouquins ainsi que les services proposés doivent désormais être en adéquation avec les besoins de la population.
C’est pourquoi l’OBA d’Amsterdam propose des cours de langues pour compléter ses méthodes disponibles sur les rayons ainsi qu’une aide spécifique dédiée à la recherche d’emploi. Les enfants ne sont pas en reste avec une aire de jeux vidéo (exclusivement éducatifs pour l’instant) leur est destinée. Des studios pour jouer de la musique ont été mis en place.
Un living room où l’on se sent bien
En plus de ces activités nouvelles proposées, c’est tout l’aspect physique de la bibliothèque qui doit changer. Plus qu’hier, le design tient une place centrale dans la conception de ces bibliothèques.
Pour être un espace de « vivre ensemble », ces établissements sont pensés comme des lieux chaleureux et confortables qui poussent l’usager à rester. Ainsi, les épaisses moquettes de la bibliothèque de Rotterdam procurent une impression de confort, « comme à la maison ». Idem pour les imposants fauteuils de la bibliothèque de Delft au Pays-Bas dans lesquels le visiteur peut confortablement s’installer.
Également, l’aménagement de l’espace en différentes zones permet à chacun de trouver davantage son bonheur. L’aménagement se fait en suivant deux directions :
- les espaces sont pensés selon les pratiques : lecture, étude, musique, jeux vidéo, etc…
- ou selon les ambiances souhaitées : espaces silencieux, aires d’apprentissage où les bruits de fond sont tolérés ou encore zone de sociabilisation comprenant par exemple un café.
Le « tiers-lieu » débarque progressivement en France
Essentiellement présentes dans les pays nordiques, anglo-saxons et au Pays-Bas, ces bibliothèques nouvelle génération, apparaissent petit à petit en France. La bibliothèque francophone multimédia de Limoges en est un exemple. Avec un auditorium, des salles de réunions ou une riche programmation autours de l’Arménie bâtie en collaboration avec les usagers, ce bâtiment est devenu un des « espaces citoyens » de la ville de Limoges.
Idem pour la petite bibliothèque Louise Michel à Paris, « petit poumon humain et culturel de ce quartier » de Paris selon Mathilde Servet. Son intérieur chaleureux a été spécialement aménagé pour les familles :
« Dans cet établissement, il y a une mixité sociale qui n’existe nulle par ailleurs ».
Le café-bibliothèque des campagnes
Dans les campagnes, ce concept de « tiers-lieu » semble également opérant. Fini le bar-tabac, place au café-bibliothèque. Ainsi à Chabrillan, village de 700 habitants de la vallée de la Drôme, la municipalité a racheté la licence IV du café qui fermait. C’était en 2007. La maire de l’époque a eu l’idée de coupler le café à une bibliothèque qui jusque là absente de la commune.
Ainsi est né le « Café-bibliothèque », grâce aux fonds de l’Etat, de l’Europe et du conseil général de la Drôme, dans une ancienne bâtisse de ce village perchée.
Au rez-de-chaussée, se trouve, sous un plafond vouté, le café où l’on vient boire un café ou un pastis. Et sur trois étages, les livres choisis par l’association qui gère la bibliothèque.
Trop d’activités proposées : un danger ?
A force de proposer toujours plus d’activités, la bibliothèque n’en perdrait-elle pas son esprit premier ? Non répond Mathilde Servet, à condition que les activités proposées restent en adéquation avec les demandes de la population avoisinante. Selon elle, cette multiplication de services permet tout simplement d’attirer plus de personnes, de culture et d’horizon différents :
« Il faut désacraliser la bibliothèque, ça ne doit plus être un lieu simplement réservé à une élite, mais un véritable espace culturel pour tout le monde. »
Alors qu’en France seulement 17 % de la population d’une ville fréquente sa bibliothèque, en Finlande, pays adepte des espaces « tiers-lieu », ils sont près de 55 %. Idem en Angleterre, où le changement des établissements traditionnels en Idea Stores a fait augmenter les prêts de 26 % et le nombre de visiteurs à plus… 240 % ! Preuve que les bibliothèques « tiers-lieu » ont certainement de l’avenir.
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